Veille de Ramadan : LORSQUE LES STOCKS VONT, TOUT VA

Le risque de pénurie et son corollaire de spéculation semblent cette année être écartés en ce qui concerne les produits de première nécessité

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Nous entrons dans les tout derniers jours du compte à rebours. La communauté musulmane de notre pays, à l’instar de celles du monde entier, se prépare à observer le mois béni de Ramadan. L’entrée dans la période de jeûne sera comme de tradition confirmée par la Commission d’observation du croissant lunaire, mais d’ores et déjà l’atmosphère de Ramadan s’est installée dans la capitale. Nos concitoyens se préparent à se plier à la triple obligation d’humilité, d’abstinence et de sobriété. Toutes vertus qui doivent se traduire à travers les actes de la vie quotidienne. Car, au-delà du jeun qu’ils observent, les fidèles sont invités à se recueillir, à ressentir l’incitation à la la spiritualité qu’amène cette période très particulière. « Jeûner avec son cœur, jeûner pour Dieu uniquement, jeûner avec sa langue, ses actes, ses paroles, son comportement. Le véritable jeûne réside dans notre sincérité et se confirme par nos actions les plus nobles. C’est un mois où nos récompenses sont multipliées, et nos cœurs purifiés. Le meilleur profit à en tirer quant à l’accomplissement de nos œuvres bonnes réside dans ce mois », nous enseigne le Saint Coran.
Les mosquées ont procédé à des grandes opérations de nettoyage afin que leurs abords puissent accueillir les foules de fidèles qui viendront chaque soir aux «Nafila» (prières). « L’hôte que nous attendons est un cadeau du ciel. C’est un mois plein de grâce durant lequel il est conseillé de multiplier les bienfaits, car la récompense du Seigneur y est immense. Si Dieu a ordonné aux musulmans de se passer de manger et de boire, c’est pour que chacun de nous reconnaisse la puissance de son Créateur à travers l’épreuve du jeûne. C’est aussi l’occasion pour les nantis de ressentir ce que peuvent éprouver les démunis», explique un iman.
Mais le Ramadan a aussi ses aspects domestiques qui imposent parfois un vrai casse-tête aux chefs de famille. Ces derniers sont pratiquement astreints à des efforts supplémentaires pour rendre les moments de rupture de jeûne agréable aux leurs. Les marchés de Bamako ont depuis longtemps pris la mesure les bonnes affaires qu’ils peuvent réaliser tout au long des prochains jours et les vendeurs se sont donc préparés en conséquence. Les étals sont exceptionnellement bien fournis pour accueillir les acheteurs qui viennent s’approvisionner en produits de première nécessité (riz, mil, sucre), mais qui ne négligent pas pour autant ces marchandises dont la consommation explose en cette période particulière (dattes, lait, pain, beurre, fruits, jus locaux, sodas, produits de boucherie, poulets et poissons).
RÉJOUISSANTE, MAIS PRÉPARÉE. A chacune de ses éditions, le marché du Ramadan offre constamment des produits nouveaux, mais ceux-ci ne détrônent pas les valeurs sûres qui continuent à dominer les ventes. Nattes et tapis de prières, chapelets, bouilloires, dattes maghrébines, tenues de circonstance (niqab et djellaba) refont surface et leurs vendeurs envahissent les moindres recoins de la capitale. Idem pour les accessoires indispensables à la préparation des repas matinaux ou de rupture de jeûne.
Les chefs de famille qui ne savent parfois plus où mettre la tête en raison de la diversité de l’offre et de la multiplicité des demandes, choisissent souvent la solution la plus sage. Ils concentrent l’essentiel de leur force de frappe financière sur les produits de première nécessité. Cette année comme l’an passé, le marché est bien achalandé et les prix restent acceptables. Cependant, cette situation, bien que réjouissante, ne s’est pas créée d’elle-même. Elle a été atteinte à travers les dispositions prises par le département du Commerce et par les importateurs. Grâce aux efforts déployés par les deux parties, les prix demeurent stables. Pour le moment.
