Sur le vif: Soutien de poids

«Les États-Unis ont engagé des ressources supplémentaires au Sahel pour soutenir les efforts de lutte contre le terrorisme menés par la France». Les présidents américain et français en ont fait l’annonce dans un communiqué commun, à l’issue de leur entretien à Rome vendredi dernier, en marge du sommet du G20. Le communiqué ajoute que «la France et les États-Unis rechercheront les moyens d’accroître le soutien multilatéral au G5 Sahel, à ses États membres et à la Minusma».

 

Joe Biden tient ainsi la promesse faite à Emmanuel Macron, en septembre dernier, alors qu’il tentait d’apaiser la tension entre la France et les États-Unis, suite à l’affaire des sous-marins australiens. À titre de rappel : Paris s’est fait chiper par Washington le gros marché des sous-marins commandés par l’Australie. Ce qui a fait planer, pendant un temps, de gros nuages sur les relations franco-américaines.

Le nouvel engagement américain a de quoi faire retomber la colère des Français. L’Oncle Sam semble bien décidé à regagner la confiance de son ami français, passablement froissé par l’affaire du marché des sous-marins australiens. Le président américain s’est même soumis à un exercice de contrition – ce qui est rare de la part de la superpuissance – en reconnaissant que l’Amérique a fait preuve de «maladresse» vis-à-vis de son «allié précieux» dans cette affaire.

Paris ne peut qu’accueillir avec un ouf de soulagement la nouvelle promesse de plus d’engagement de la part des Américains. Déjà, le Pentagone apporte un appui précieux à la force française Barkhane dans la traque contre les groupes terroristes dans l’espace sahélo-saharien. Grâce aux renseignements fournis par les grandes oreilles américaines, l’armée française a réussi à éliminer la plupart des leaders des groupes terroristes.

L’annonce par les Américains de plus de «ressources supplémentaires au Sahel» s’apparente à un changement notable dans leur politique au Sahel. Jusqu’ici, les pays regroupés au sein du G5 Sahel s’étaient heurtés à la réticence américaine d’inscrire la coalition militaire sahélienne sous le chapitre 7 de la Charte des Nations unies, afin de lui conférer un financement pérenne. Même le soutien actif de la France n’avait pas permis de faire fléchir la position de l’Amérique.

La promesse de Biden va-t-elle ouvrir la voie au financement onusien pour le G5 Sahel ? Possible. La France aura beau jeu à pousser dans ce sens. Créer des conditions pour que le regroupement militaire sahélien, mis sur pied avec sa bénédiction, gagne en efficacité serait un bon point pour Paris.
Washington peut aider aussi à muscler la «Task Force Takuba» en amenant d’autres alliés européens à y adhérer. Lancée le 27 mars 2020, Takuba est composée uniquement des éléments de quelques pays européens intégrés dans l’opération Barkhane.

La perspective de plus d’appui américain est de nature à atténuer la violente contestation à laquelle la France fait face actuellement car les critiques pointent surtout l’insuffisance de résultat dans la lutte contre le terrorisme. En annonçant davantage d’engagement, Washington vole ainsi au secours de son allié, en grande difficulté dans sa traditionnelle zone d’influence. De nouveaux acteurs comme la Russie, la Turquie ou encore la Chine sont en train de tailler des croupières à l’influence française en Afrique.

Après avoir aidé le pouvoir centrafricain à desserrer l’étau des groupes armés autour de Bangui, la Russie pourrait séduire d’autres pays africains si d’aventure elle débarquait au Mali et réalisait des résultats probants. Voilà qui explique le battage médiatique contre la volonté de notre pays de se tourner davantage vers le pays de Poutine.

Le coup de main des Américains est un soutien de poids susceptible de donner des ailes à la France pour redorer son blason. Il contribuera à aider l’ex-puissance coloniale à mieux résister face aux velléités des puissances qui menacent de la supplanter en Afrique. Washington fait jouer ainsi la solidarité occidentale pour contrer la réduction de l’influence de son allié sur notre continent.

Nous avons tout à gagner de l’accroissement de l’engagement américain si nous jouons la carte de l’affirmation de notre souveraineté en exigeant que toute action sur notre sol soit conforme à nos aspirations. Si nous ne pouvons pas éviter les convoitises des grands pays, il nous appartient de travailler à tirer profit de leurs actions.

B. TOURÉ

Source : (AMAP)

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