Mali-CEDEAO: pourquoi des sanctions à minima ?

Réunis en sommet extraordinaire, à Accra, le samedi 6 novembre 2021, les dirigeants ouest-africains ont décidé de durcir les sanctions individuelles contre les militaires au pouvoir en Guinée et au Mali. Pour de nombreux observateurs, ces décisions de nos chers Chefs d’Etat, en ce qui concerne le Mali, sonnent comme des sanctions à minima, car elles évitent à un Peuple malien, déjà très affecté par la crise, de subir une asphyxie économique qui aurait été dévastatrice. Les dessous d’une sanction à minima.

 

À la lecture des décisions qui ont sanctionné la rencontre des chefs d’Etat de l’organisation sous-régionale, on peut dire, finalement, qu’il y a eu plus de peur que de mal ! En tout cas, pas de sanctions économiques, ni d’embargo, encore moins de mesures d’isolement du Mali qui pourraient être fatales pour notre pays déjà à genou.
A l’issue de leur Sommet extraordinaire tenu ce samedi 6 novembre 2021, à Accra(Ghana), les chefs d’Etat de la CEDEAO ont a décidé d’imposer des sanctions avec effet immédiat à l’encontre des individus et groupes identifiés, y compris l’ensemble des Autorités de transition et les autres institutions de transition du Mali.
Ces sanctions, qui seront également imposées aux membres de leur famille, comprennent une interdiction de voyager et un gel de leurs avoirs financiers.
Il charge en outre le Président de la Commission d’examiner et de proposer des sanctions supplémentaires lors de sa prochaine session ordinaire, le 12 décembre 2021, si la situation persiste.
En outre, l’Autorité appelle l’Union africaine, les Nations Unies et les partenaires bilatéraux et multilatéraux à approuver et à soutenir la mise en œuvre de ces sanctions, peut-on lire dans ledit communiqué.
Mais, en prenant de telles décisions, la CEDEAO ignore-t-elle que nos autorités ne voyagent pratiquement pas et n’ont pas un kopeck à l’étranger ?
Par rapport à l’interdiction de voyage, il faut rappeler qu’une directive gouvernementale avait déjà gelé les voyages non essentiels dans notre pays. Pour ce qui est du gel des avoirs, les intéressés n’ont rien pour la plupart. Donc, il n’y a rien à saisir. L’on se demande quel est le premier pays qui appliquera cette décision dans un contexte d’interdépendance économique.
En préférant les sanctions individuelles aux restrictions économiques, nos Chefs d’Etat ont bien évidement joué la carte de la prudence et de la responsabilité face aux réalités du moment.
Car, l’organisation est accusée, par une large majorité de l’opinion publique, d’être à la solde de la puissance coloniale (la France) et des partenaires de l’Union européenne qui finance la plupart des organisations panafricaines.
D’ailleurs, ce sommet s’est tenu au lendemain de plusieurs manifestations de soutien à la transition. Lesquelles ont demandé clairement que le mandat de la transition soit prorogé, le temps nécessaire de réunir les conditions d’une meilleure sécurité, d’opérer les reformes appropriées pour la tenue d’élections libres et transparentes.
Face au soutient populaire dont jouissent les autorités de la Transition contre lesquelles les opposants qui font grise-mine, les Chefs d’Etat ont visiblement choisi la politique de du verre à moitié vide, en prononçant des sanctions qui n’affectent pas directement le peuple.
Certes, ces sanctions jettent le discrédit sur les autorités et les isolent davantage alors qu’elles ont un besoin vital de l’aide internationale multiforme pour apporter des solutions durables aux urgences du moment : cherté de la vie, insécurité et crise sociale persistante.
C’est donc un isolement politique couplé à un gel des avoirs qui n’aura pas d’impact direct sur les populations, mais qui, s’il est suivi par le reste de la Communauté internationale, placera les autorités dans une position extrêmement inconfortable.
D’ailleurs, les Chefs d’Etat ne se sont-ils pas rendus compte des limites de les sanctions en lançant un appel à l’UA et aux Nation unis pour les aider à appliquer les décisions qu’eux ils ont prises.
«En outre, l’Autorité appelle l’Union africaine, les Nations Unies et les partenaires bilatéraux et multilatéraux à approuver et à soutenir la mise en œuvre de ces sanctions», peut-on lire dans ladite déclaration.
Mais, à l’exception de l’UA qui est sous les ordres de l’Union européenne, ces genres de sanctions n’ont aucune chance de prospérer au niveau des Nations unies quand on sait que la Chine et la Russie (deux pays qui disposent du droit de veto à l’ONU) sont sur la même longueur d’onde que les autorités de la Transition au Mali.
En tout cas, des membres influents du Conseil de sécurité des Nations unies restent toujours divisés sur le Mali. La preuve, lors de la réunion du vendredi 29 octobre sur le Mali, la position des USA s’opposait notamment à celle de la Russie. Alors que le pays de Joe BIDEN appelle au respect du délai de la Transition, celui de POUTINE estime que la priorité doit être donnée à la sécurité intérieure.
Mieux, lors de dernière visite des membres du Conseil de sécurité au Mali, les 23 et 24 octobre dernier, le chef de la délégation, le Nigérien Abdou ABARRY, avait déclaré : «On ne peut pas avoir d’objection pour les reformes, parce que le pays a connu pas mal de difficultés. Reformer, remettre les choses en état, je pense qu’aucun membre du Conseil de sécurité ne s’y oppose. Mais simplement, il ne faut pas retarder de façon prolongée la fin de la transition».
En termes clairs, la décision de la CEDEAO est loin de faire l’unanimité au sein même de la communauté internationale et des opinions africaines.
Au regard de ce qui précède, on peut dire que ces sanctions ne sont ni plus, ni moins que les décisions d’une organisation minée de l’intérieur par ses propres contradictions et incohérences liées principalement à sa nature hybride entre une CEDEAO des peuples et un groupement d’intérêt politique de chefs d’État en exercice.
Ce boulet oblige l’institution à faire des annonces fortes contre les auteurs de coups d’État dont la responsabilité première lui incombe en raison de sa complicité active ou passive face aux fraudes électorales avérées, aux troisièmes mandats tolérés, s’ils ne sont pas accompagnés, aux silences assourdissants face aux fraudes électorales, à la corruption ou à la mauvaise gouvernance, toutes condamnées par les textes communautaires.
Que reste-t-il alors comme marge de manœuvre à l’organisation communautaire en dehors des incantations, des redites ou des condamnations de principes ?
C’est cette impuissance qui vient de se révéler encore hier à Accra.
Pou notre part, nous estimons que l’urgence fondamentale reste la même : apaiser le front sociopolitique en gestation et rassurer en posant davantage d’actes concrets pour stabiliser le pays dans le domaine de la cherté de la vie, de la sécurité et de l’organisation des élections.

Par Abdoulaye OUATTARA

Source : Info-Matin

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