La guerre menace entre le Kirghizistan et le Tadjikistan

Le président kirghiz a appelé lundi son pays à l’unité après des affrontements d’une intensité sans précédent à la frontière avec le Tadjikistan. Ces deux ex-républiques soviétiques se disputent des territoires de part et d’autre de la moitié de leur frontière commune de 970 kilomètres.

L’attention internationale se porte logiquement sur le conflit entre la Russie, puissance nucléaire, et l’Ukraine, qui lui tient tête. Voire sur celui, moins intense, entre l’Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie, et l’Arménie, alliée théorique de Moscou.

Deux guerres à quatre heures d’avion de l’Europe occidentale et impliquant des acteurs de premier plan des hydrocarbures. Mais les braises d’un autre affrontement entre ex-républiques soviétiques rougeoient en Asie centrale.

Appel à l’unité

Les combats entre le Kirghizistan et le Tadjikistan ont fait une centaine de morts depuis huit jours et le président du kirghiz, Sadyr Japarov, a appelé lundi sa population à l’unité en affirmant que son armée était capable de « repousser toute invasion ». Il a aussi mis en garde sur les risques de provocations, illustrant la crainte d’instabilité dans ce pays d’Asie centrale qui a connu depuis 2005 trois révolutions, dont la dernière, en 2020, l’avait porté au pouvoir. Ses partisans l’avaient sorti de prison où il purgeait une peine pour prise d’otages.

Si les affrontements à l’arme lourde des huit derniers jours sont d’une intensité sans précédent, les relations sont houleuses entre les deux pays depuis l’éclatement de l’URSS en raison d’un différend portant sur la moitié environ des 970 kilomètres de frontière commune, sur fond de rivalité pour l’accès aux ressources en eau.

S’il a déclaré que le potentiel militaire de son pays était d’un « tout autre niveau » que jadis – « la preuve : ceux qui ont envahi nos terres ont reçu leur punition » -, Sadyr Japarov a assuré qu’il ferait tout son possible pour régler les différends avec le Tadjikistan de manière pacifique. Il a invité à ne pas écouter ceux qui, sur les réseaux sociaux, jettent de l’huile sur le feu. Aucun incident à la frontière n’a été constaté depuis le cessez-le-feu signé vendredi.

Le gouvernement kirghiz affirme que 59 de ses ressortissants ont été tués dans la région de Batken, située au sud-ouest du pays et frontalière du Tadjikistan. Ce dernier affirme, pour sa part, que 35 Tadjiks, pour la plupart des civils, ont été tués lors des combats. Ce bilan dépasse désormais largement celui de précédents affrontements frontaliers d’ampleur, en avril 2021, qui avaient causé la mort d’une cinquantaine de personnes. Ils avaient alors fait craindre un conflit à plus grande échelle.

Moscou s’implique

Lors d’entretiens téléphoniques, le président russe Vladimir Poutine a appelé, dimanche, Sadyr Japarov et son homologue tadjik, Emomali Rakhmon, à éviter de nouveaux affrontements . Moscou joue historiquement le rôle de tuteur de ces deux pays, mais est actuellement affaibli par ses revers en Ukraine.

Le Kirghizistan et le Tadjikistan sont tous deux dénués d’accès à la mer, peu peuplés (6 millions d’habitants pour le premier et 9 millions pour le second), les pays les plus pauvres de l’ex-URSS et sans grandes ressources, hormis l’hydroélectricité car ils sont tous les deux très montagneux. Le Tadjikistan exporte un peu de coton et d’aluminium, tandis que l’économie du Kirghizistan s’appuie surtout sur le bétail et une grande mine d’or.

Faute d’alliés inconditionnels pour les deux parties, le risque de contagion régionale d’une éventuelle guerre semble relativement limité. Si le régime kirghiz a longtemps eu la réputation d’être le seul semi-démocratique d’Asie centrale, il devient depuis quelques années aussi autoritaire que celui du Tadjikistan .

Source: https://www.lesechos.fr/
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