MALI: Les urgences d’une transition à réussir à tout prix

Ecrire en ces moments de doute et de passion, dans un pays où la démocratie marque le pas démocratiques et où l’autorité peut souffrir d’une certaine légitimité est un défi, presque majeur. Parce que le verbe devrait se placer au-dessus de l’émotion et de la passion. Ainsi, en toute objectivité, il convient, à l’instar du chirurgien, de diagnostiquer, de disséquer les maux qui assaillent mon pays et plombent ses ailes. Je le ferai avec les mots qui placeront la République au-dessus de toute considération.

 

C’est un secret de polichinelle que, depuis toujours, la transition a emprunté un chemin parsemé d’embûches. Cette trajectoire, pas nouvelle, nous mènera inévitablement vers le chaos, si rien n’est fait. Nous ne pouvons pas croiser les bras et voir le pays aller à la déliquescence car il arrivera un moment où le couvercle sauterait et où on verra du mal à le rabattre sur la casserole. Il faut que nous prenions garde.

J’ai pris la mesure, toute la mesure, de ne pas être dans des questions conjoncturelles en s’attaquant aux causes plus qu’aux conséquences.

Au Mali, nous avons, l’habitude de s’attaquer aux conséquences en oubliant étonnement les racines, c’est-à-dire les causes qui alimentent tout. Cette focalisation sur les effets est également alimentée par les stigmatisations, les marginalisations, les discriminations et les exclusions politiques. Nous assistons malheureusement à une prolifération  des acteurs publics sans assise sociale, intellectuelle et scientifique.

Les intellectuels qui ont  normalement une mission de ravitaillement idéel de la société, ont déserté l’espace public, la réflexion et la production d’idées susceptibles de donner des orientations.

On est dans des pays où un intellectuel, pour la validation de ses idées, a besoin d’avoir des accointances politiques, une coloration partisane de l’autorité. C’est pourquoi, l’intellectuel est souvent obligé de trahir ses réflexions pour plaire à l’autorité. Ma conviction ultime est que la réflexion est la source qui arrose le progrès.

Cet espace est aujourd’hui envahit par des activistes, des chroniqueurs au verbe haut et creux, des pseudo-politiques, des politiciens déguisés en religieux politiques et des Hommes d’affaires. Tous prétendent  parler au nom du peuple et personne ne parle au nom du Pays. Le Mali est en pénurie d’hommes politiques patriotes jusqu’à la moelle des os. La jeunesse, supposée être l’avenir du pays, est orpheline des repères et des références. La jeunesse, source d’énergie, est sans formation solide. Elle est, aujourd’hui, victime d’elle-même. Elle est indifférente des enjeux et vit dans et de l’émotion. Elle n’est intéressée que par des débats de bas niveau et est dans la culture  de la pensée unique. C’est ce qui compromet  le débat démocratique, contradictoire et argumenté. Lorsque le corpus intellectuel est érigé en haine, plein d’invectives, on va dans un sens ou dans un autre vers l’instauration d’un certain totalitarisme intellectuel qui pervertit le débat public et devient préjudiciable à la réflexion, à la pensée et particulièrement à la construction d’idées nouvelles et constructives.

Les jeux, au lieu des enjeux, occupent l’essentiel de l’espace public. Les principes, les valeurs, les vertus cèdent place à l’arrogance, à la corruption, à la gabegie, au favoritisme, au népotisme et à l’ignorance. Les valeurs qui, naguère, nous caractérisaient sont bafouées au profit des strapontins autour de la galaxie du pouvoir pour garnir des viatiques.

La transition ne saurait se limiter à la seule tenue des élections. Cinq coups depuis 1960 sont indicateurs que le pays a besoin d’un serein diagnostic, une profonde refondation. Cependant, sa durée ne saurait être perpétuelle. Elle ne doit être segmentée ou fractionnée selon les intérêts de certaines personnes. On va tout droit au bord de l’apocalypse lorsque les armes, le populisme, les injures, le mensonge et la manipulation deviennent les arguments majeurs, l’intégrité, la probité, l’honnêteté, la compétence foulées au pied.

C’est pourquoi, nous avons décidé de ne pas encourager les pratiques anti-démocratiques ou insurrectionnelles car elles ouvrent des braises, des brèches difficiles à colmater.

Il nous faut, aujourd’hui, une introspection car nous risquons de répondre à nos propres interpellations. Il faut que nous, jeunes, apprenons le leadership du développement personnel, la citoyenneté et les valeurs de la République.

Il nous faut, aujourd’hui, une constitution Malienne à la place de la constitution du Mali. Il faut redéfinir un nouveau contrat social entre le Mali et son peuple, faire en sorte que les élites et les populations dialoguent en vue de mettre en place un nouveau modèle, un nouveau système ancré sur nos réalités sociales, sur notre contemporanéité. L’idée serait de repenser les imaginaires et de proposer un chemin différent dans un monde de plus en plus hostile pour arpenter les rampes de la réussite. Il s’agit de placer la République au-dessus de tout et de tous et d’inventer le type de comportement qui est en parfaite harmonie avec ses exigences.

Les jeunes frappent avec insistance aux portes des responsabilités publiques  mais, que cela soit clair, la jeunesse n’est pas inéluctablement un gage de compétence ou de probité. Il faut néanmoins prendre en compte leurs aspirations réelles et amorcer cette bombe à retardement. On ne peut plus gouverner sans elle.

Apporter des réponses pertinentes dans les domaines économiques, sociaux et culturels devient une urgence. Sinon, les impasses politiques actuelles exposeront ceux qui seront reclus dans le luxe, laissant la misère être le quotidien de leurs concitoyens.

La transition qui doit être une période de profondes réformes cache malheureusement des agendas. La justice, fer de lance du développement, de la paix sociale et de l’harmonie nationale éprouve des difficultés, aux yeux des maliens, à garder son impartialité. J’ai la conviction très nette qu’il ne doit pas avoir un citoyen à part entière et un citoyen entièrement à part. Personne, sans exception aucune, ne doit se targuer d’une certaine immunité pour valider des forfaitures.

Nous vivons un climat intense avec une colère qui risque de s’accentuer. Chaque décision politique impopulaire est porteuse de situation insurrectionnelle qui n’épargnerait personne. Les germes d’une prochaine crise semblent se mettre en place. Et, malheureusement, si cela devrait arriver, celle-ci risquerait d’être fatale à notre pays. Alors travaillons pour une République réconciliée avec ses enfants, pour une République de paix et des idées pondérées.

Abdoulaye Maiga

Citoyen malien.

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