L’imam Mahmoud Dicko sur le plateau de l’ORTM: « la junte n’est pas venue parachever le travail pour ensuite s’accaparer le pouvoir et en faire ce qu’elle veut »

L’imam Mahmoud DICKO, autorité morale de la Contestation, et chef de file du M5-RFP était l’invité de la chaine de Télévision Nationale le mercredi 9 septembre. Au cours de son entretien qui a duré 32 minutes, il a évoqué les raisons de sa lutte conduisant à la chute du régime de celui qu’il appelle son grand-frère, Ibrahim Boubacar KEITA. Évoquant les pistes de sortie de crise, l’Imam DICKO a invité les Maliens à converger vers l’unique voie du renouveau du Mali et de la dignité de ce grand peuple. Quant aux sanctions de la communauté internationale, notamment celles très pesantes de la CEDEAO sur notre économie nationale et les populations doublement victimes de l’insécurité et de l’embargo, Cheickh Mahmoud DICKO souhaite que le Mali se conforme aux règles de la CEDEAO. Interrogé sur une probable annonce prématurée de la fin de sa mission après la chute du régime, l’Imam DICKO a déclaré…

 

Merci donc Mahmoud DICKO d’avoir accepté cette invitation.
Vous avez eu de nombreux surnoms dans la presse. C’est d’abord l’imam qui va faire trembler Koulouba, c’est désormais l’artisan de la chute du régime voire l’Ayatollah de Bamako. Dans lesquelles de ces appellations vous vous connaissez ?

Non, pas du tout. Je suis seulement l’Imam Mahmoud, l’ancien président du Haut conseil islamique du Mali. Et désormais, comme toujours l’imam de Badalabougou.

Mais, ce sont des surnoms que vous croyez mériter quand même ?
Non, je crois que c’est des surnoms qui sont venus.Ce que l’on dit, c’est eux qui savent si je le mérite ou pas. Pas par moi personnellement. Ce que je mérite, c’est l’imamat.

Alors au lendemain de la chute du Président IBK, vous auriez dit que votre mission était terminée et que vous retourniez avez l’intention de retourner diriger la prière à la mosquée. Quelques jours plus tard, on vous entendait, pourtant, recadrer les choses ; est-ce que vous avez finalement annoncé de façon prématurée la fin de votre mission ?

Non, peut-être pas prématurée. La fin de la mission ne veut pas dire que je ne suis plus dans le Mali. La mission ne finit jamais tant qu’on vit. Tant que le Mali a besoin de ses fils, je suis là. Mais, être là dans la rue, contester pour aller vers la chute d’un régime, je crois que ça, c’est une mission qu’on a finie.

Mais, vous qui vous êtes battus corps et âme pour le changement, on ne fait que l’amorcer, on ne peut pas imaginer la fin de votre mission ?
Oui, mais vous savez, cette lutte-là, ce n’est pas moi seul. C’est tous les enfants du Mali qui sont invités à aller vers le changement. Moi je ne suis qu’un élément. Et je pense réellement que j’ai joué ma partition. C’est de faire en sorte qu’on arrive à une situation qui nous permette d’amorcer et d’engager un changement. Je peux être parmi les artisans de ceux qui ont facilité cela ; mais il n’est pas dit que sans nous, il n’y aura pas de changement.

Vous continuerez à jouer un rôle. Vous ne serez plus jamais confinés dans votre mosquée ?
Confiné, c’est trop dire. Mais je suis là. Je serai toujours dans ma mosquée. C’est dans la mosquée que j’ai tiré toute cette force qui m’a permis de mener cette bataille. Donc, je ne peux pas, moi, ignorer cette mosquée. Je retourne à la mosquée, certainement, pour aller mieux me ressourcer.

Et avoir un œil toujours sur ce qui se passe en dehors de la mosquée ?
Mais écoutez, la mosquée fait partie du Mali, je l’ai dit. Je pense réellement que tout citoyen, partout où il est ; qu’il soit au marché ou à la mosquée ou ailleurs, il doit avoir un œil sur ce qui se passe dans son pays.

