People – Quand « un magicien » malien détourne 242 millions de dollars d’une banque de Dubaï et vit en toute liberté loin des foudres de la justice…

Incroyable mais vrai. Après 20 ans de spéculations sur la fraude financière à grande échelle où s’est mêlée « magie noire », mensonges et escroquerie pour dérober 242 millions de dollars à la Banque islamique de Dubaï, Sissoko vient de rompre le silence et raconter à sa manière ce qui s’est réellement passé ou presque. Pendant tout ce temps, et comme par miracle, ce citoyen malien « au-dessus de tout soupçon » a échappé à la justice internationale .

Foutanga Babani « Sissoko », un citoyen malien vient de se confier à la chaîne Britannique BBC et relate dans les détails une histoire rocambolesque dont il est le héros.

+Une histoire à dormir debout+

Au milieu des années 90, Sissoko s’adresse à une banque au Mali pour un prêt destiné à l’achat d’une voiture. Le directeur de la banque accepte. Sissoko l’invite à dîner chez lui. Et c’est le début de l’un des cas d’abus de confiance les plus étonnants de tous les temps, selon Brigitte Scheffer, grand reporter de la BBC, auteur d’une enquête consacrée à l’homme d’affaires malien.
Au cours du dîner, Sissoko confie au banquier Mohammed Ayoub qu’il a des « pouvoirs magiques » lui permettant de faire passer n’importe quelle somme d’argent du simple au double.

Intrigué, le banquier émirati revient le voir avec un montant que le mystérieux homme d’affaires venu d’un lointain village du Mali fait doubler, grâce à un tour de magie, à son grand étonnement.

Le directeur de la banque, M. Ayoub a raconte sa version des faits en ces termes: « J’ai vu de la lumière et de la fumée et j’ai entendu les voix de djinns… puis soudain il y a eu un silence ». La surprise était que l’argent s’est multiplié comme promis par le magicien. C’est là que la joie d’Ayoub est apparue, et à partir de cet instant, la voie est devenue libre à l’escroquerie.
Entre 1995 et 1998, Ayoub a effectué 183 transferts dans les comptes bancaires que détient Sissoko dans plusieurs pays, selon la journaliste de la BBC.

En novembre 1995, quelques semaines seulement après sa rencontre avec M. Ayoub, le ressortissant malien se rend dans une banque new-yorkaise, où il ouvre un compte, témoigne Alan Fine, un avocat de Miami, à qui la Banque islamique de Dubaï a demandé d’enquêter sur l’affaire.

« Un jour, Sissoko est entré chez Citibank sans rendez-vous. Il y rencontre une caissière et finit par l’épouser », affirme Alan Fine, qui en sait beaucoup des exploits du magicien malien.

« Il a ouvert un compte par lequel (…) plus de 100 millions de dollars ont été transférés aux Etats-Unis », rapporte l’avocat de Miami, ajoutant que Sissoko a offert à son épouse de Miami plus d’un demi-million de dollars.
Selon M. Fine, le ressortissant malien caressait le rêve de créer une compagnie aérienne en Afrique de l’Ouest, Air Dabia, du nom de son village natal. Ce rêve conduira à l’arrestation de deux douaniers auxquels il a payé 300.000 dollars en 1996, pour qu’ils se chargent d’accélérer l’acquisition, à son profit, de deux avions datant de la guerre du Vietnam.

L’acquisition avortée des appareils emmène aussi Interpol à émettre un mandat d’arrêt contre Sissoko, qui est arrêté à Genève, où il a tenté d’ouvrir un compte bancaire. L’homme d’affaires est extradé vers les États-Unis, où des personnalités influentes se mobilisent pour le tirer d’affaire, selon Tom Spencer, l’un de ses avocats.
« Je n’en connais pas la réponse », réplique M. Spencer à la question de savoir comment un étranger pouvait bénéficier de soutiens importants aux Etats-Unis, dans un tel dossier judiciaire.

+Robin des Bois…Il offre à ses avocats des voitures Mercedes, Jaguar…+

En tous cas, Sissoko est vite libéré en échange d’une caution de 20 millions de dollars et rémunère généreusement ses avocats, leur offrant Mercedes, Jaguar, etc., selon Tom Spencer.

« Il achetait deux, trois ou quatre voitures en même temps. Une semaine plus tard, il revenait en acheter deux ou trois autres…  » affirme Ronil Dufrene, le concessionnaire automobile qui l’approvisionnait, ajoutant lui avoir vendu en tout entre 30 et 35 véhicules.

