Pratiques esclavagistes à Bafoulabé : Des atteintes graves à la dignité humaine

Depuis quelques jours, des vidéos horribles circulent sur les réseaux sociaux sur des pratiques esclavagistes dans le cercle de Bafoulabé dans la région de Kayes. Les faits se sont déroulés dans les communes de Tomora et Kontela. Des atteintes graves à la dignité humaine.

 

Dans un communiqué en date du 30 septembre 2021, la Commission nationale des Droits de l’Homme (CNDH) exprime sa très vive préoccupation par rapport à la recrudescence de la violence liée aux pratiques de l’esclavage par ascendance dans le Cercle de Bafoulabé, région de Kayes. « Des manifestations violentes, se traduisant notamment par des atteintes aux droits à la vie, à l’intégrité physique, aux biens, se commettent depuis hier, 29 septembre courant dans cette localité », souligne l’organisation de défense de droits de l’homme. La CNDH condamne avec fermeté les violences perpétrées entraînant parfois mort d’hommes sur des personnes en raison de leur soi-disant statut « d’esclave » et invite le gouvernement à tout entreprendre pour mettre fin à ces violences récurrentes. Elle recommande aux autorités compétentes de poursuivre et traduire en justice les auteurs, co-auteurs et complices de ces abus des droits de l’Homme. Elle réitère son appel à l’attention du gouvernement à l’effet d’initier dans les meilleurs délais un dialogue inclusif en vue de la résolution durable de la question de « l’esclavage par ascendance » au Mali, en général, dans les régions de Kayes, Kita, Nioro du Sahel, en particulier. Enfin, la CNDH à travers son président, Aguibou Bouaré, appelle les populations concernées à cesser tout acte de violence et à œuvrer en faveur de la paix et de la cohésion sociale.

La vice-présidente de l’Association pour la Consolidation de la paix, le développement, la Promotion et la Protection des Droits humains (TEMEDT), Mme Raïchatou Wallet Altanata, a fait part de sa honte pour son pays avant de tancer sérieusement les autorités : « J’ai vraiment honte pour mon Pays où les autorités sont devenues des véritables monstres….. assistant froidement à cette barbarie, voire tragédie qui se passe dans la région de Kayes… », a-t-elle posté sur sa page Facebook.

Des atteintes graves à la dignité humaine qui interpellent les autorités maliennes.

C.D

 

Une association anti-esclavagiste interpelle le président de la Transition

Dans une lettre ouverte, le président de l’Association Contre la Domination et l’Esclavage CSP/ACDE,  Koundénécoun Diallo,  interpelle le président de la Transition. La lettre détaille les informations sur les séries d’agressions physiques que des membres de l’Association Contre la Domination et l’Esclavage CSP/ACDE ne cessent de subir et demande à l’Etat d’intervenir pour assurer plus de protection aux personnes et à leurs biens dans le cercle de Bafoulabé.

Nous,

Association Contre la Domination et l’Esclavage, CSP/ACDE venons par la présente vous tenir informé de la perpétration répétée d’agressions physiques contre certains de nos membres depuis 2019, à Bafoulabé.

En effet, notre association, recouvrant les cinq communes du nord de BAFOULABE : TOMORA, KONTELA, DIALLAN, SIDIBELA ET SANGHA, est créée, de fait, le 17 juin 2019.

Elle a disposé de son récépissé en février 2020.

Depuis lors, nous essayons de sensibiliser sans violence, nos frères et sœurs au Mali ou ailleurs sur la pratique de l’esclavage par ascendance dont les corollaires sont stigmatisation et discrimination raciale. Le phénomène crée une situation d’infériorité et de supériorité entre citoyens maliens habitants la même zone : Les inférieurs étant des « ESCLAVES », Les nobles ou « HORONS », les supérieurs. Cet état de fait viole l’article 2 de notre Constitution du 25 février 1992.

