Farabougou: les contours d’un accord

En l’absence d’une clause prévoyant une reconduction tacite de l’accord de cessez-le-feu temporaire d’un mois signé le 14 mars 2021 entre les chasseurs et les jihadistes, sous l’égide du Haut conseil islamique (HCI), un nouveau round de négociation s’imposait sur Farabougou. Au grand bonheur des populations martyres, le HCI annonce que l’Accord de cessez-le-feu signé entre les donsos et les jihadistes, dans le cercle de Niono, est devenu un accord de cessez-le-feu définitif entre ces deux groupes. Quels sont les contours de cet accord presqu’inespéré ?

Ce jeudi 15 avril, le délai d’un mois laissé par les jihadistes de la Katiba Macina à l’État malien sur la question de Farabougou prenait fin ouvrant la porte à toutes les spéculations, mais surtout faisant redouter un retour au statu quo synonyme de nouveau siège de Farabougou.
Le cataclysme n’a pas eu lieu puisque le Chef de mission du Haut Conseil Islamique du Mali, Moussa Boubacar BAH, ce samedi, informe l’opinion nationale et internationale que l’Accord de cessez-le-feu signé entre les donsos et les djihadistes dans le cercle de Niono est devenu un accord de cessez-le-feu définitif entre ces deux groupes. Cet accord définitif a été conclu ce vendredi 16 avril dans la forêt de Hadji-wêrè dans le cercle de Niono. Il inclut toutes les clauses de l’Accord du 14 mars dernier, sauf le départ des FAMa de Farabougou.
Après la signature de l’accord de cessez-le-feu définitif, un haut cadre du ministère de la Réconciliation nationale frimait sur les antennes s’une station internationale : « les jihadistes ne peuvent pas fixer d’ultimatum à l’Armée. Et nous n’allons pas quitter Farabougou parce qu’ils nous le demandent.» Ce haut cadre du ministère de la Réconciliation nationale, très proche collaborateur du ministre, le Colonel-Major Ismaël WAGUE, ne peut pas être plus clair : s’il qualifie de « salutaire » l’accord de Niono, il n’est pas question pour l’État de se plier à la dernière demande des jihadistes.
Pourtant cette forfanterie semble dissimuler une réalité insoupçonnée. En effet, selon de bonnes sources, la levée du siège de Farabougou, suite à l’accord du 14 mars, si elle a permis aux populations de vaquer à leurs activités, aura également permis à l’Armée de quitter les lieux, parce qu’elle était assiégée avec les populations. C’est en cela que l’on peut comprendre ce passage du communiqué du Haut conseil islamique du Mali : ‘’de ce fait, le départ de l’Armée n’est plus une condition pour la paix et la réconciliation entre donzos et djihadistes dans le cercle de Niono ».
En version facile donc, le départ de l’Armée n’est pas un problème parce qu’elle n’est plus à Farabougou?
Il faut rappeler que Moufa HAIDARA qui a dirigé les négociations ayant abouti à l’accord du 14 mars, au nom du Haut Conseil islamique du Mali, plaidait pour que cette exigence soit entendue : «ça n’a pas empêché l’embargo de Farabougou. Ils sont cantonnés, ils sont dans la ville comme les populations. Je pense que pour la libre circulation des populations, pour éviter le bain, l’État doit y réfléchir.(…) Que l’armée malienne quitte Farabougou avec intelligence, pour que la paix puisse être consolidée.» Au regard des échos qui nous sont parvenus, l’Armée a dû quitter Farabougou, avec intelligence, à la faveur de la levée du siège du village.
Qu’on ne s’y méprenne pas : l’accord du 14 mars contenait une condition suspensive: les jihadistes avaient exigé que les militaires stationnés à Farabougou quittent les lieux, le 15 avril au plus tard. Or, ils ne sont du genre à fignoler sur leurs exigences. D’ailleurs le représentant du Haut conseil islamique du Mali, Moussa Boubacar BAH, faisait savoir ce samedi : « le conflit entre les FAMa et groupes djihadistes dans le cercle de Niono n’est pas concerné par cet accord définitif ». En voici un autre contour de l’accord de cessez-le-feu. Les jihadistes, affiliés à Al-Qaïda au Maghreb islamique qui ont signé l’accord définitif de cessez-le-feu avec les donsos excluent les Forces armées et de sécurité. En clair, ils continueront à rentrer et sortir de Farabougou à leur guise pour aller prêcher avec kalach en bandoulière, ils infligeront aux femmes non voilées les sanctions qui s’imposent et collectionneront la zakat ; mais, ils n’ont nullement envie de trouver en travers de leur chemin les FAMa, sous peine d’ouvrir les hostilités. Or, il se trouve que c’est justement pour fuir une telle éventualité que le Haut conseil islamique du Mali a été mandaté pour créer les conditions de la paix entre les populations de la localité, singulièrement entre les donsos et les jihadistes. Peut-on alors vouloir une chose et son contraire ? Assurément pas. C’est pourquoi l’on pourrait logiquement mettre les déclarations tapageuses de ce cadre du ministre de la Réconciliation nationale sur le compte d’un baroud d’honneur. Parce que l’Armée a quitté ou quittera nécessairement Farabougou pour éviter un affrontement avec les jihadistes qui pourrait saper la paix précaire obtenue sous la médiation du Haut conseil islamique du Mali.
On ne reçoit pas d’ordre d’évacuation des positions de l’Armée des jihadistes ? On dit souvent: et de seuil à deuil, il n’y a qu’un pas. Il faut faire le deuil d’une fierté mal placée quand on a atteint le seuil de l’incapacité, la ravaler, parce que ce ne serait quand même pas la première fois, dans ce pays, qu’on se prosterne avec une platitude de valet devant des gens qui imposent et en imposent. En attendant la renaissance… ou la capitulation définitive.

PAR BERTIN DAKOUO

Source: Info- Matin

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