A Miami, Sissoko avait plusieurs épouses. Il occupait 23 appartements de la ville. « ‘Playboy’ est le mot juste pour le décrire, parce qu’il est très élégant et beau. Il s’habille avec beaucoup de style », témoigne son cousin, Makan Mousa. L’un des avocats rencontrés par Brigitte Scheffer le présente comme un « Robin des Bois moderne », en référence au héros légendaire qui volait les riches pour aider les pauvres.

L’homme d’affaires donnait aussi de grosses sommes d’argent pour soutenir certaines causes, offrant par exemple 413.000 dollars à des lycéens de Miami pour leur voyage à New York, affirme son cousin.

Du côté de la Banque islamique de Dubaï, ses collaborateurs constatent qu’Ayoub, floué, devenait de plus en plus nerveux.
Sissoko avait cessé de répondre aux appels de son ami émirati. Finalement, le banquier confie à un collègue combien il avait remis à Sissoko, lui tendant le montant écrit sur un bout de papier, par honte de le dire de sa bouche : 890 millions de dirhams, l’équivalent de 242 millions de dollars..

M. Ayoub, l’employé modèle de la Banque islamique de Dubaï est reconnu coupable de fraude et est condamné à trois ans de prison.

Par contre, Sissoko, lui, n’a jamais fait face à la justice dans cette affaire. Il est condamné par contumace, par un tribunal de Dubaï, à trois ans pour fraude et « pratique de la magie noire ». Interpol émet un mandat d’arrêt, qui ne donne rien.
Brigitte Scheffer dit connaître, au terme de son enquête, plusieurs procès dans lesquels Foutanga Babani Sissoko est mis en cause, sans jamais comparaître en justice. L’un de ces procès s’est déroulé à Paris, en présence seulement de son avocat.

+Sissoko a réussi à défier Interpol pendant 20 ans+

Rentré au Mali après une longue pérégrination, Sissoko se fait élire député pendant 12 ans, entre 2002 et 2014, ce qui le mettait à l’abri d’éventuelles poursuites judiciaires. Depuis quatre ans, il n’est plus député. Mais le Mali n’a pas signé de traité d’extradition avec un autre pays. Il n’est pas donc pas inquiété.

« Avec lui, on peut s’attendre à beaucoup de cadeaux. Il aime aider les gens », témoigne son ancien chauffeur, que la journaliste de la BBC a rencontré à Bamako, au Mali, dans le cadre de son enquête. « C’est quelqu’un qui donne toujours de l’espoir aux gens… » ajoute son ancien chauffeur.

Un orfèvre rencontré à Bamako ne tarit pas d’éloges à l’évocation de l’homme d’affaires. A Dabia, son village où l’a rencontré Brigitte Scheffer, avec l’aide de l’orfèvre, Sissoko est entouré de plusieurs gardes du corps, tous armés.

« Je m’appelle Foutanga Babani Sissoko. Le jour où je suis né, tous les villages de la contré ont pris feu… » se souvient l’homme âgé maintenant de 70 ans, affirmant que sa fortune équivalait à un moment à 400 millions de dollars.

Qu’en est-il de l’argent reçu de l’agent de Banque islamique de Dubaï ? « Madame (…) c’est une histoire un peu folle. Les messieurs de la banque devraient expliquer comment ils ont perdu tout cet argent. (…) Comment cet argent a-t-il pu quitter la banque comme ça ? Ce n’était pas seulement cet homme [le banquier Ayoub] qui autorisait les transferts. Quand la banque transfère de l’argent, ce n’est pas seulement une personne qui le fait. Il faut plusieurs personnes pour faire cela », répond-il. « Je ne suis pas riche… »

Sissoko Foutanga dit Babani recourrait-il à « la magie noire » pour flouer ses partenaires en affaires ? « Madame, si une personne avait ce genre de pouvoir, pourquoi devrait-elle travailler ? Si vous avez ce genre de pouvoir, vous pouvez rester là où vous êtes et dépouiller toutes les banques du monde, aux États-Unis, en France, en Allemagne, partout », dira-t-il.

« Je ne suis plus riche, je suis pauvre », poursuit l’ancien homme d’affaires, recherché pendant 20 ans par Interpol, sans jamais répondre de l’affaire de la Banque islamique de Dubaï.

Sissoko a réussi à défier Interpol et a passé 20 ans à s’enfuir, même s’il avait gaspillé tout son argent et ne pouvait plus quitter le Mali.

Pour rappel, le banquier émirati qui a reconnu être coupable de fraude et emprisonné pendant trois ans à Dubaï, a été obligé de suivre un traitement pour guérir de la magie, ajoute la BBC.

Article19.ma

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