Éducation : à l’épreuve du coronavirus, écoles fermées cherchent alternatives

Parmi les mesures prises par le gouvernement malien contre la propagation de la pandémie du coronavirus, figure la fermeture des écoles et universités pendant trois semaines. La préoccupation est finalement de savoir ce que font les apprenants en attendant la réouverture.

 

«Ça me ferait plaisir de dispenser des cours à distance mais le matériel technologique nécessaire fait défaut », affirme Siaka Coulibaly, qui enseigne la littérature au lycée Nacani Doucouré de Kati, à quelques kilomètres de Bamako, la capitale malienne.

Au Mali, le 17 mars dernier, à l’issue d’une réunion extraordinaire, le Conseil supérieur de la défense nationale a pris des mesures parmi lesquelles la « fermeture des écoles publiques, privées et confessionnelles, y compris les medersas, pendant trois semaines ».

Dans une telle situation, il est nécessaire de penser à des alternatives. Au Sénégal, touché par la pandémie, une chaîne de télévision a lancé un programme afin de proposer des cours quotidiens aux enfants restés à la maison. En France également, l’on a pensé à la formation à distance comme alternative. Au Mali, tel ne semble pas être le cas. « L’enseignement à distance n’est pas encore développé au Mali. La plupart des élèves et enseignants ne savent pas comment ça se passe», déplore l’enseignant Siaka Coulibaly.

Penser à l’auto-formation

Or, nous sommes à l’ère du numérique, l’auto-formation doit être la priorité des apprenants. L’usage que ceux-ci font d’Internet et des médias sociaux pose problème. Mais pour Abdoulaye Soumaré, enseignant au Collège Royal, à Quartier-Mali (Bamako), c’est surtout « la paresse, un fléau qui gangrène la jeunesse malienne ». L’enseignant ajoute : « Le courage manque à beaucoup pour s’auto-former. Rares sont les parents d’élèves qui poussent ou incitent leurs enfants à apprendre tout seul.» Tout comme son collègue Siaka Coulibaly, il déplore ce manque de mécanismes adéquats permettant aux apprenants et aux enseignants de rester en contact en dehors du cadre scolaire. Il signale qu’il continue d’encadrer des élèves chez lui tout en respectant les gestes barrières et la distanciation sociale.

Au lycée privé Bafily Traoré de Kabala, l’on a pensé à deux alternatives pour garder le contact avec les élèves : « À notre niveau, nous avons deux solutions : la première consiste à mettre en place un petit boîtier qui embarque une plateforme d’apprentissage avec des contenus éducatifs. Les élèves peuvent se connecter via un smartphone, une tablette ou un ordinateur sans aucune connexion Internet grâce à un réseau local déployé», explique Boubacar Koné, proviseur du lycée. Il ajoute qu’un groupe WhatsApp a été créé pour chaque classe où sont partagés des cours en vidéo, audio et sur support numérique préparés par les différents professeurs. « Les exercices interactifs sont aussi possible en fonction de la disponibilité de chaque professeur. Ce sont ces deux solutions alternatives qui seront mises en place. », précise-t-il.

 L’école en crise

Cette pandémie a porté un coup dur au secteur de l’éducation en général. Mais il faut relever qu’avant l’irruption de la pandémie du coronavirus, les écoles, notamment publiques, étaient fermées en raison des grèves interminables des enseignants. Pour l’essayiste et ancien conseiller technique au ministère de l’Éducation, Daouda Tékété (auteur de Média-école et éducation en Afrique et Systèmes éducatifs en Afrique, forces et faiblesses), tout cela est révélateur de la grave crise que vit le Mali, laquelle est liée en partie à la nature même du système éducatif.

«Nous avons un système extraverti qui prend beaucoup plus les besoins de l’extérieur en compte que ceux de l’intérieur. Ce système éducatif, fermeture ou pas, avec les grèves ou la pandémie, ne nous sert pas en réalité. Donc, ce n’est pas la grève des enseignants ou la pandémie qui pose le gros problème, mais le système éducatif.»

Pour lui, il faut revoir le système. « Il faut que nous mettions en place un système qui est le nôtre. Cela passe d’abord par l’apprentissage aux enfants de leur culture, de leur spiritualité, de leur histoire. Il faut qu’on revoie complètement le système et dans sa forme et dans son contenu.», poursuit-il.

Vacances pour certains, sérieux pour d’autres

D’autres jeunes et enfants profitent de cette période pour reprendre ou continuer leurs habitudes. Il s’agit de la fréquentation du « grin », de la rue voire même des plages en période de chaleur. C’est comme si nous étions déjà en vacances pour certains. Ils sortent et rentrent quand ils veulent sans craindre quoi que ce soit. Mais, certains parents ne laissent pas faire.

A Sébénicoro, quartier populaire de Bamako, il y a une famille qui s’inscrit dans cette dynamique d’exception. Elle a décidé de mettre ses membres en confinement. Les enfants ne sortent pratiquement plus. Ils s’exercent de temps à autre ou regardent la télévision. « Chez nous, c’est déjà confinement. Pour les enfants, pas d’école, pas de sortie ! Le père ne se lasse pas de rappeler tout le temps le respect des mesures sanitaires. A l’entrée de la maison, du savon et de l’eau pour que chaque personne qui entre se lave les mains», nous rapporte un membre de la famille. Il ajoute que les enfants passent leurs journées à jouer au Scrabble, au Ludo ou jouer aux cartes. Ceux qui sont en classe d’examen s’exercent le matin, entre 9h et 10h en Mathématiques et en Physique-Chimie.

Avec cette pandémie, certains parlent déjà de risque d’une année blanche. Toutefois, les parents doivent faire en sorte que les enfants continuent à lire ou à s’exercer à la maison. Comme cela, ils sauront garder ou améliorer leur niveau en attendant. Les responsables des établissements privés et publics peuvent également réfléchir à des stratégies qui pourraient permettre aux enfants d’apprendre à distance.

«Les gens sont préoccupés de tomber malade et ce dans tous les pays. Dans cette situation, il est difficile de penser ce qu’on va faire après, de penser une année scolaire colmatée comme on le fait très souvent. Le temps perdu ne se rattrape plus, on peut arrêter de perdre le temps en éviter de prolonger l’année. Ce n’est pas la durée de ce qu’on apprend qui importe, mais ce qu’on apprend. », prévient Daouda Tékété.

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Source : Benbere
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