Sanctions de la CEDEAO contre le Mali : Les gagnants et les perdants

Le Mali est un pays essentiel de l’UEMOA, troisième économie de l’UEMOA derrière la Côte d’Ivoire et le Sénégal et l’un des plus gros importateurs dans les échanges intracommunautaires.

 

La saisie du compte du gouvernement malien constitue le point-clé de ces sanctions car ce dernier ne pourra tout simplement plus honorer ses engagements (paiement des salaires, remboursement des prêts sur le marché régional ou encore émission de bons ou obligations du trésor sur le marché régional).

Le Mali, c’est tout simplement le premier client du Sénégal, soit plus de 20% des exportations du Sénégal (560 milliards (2019) et 474 milliards (2020) (ANSD, 2020)). Le Mali, c’est 64% des exportations de produits pétroliers du Sénégal (deuxième produit d’exportation du Sénégal après l’or non monétaire).

Le Mali, c’est 87% des exportations de ciment hydraulique du Sénégal. Il faut donc redouter une perte énorme pour ces secteurs de l’économie sénégalaise et une hausse prochaine des prix des matériaux de construction au Mali.

Les poissons frais représentent le troisième produit d’exportation du Sénégal, essentiellement vers la Côte d’Ivoire pour plus de 40% des exportations des poissons du Sénégal (la Côte d’Ivoire est le deuxième client du Sénégal dans la CEDEAO pour plus de 110 milliards en 2020). Les frontières maliennes étant fermées ces exportations risquent d’être fortement perturbées.

Cette crise va donc fortement pénaliser l’économie malienne qui est pratiquement le seul pays de l’UEMOA qui a connu une récession en 2020 (-1,2%) contre une moyenne de 1,5% pour l’UEMOA selon les chiffres de la BCEAO.

Rappelons que le Mali tire ses ressources principalement de l’or (2.262 milliards en 2020 soit 82% des exportations du Mali). Par ailleurs le Mali exporte principalement, en plus de l’or, le coton et les animaux vivants. Les exportations d’animaux vivants étaient destinées principalement à la Côte d’Ivoire et au Sénégal. Il faut donc craindre une augmentation du prix de la viande dans ces pays.

La théorie des jeux avec l’exemple du dilemme du prisonnier nous enseigne que les protagonistes d’un conflit devraient s’entendre plutôt que de se combattre car tout le monde est perdant dans l’équilibre non coopératif qui n’est pas Pareto optimal. Dans ce conflit Mali vs CEDEAO le plus gros perdant est le Mali qui a une économie souffrante, ensuite le Sénégal qui perd son premier client et après la Côte d’Ivoire qui perd son second client dans l’espace UEMOA.

Je crois qu’avec ces images de manifestations, la CEDEAO doit avoir l’humilité de revoir sa copie, de même que le gouvernement malien doit revoir sa première proposition de durée de la transition à la baisse et faire une contre-proposition (pourquoi pas de 2 ans) susceptible d’évoluer en fonction de la situation sécuritaire sur le terrain.

C’est en adoptant cette stratégie qu’on se trouvera dans un équilibre coopératif pour le Mali et la CEDEAO dans l’intérêt des économies africaines, sans être au service des puissances étrangères qui ont leur propre agenda.

Dr Souleymane DIAKITE

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Source : Le Challenger

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