Notre Mali, comme il va Vers un parlement boîte à lettre ?

Moussa Mara, homme de réflexion, d’engagement et d’action, a voulu faire de sa candidature, qu’il savait d’avance vouée à l’échec, un symbole. Celui de la représentativité responsable au sein d’une institution, qui reste surtout le creuset de la crédibilité démocratique.

Sa démarche est certainement la traduction du  credo d’un homme convaincu que ‘’il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre’’. Elle préfigure ce que devrait être la posture d’une Opposition dont la mission, dans un environnement voué au respect des ‘’mots d’ordre’’, consiste à donner de la hauteur et de la crédibilité aux débats et décisions du parlement.

En procédant à la déclaration publique de leurs biens, le président et les autres élus du parti Yéléma sont devenus les précurseurs d’une gouvernance de la transparence et de la démonstration par l’exemple que les Maliens attendent depuis trois décennies d’une classe politique devenue affairiste et vénale.

Leur exemple fera-t-il tache d’huile ? L’on peut raisonnablement en douter. Les difficultés rencontrées par l’Office Central de Lutte Contre l’Enrichissement Illicite (OCLEI) dans sa mission de reconstitution des revenus de fonctionnaires chargés de la gestion des ressources publiques sont assez révélatrices des réticences et de la mauvaise conscience de ces derniers. Tout comme sont révélateurs les atermoiements observés autour des dossiers de corruption et de prévarication en instruction auprès du procureur du pole économique et financier.

Dans un contexte lourdement marqué par l’insécurité quasi généralisée, la paupérisation des populations et la vie chère, l’incivisme endémique, sans parler de la crise sanitaire et sa suite de complications socio-économiques, que faut-il attendre de la nouvelle Assemblée Nationale ? Quelles capacités intellectuelles peut-elle faire valoir face aux multiples et complexes préoccupations nationales ?

Quel crédit peut-on accorder à un président, très contesté au sein de son propre parti, réélu in extrémis et largement redevable pour sa présence au sommet de la hiérarchie parlementaire de la démarche anti démocratique du président de la République ?

Constituée d’un parti majoritaire, fragilisé par des querelles internes, dévalorisé et mis sous l’éteignoir par son président d’honneur, de partis satellites, tels l’ADEMA PASJ (qui se complaint dans un rôle de parti appendice du RPM), l’ASMA/CFP, le MPM, l’ADP Maliba, entre autres, (tous heureux de se placer sous la tutelle du RPM), la nouvelle Assemblée Nationale, souhaitée par les Maliens et pour laquelle ils ont bravé la menace terroriste et la pandémie Covid-19, pourrait bien n’être qu’une simple caisse de résonnance.

D’autant que d’Opposition, seul Yéléma parait à même d’afficher sa différence et susceptible de faire valoir autres points de vue. L’URD, en l’absence de son chef emblématique, apparait bien fragile et pourrait être tentée de basculer dans la majorité, si l’on en juge le décompte des voix portées sur l’élection de Moussa Timbiné…

Notre Mali traine toujours ses incohérences, ses légèretés, ses insouciances mais aussi ses préoccupations face à un horizon toujours bouché.

 IBK est le seul homme heureux au Mali. Tout lui réussit, depuis le Dialogue National Inclusif, qui a brisé le front de l’irrésistible mouvement de contestation populaire qui avait failli provoquer la chute du régime.

Ayant réussi à mobiliser les Maliens autour de ce forum, ersatz de ses prédécesseurs, il leur brandit à la face les recommandations phares comme la panacée à tous les maux du pays.

Les élections législatives, promesse de tous les changements, ont été organisées en dépit des risques évidents d’exposition aux dangers du nouveau Coronavirus et du péril sécuritaire.

Au sortir de ce scrutin périlleux et angoissant, il remporte le challenge de l’élection de son poulain à la présidence de l’Assemblée Nationale. Au passage, il écrase les velléités de contestation au sein du RPM, portées par le mal aimé Dr. Bocary Tréta et Mamadou Diarrassouba et ramène dans les sillons d’un pari majoritaire évanescent d’autres formations politiques n’ayant d’autre vision que celle de la figuration à l’hémicycle.

Tel un Père de la Nation s’est fait symbole de la lutte contre le Coronavirus. L’image de son lavage de mains, que l’ORTM passe complaisamment en boucle, telle celle de ce dirigeant asiatique élevé au rang de Demi Dieu, est censée être l’exemple pour le peuple. Il faudrait peut être faire un sondage pour mesurer l’impact d’une telle propagande.

Pour couronner sa nouvelle emprise sur le pays, le Régime donne désormais dans la répression. Les manifestations contre les résultats tronqués des législatives ont été durement réprimées sur toute l’étendue du territoire. Les leaders d’opinion, de la trempe de Pr. Mahamadou Clément Dembélé, eux, sont kidnappés en pleine journée, devant un public ahuri, comme dans un Etat voyou.

Avec un parlement tout à sa dévotion, tout disposé à valider les réformes encadrées par lui, cet IBK, requinqué, plus népotiste que jamais, en fera probablement voir de toutes les couleurs aux Maliens.

Cette sagesse de Voltaire, qui a traversé les siècles, s’adapte bien à notre pays : «un seul mauvais exemple, une fois donné, est capable de corrompre toute une nation, et l’habitude devient une tyrannie».

Il appartient aux Maliens de briser l’engrenage. Avant qu’il ne soit trop tard.

Mamadou Kouyaté   [email protected]

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