Au niveau de la direction nationale du Commerce et de la concurrence, le directeur adjoint, Boucadary Doumbia, est formel sur l’effet des précautions prises. « Le niveau d’approvisionnement du pays est excellent, indique-t-il. Il n’aura ni pénurie, ni hausse de prix. Nous avons accentué le suivi régulier du niveau des stocks, et cela depuis l’année passée. A ce jour, les stocks disponibles sur le territoire couvrent plus d’un mois de consommation pour le riz (46.902 tonnes), 229 jours pour le sucre (106.247 tonnes), 55 jours pour le lait en poudre (4.176 tonnes), 58 jours pour la farine de blé (6.726 tonnes) et 89 jours pour l’huile alimentaire (24.090 tonnes). En outre, il a été demandé aux chargeurs et aux importateurs d’accroître le rythme d’importation pour prévenir toute spéculation », explique notre interlocuteur.
Pour accompagner les grands importateurs, la DNCC a pris des dispositions spécifiques, notamment l’abattement de la valeur transactionnelle de certains produits. Ainsi le sucre sera taxé à 165.000 Fcfa la tonne à l’importation contre 255.000 Fcfa en temps normal. Pour le riz, la taxe passe de 265.000 Fcfa la tonne à 130.000 Fcfa pour la période du Ramadan. « Cependant, assure Boucadary Doumbia, les missions de la Direction ont été renforcées. Un suivi régulier et sans complaisance est effectué chaque semaine dans les magasins de stocks des importateurs. Et un cahier de charge a été élaboré pour le respect strict de la pondération à observer en réponses aux facilités accordées par l’Etat. Les spéculateurs ne seront pas épargnés. Car rien ne saurait expliquer une flambée de prix au moment où le marché est à l’abri de toute pénurie ».
Du côté des importateurs, l’heure est à la mobilisation. Chacun réactive son réseau de distribution. Car les grands achats ont commencé, demi-grossistes et détaillants ont pris d’assaut les entrepôts pour consolider leurs stocks. Les véhicules de distributions débordés peinent à enlever toutes les commandes. Dans les locaux du Grand distributeur céréalier du Mali (GDCM) de Modibo Keita, tous les produits de grande consommation (sucre importé, riz local et importé, huile alimentaire et lait) sont vendus au prix de grossistes. Ainsi la tonne de sucre est cédée à 430.000 Fcfa, soit 21.500 Fcfa le sac de 50 kilogrammes. Le riz est négocié entre 320.000 à 375.000 Fcfa la tonne selon la qualité. Et le bidon de 20 litres de l’huile importée est vendu entre 14.000 à 14.500 selon les marques.
PAS DE SURENCHÈRE. Dans son confortable bureau, le PDG de GDCM, Modibo Kéita est catégorique. « Il n’y aura ni pénurie, ni hausse de prix. Nous avons assez de stocks dans les magasins pour supporter la consommation pendant le mois de Ramadan et même au-delà. Les opérations d’importation continuent et se sont d’ailleurs intensifiées pour certains produits comme le riz. Le prix du sucre, qui a baissé sur le marché international, connaît une stabilité réelle cette année. Le riz local inonde littéralement le marché », énumère l’importateur.
Chez le Grand grenier du bonheur de Bakoré Sylla, l’offre porte sur le sucre local dont la tonne est cédée à 400.000 Fcfa, ce qui place le sac à 20.000 Fcfa. Le patron de la société explique que les usines locales (Sukala S.A et N-Sukala S.A) ont enregistré des productions exceptionnelles cette année. « Nous avons donc décidé de les accompagner, indique-t-il, et d’écouler la production nationale avant de puiser dans le stock importé. Par ailleurs, nous avons une grande quantité de riz importé cédé entre 315.000 à 325.000 Fcfa la tonne selon les qualités ». Le diagnostic sur l’état des réserves est tout aussi optimiste chez cet autre baron de l’importation de produits de première nécessité, Barou Niangadou dit Petit Barou. En quelques années, le patron de la Sodima s’est imposé comme un acteur incontournable dans l’approvisionnement correct du pays en produits de première nécessité (riz, sucre, lait, huile alimentaire, farine).