En effet, nous avons constaté, lors des échéances électorales passées, dans la commune de Tomora, que l’on se prévaut de ce statut « Noble», de cette classe « supérieure ». C’est pourquoi, nous nous sommes organisés au sein de cette association pour lutter pacifiquement contre le phénomène, en tenant des réunions de sensibilisation dans des villages, des manifestations de dénonciation de sa pratique dans le cercle de Bafoulabé, en créant des groupes Watsap de sensibilisation, etc.

Ainsi, certains de nos membres ont subi et continuent de subir des agressions physiques, de privation du droit de réunion, parce qu’ils ont osé refuser de rester dans le statut d’esclaves par ascendance, de fêter, de cultiver leur champ.

Les cas sont les suivants :

1) Tourako, situé dans la commune rurale de Tomora : là, on nous a interdit les réunions depuis 2019 ; sept personnes de ce même village, membres de CSP/ACDE, croupissent dans la prison de Bafoulabé depuis plus de neuf mois maintenant sans être jugés ;

2) Balandougou et Oussoubidiagna, commune de Tomora : le 3 et le 4 octobre 2020, des routes nous ont été barricadées, avec interdiction de passage aux membres de CSP/ACDE, des gens agressés à domicile, blessés pour avoir le dessein de tenir une réunion ;

3) Kéniéba, commune rurale de Kontela : pour avoir voulu fêté l’anniversaire de la association, le 17 juin passé, plus d’une vingtaine de personnes ont été agressées physiquement, blessées, ligotées, maltraitées, une dizaine de motos complètement saccagées, d’importantes sommes d’argent extorquées, des domiciles violés, ledit village entièrement assiégé du 17 au 19 juin 2021. La procédure est en cours au Tribunal d’Instance de Bafoulabé après que 39 personnes de nos membres ont été gardées à vue à la gendarmerie de ladite localité pendant deux semaines ;

 4) Kéniéba : M. Kita Konaté, cultivateur, ressortissant du même village, se fait rouer de coups, blesser, ligoter le 11/07/2021, dans son champ, pour avoir voulu y travailler. La procédure est cours à Bafoulabé ;

5) Barsafé, relevant de la commune Tomora : M. Kissima Dembélé, cultivateur, ressortissant dudit village se fait battre, blesser jusque dans son champ, aujourd’hui, le 18/07/2021 par un groupe de six jeunes ressortissants du même village qui étaient allés lui interdire de cultiver. Son petit frère avec qui il travaillait n’a pas été épargné, lui aussi blessé ;

6) Kéniéba : Nous avons assisté au refus à M. Cheickna Konaté d’occuper le poste de l’IMAM en raison du prétendu statut d’« esclave par ascendance ».

Nous tenons à vous signaler que toutes les autorités locales du cercle de Bafoulabé et de la région de Kayes sont aussitôt informées chaque fois que nos membres font l’objet d’agressions.

Nous saluons de passage Monsieur le Préfet de Bafoulabé qui a effectué des tournées de sensibilisation des populations, sur les textes de la République qui interdisent l’esclavage, dans les communes concernées depuis que ces malheureux évènements ont commencé.

A Bamako, nous avons écrit à l’ex-président de la République, aux ex- ministres de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux pour les informer.

L’appel que nous, en tant victimes, car nous ne pouvons plus nous réunir, ou aller au champ sans être agressés, lançons, aujourd’hui, à nos autorités compétentes, est d’intervenir urgemment, afin que la justice fasse son travail en interpellant et en réprimant les auteurs et commanditaires d’agressions physiques, à défaut, Bafoulabé risquerait de devenir une zone hors la loi où la loi du Talion règnerait, à Dieu ne plaise.

Sachant compter sur l’Etat et les gouvernants quant à pouvoir mettre fin à ces agressions, nous vous prions d’agréer, son Excellence, l’expression de nos salutations distinguées.

Paris le 18/07/2021

 Le président de CSP/ACDE

Koundénécoun Diallo

Source : Le Challenger
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