Les footballeurs africains de plus en plus chers

Les transferts de joueurs du continent atteignent des niveaux de plus en plus élevés. Une tendance qui devrait perdurer avec la génération des Salah, Mané ou Koulibaly.

Le record du transfert le plus cher du monde reste pour l’heure aux mains du Paris-Saint-Germain. Si le Brésilien Neymar, acheté au FC Barcelone en août 2017 pour 222 millions d’euros, est au cœur de cette transaction, rien n’interdit de penser que demain ce seront des Africains.

Déjà, leur cote ne cesse de monter. Pas bien loin du Brésilien de légende, l’attaquant égyptien Mohamed Salah (Liverpool FC) est à 200 millions d’euros et son coéquipier en club, le Sénégalais Sadio Mané, à 130 millions d’euros, comme Kalidou Koulibaly qui joue à Naples. « Il est évident que l’écart se réduit avec les Européens et les Sud-Américains, qui restent encore les plus chers du marché. Mais on a pu constater que, ces dernières années, le prix des transferts des Africains était en hausse », observe l’agent français Nicolas Onissé (agence Sport Back), qui rappelle que « Mané ou Salah, par exemple, ont été acquis pour environ 40 millions d’euros par Liverpool » en 2016 et 2017.

La flambée générale des prix

Globalement, cette « valeur marchande » des joueurs africains est tirée vers le haut par la flambée générale des prix. En 2018, le Guinéen Naby Keita (de Leipzig à Liverpool), le Gabonais Pierre-Emerick Aubameyang (de Dortmund à Arsenal), l’Algérien Riyad Mahrez (de Leicester à Manchester City) ou le Congolais Cédric Bakambu (de Villarreal à Beijing Guoan) ont été transférés respectivement pour 60, 63, 68 et 74 millions d’euros. Lors du mercato 2019, qui vient de se terminer, Dalian Yifang, un club chinois, était même prêt à débourser 80 millions d’euros pour acquérir l’attaquant ivoirien de Lille, Nicolas Pépé. Preuve que ceux qui appartiennent au groupe des joueurs valorisés entre 50 et 80 millions compte de nombreux Africains.

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Si tous les clubs n’ont pas plusieurs dizaines de millions à dépenser pour attirer un champion, tous font des efforts financiers pour améliorer leur sélection. Dijon vient ainsi de débourser 4 millions d’euros pour faire venir en France le Guinéen Sory Kaba, qui évoluait à Elche (D2 espagnole). Et le Galatasaray d’Istanbul a payé à Kasimpasa 12 millions d’euros pour le transfert du buteur sénégalais Mbaye Diagne, et s’est fait prêter le Congolais (RDC) Christian Luyindama par le Standard de Liège, avec une option d’achat fixée à 8,50 millions d’euros.

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A Dijon (Ligue 1), qui compte dix internationaux africains sous contrat, Sébastien Larcier, le responsable de la cellule recrutement, avance plusieurs arguments pour expliquer que l’inflation des Brésiliens et autres Européens ait contaminé l’Afrique. « Il y a un contexte sociétal. On veut plus d’égalité, à tous les niveaux, et le football est concerné. Pourquoi un joueur africain vaudrait moins qu’un autre ? De plus, il y a une nouvelle génération d’agents, parfois africains eux-mêmes, qui se montrent très fermes dans les négociations. » Le responsable émet quand même un bémol, puisqu’il observe que toutes les nationalités n’ont pas le même engouement : « Les prix les plus élevés concernent presque essentiellement des joueurs de certains pays d’Afrique du Nord, d’abord. Mais aussi le Sénégal, la Côte d’Ivoire et la RDC notamment ». Ce qui ne signifie pas tout le continent, loin s’en faut.

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Son argument pourrait être pondéré par le niveau de la sélection nationale qui a quand même un impact direct sur la valeur supposée des joueurs. « Si Neymar a coûté aussi cher, c’est parce que le Brésil est une des meilleures équipes du monde », poursuit Sébastien Larcier. A niveau de jeu égal, un Brésilien, un Français ou un Espagnol auront souvent une cote plus élevée, car un club acquéreur tient également compte des futures ventes de maillots, souvent très lucratives, qui compensent partiellement l’investissement (transfert et salaire) réalisé pour l’acquisition d’un joueur.

Attrait des pays du Golfe

Un dirigeant d’un club européen, sous couvert d’anonymat, avance une autre hypothèse pour expliquer l’augmentation croissante de la valeur marchande des joueurs originaires d’Afrique : « La CAN[Coupe d’Afrique des nations] aura lieu en été et non plus en hiver, un ancien calendrier qui pouvait faire hésiter avant d’acheter un Africain susceptible de partir pendant plus d’un mois en pleine saison. Mais vous trouverez toujours des gens qui évitent d’avoir trop d’Africains sous contrat, car ils craignent les déplacements lointains lors des dates FIFA. »

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En Afrique, certains clubs qui disposent d’une certaine surface financière peuvent se permettre de refuser des offres européennes pouvant atteindre 1 million d’euros, alors que d’autres, beaucoup moins fortunés, acceptent de laisser partir leurs joueurs pour 50 000 ou 100 000 euros. « Quand nous faisons venir un joueur africain en Europe, la principale préoccupation, c’est qu’il joue, afin de bénéficier d’une meilleure exposition. Il y a un certain nombre d’Africains qui arrivent sur le Vieux Continent et dont les salaires sont souvent inférieurs à 5 000 euros par mois. S’ils se font remarquer, ils pourront envisager de rejoindre de plus gros clubs où ils seront mieux payés », reprend Nicolas Onissé.

Si cette remarque concerne surtout les Subsahariens, l’attrait des Nord-Africains pour les pays du Golfe est aussi de plus en plus prononcé. Les clubs du Qatar, des Emirats arabes unis ou d’Arabie saoudite sont capables, eux, de payer des transferts élevés et de verser ensuite des salaires confortables à des joueurs qui ne sont pas prêts à effectuer des sacrifices financiers. « Cela fausse un peu la donne. Prenez un Maghrébin qui pourrait aller en Ligue 2 française gagner 6 000 euros par mois, mais en évoluant dans un pays du top 5 européen. Souvent, il préférera aller dans le Golfe, avoir un salaire de 10 000 ou 15 000 euros, quitte à freiner sa progression », constate un agent de joueurs.

Alexis Billebault

lemonde

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