DE PLUS EN PLUS D’AMATEURS. Les assurances données par les plus grands importateurs sur l’excellent niveau d’approvisionnement du marché et surtout sur la stabilité actuelle des prix se vérifient aujourd’hui à la base, c’est-à-dire au niveau des commerçants détaillants. Au marché de sucre et de lait de Dibida, où les vendeurs ont embauché des jeunes gens pour conditionner les produits en sachets d’un kilogramme, les témoignages sont unanimes. Les prix n’ont pas bougé pour le moment. Le kilogramme de sucre est vendu entre 425 et 450 Fcfa selon la qualité, tandis que le lait en poudre est cédé entre 2500 à 3000 Fcfa le kilo et la farine entre 400 à 500 Fcfa le kilo. « Si les grossistes ne font pas de surenchère, je ne vois pas pourquoi nous nous y mettrions », fait remarquer avec bon sens un détaillant.
Au marché de céréales de Bagadadji et Niaréla, règne la fièvre du petit mil, céréale fort prisée pour la préparation de la bouillie de rupture de jeûne. Dans le magasin de Salif Diarra où nous nous sommes rendus, l’ambiance est bouillante. Tandis que certains clients discutent avec le boss de la quantité et du prix, les manutentionnaires exécutent une noria ininterrompue, chargeant et déchargeant les voitures privées et les véhicules de livraison. Le sac de 100 kilos de la précieuse céréale pilée est vendu ici 28.000 Fcfa, soit 280 Fcfa le kg contre 21.000 à 22.500 Fcfa le quintal de mil non pilé.
Pour le commerçant céréalier, les prix connaissent cette année une stabilité qui manquait lors des Ramadans antérieurs. Il faut cependant savoir que le prix du mil varie en fonction de la qualité de la céréale et selon les zones de production. Par exemple, le mil en provenance des régions de Sikasso et de Mopti est réputé être de meilleure qualité et est donc vendu un peu plus cher que celui des régions de Ségou et Koulikoro. « De façon générale, relève Salif Diarra, comme la demande sur ce produit explose pendant le Ramadan, la céréale coûte alors un peu plus cher dans les zones de production. Mais cette année la fluctuation est minime et n’influe pas de manière notable sur les prix pratiqués à Bamako. Si bien que le produit est plus abordable que l’an passé ».
Les chefs de famille rencontrés dans les marchés corroborent les propos des vendeurs et ne cachent pas leur satisfaction. L’un d’eux nous raconte avoir acheté son sac de sucre à 21.000 Fcfa et un bidon de 20 litres d’huile à 14.000Fcfa. On lui a même proposé un bidon équivalent d’huile locale à 12.000 Fcfa. Mais l’euphorie de notre interlocuteur se tempère nettement lorsqu’il souligne que malgré tout, ses économies restent soumises à rude épreuve pendant la période du Ramadan. Et que de manière générale le pouvoir d’achat ne suit pas le rythme de progression des étiquettes.
Au niveau des services de l’administration publique comme des entreprises privées, les achats groupés et les commandes faites par des comités syndicaux paraissent gagner en ampleur. Ce que nous confirment devant un magasin d’importateurs les représentants d’un comité syndical qui s’affairaient à faire charger dans leurs camions les dotations de sucre destinées à leurs adhérents. L’un des syndicalistes assure que le procédé, qu’il renouvelle depuis plus de dix ans, attire de plus en plus d’amateurs. Surtout que le remboursement déduit des salaires est étalé sur trois à quatre mois.
Ainsi va le marché en cette veille de Ramadan. Un marché qui se caractérise aujourd’hui par son excellent niveau d’approvisionnement. Sa structure qui se caractérisait naguère par une extrême fragilité et des variations spectaculaires s’en trouve stabilisée. Aujourd’hui, l’éventualité de mauvaises surprises pour les consommateurs n’est pas totalement écartée. Mais elle a été sérieusement circonscrite par les dispositions prises au niveau du département du Commerce et surtout par le niveau des stocks jugés abondants. La vigilance reste cependant de mise. Même si aucune menace apparente ne semble peser sur la bienvenue stabilité des prix.
D. DJIRÉ

source : L Essor

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