Alors, vous avez notamment déclaré, par la suite, on ne donnera désormais à personne un chèque en blanc pour la gestion du pays. Vous dénonciez notamment, le cavalier seul du CNSP en ce moment ? Est-ce que depuis les choses sont rentrées dans l’ordre, les choses ont évolué comme vous le voulez ?

Je le pense bien et je l’espère. Je crois que désormais les Maliens doivent avoir nouvelle attitude dans leur approche de gouvernance. Les jeunes, si je peux les appeler ainsi, nos enfants ont fait un travail extraordinaire. Ils ont fait une œuvre salutaire. Maintenant, ils ont besoin de l’encadrement, de l’assistance de tout un chacun. Et pour que vraiment nous puissions amorcer la transition de façon honorable pour entretenir les espérances suscitées par ce mouvement.

Les jeunes comme vous le dites, vos enfants, ils sont sortis de leur logique de cavalier seul que vous avez dénoncée en ces temps ?

C’est vrai que leur attitude m’a paru un peu aller en solitaire. Mais depuis, ils ont quand même consulté toutes les forces vives de la nation. Ce qui est normal. Pas seulement le M5. Le M5 est un élément dans un ensemble.
Je crois que personne à lui seul ne peut prétendre aujourd’hui que c’est lui seul qui peut faire le changement ou bien faire, refaire le Mali. C’est ensemble, les Maliens de l’intérieur comme de l’extérieur, qui doivent se mettre ensemble aujourd’hui pour chercher une voie de sortie. Sortir de l’impasse dans laquelle on était.

Imam DICKO, des rumeurs font état aujourd’hui de divergences profondes, d’une part entre le M5-RFP et le CNSP ; et d’autre part, au sein même du M5-RFP. C’est de l’info ou de l’intox ?
Bon, c’est un peu de l’intox. C’est un peu exagéré.
Mais vous savez, vous ne pouvez pas avoir des hommes qui se mettent ensemble et qu’il n’y ait pas de points de vue divergents. C’est dans cette contradiction certainement que jaillira la lumière qui vous permettra vraiment d’avoir la voie à souhaiter. Et certes, parce que le M5-RFP n’est pas aussi homogène. Puisque c’est des gens qui viennent de différents horizons. Il n’y a pas de raison qu’ils ne puissent pas avoir des contradictions. C’est même démocratique qu’il y ait vraiment de points divergents.
Mais avec le CNSP, ça aussi, ces des jeunes gens qui viennent de l’Armée, qui viennent avec leurs idées, leur leurs projets. Mais, certainement, si ce n’est pas partagé par tout le monde, il peut y avoir de divergences. Mais il n’y a jamais eu de rupture, il n’y a jamais eu de conflit, en ce que je sache. Il y a seulement des points de vue qu’on fait valoir chacun de son côté pour ensuite aboutir à ce qui est souhaité par le peuple malien.

Donc, c’est des dirigeants que vous gérez déjà bien au sein du M5-RFP et avec les autres ?
Mais, bien sûr, bien sûr.

Alors, à l’endroit des autres leaders du M5-RFP, vous auriez dit également «nous nous sommes battus pour le changement, pas pour avoir des postes ». Quelle attitude attendez-vous des responsables du M5-RFP qui sont quand même vos alliés, qui sont quand même des politiques et qui, contrairement à vous, ont peut-être, la vocation de conquérir et d’exercer le pouvoir ?
Absolument. J’ai dit ça à l’endroit des responsables des M5, mais aussi de la junte. La junte n’est pas venue parachever le travail pour ensuite s’accaparer le pouvoir et puis en faire ce qu’ils veulent. Non, pas du tout, pas du tout. Et c’est valable aussi pour le M5.
Si nous nous nous sommes battus, ce n’est pas pour venir demain se partager le pouvoir ou dire que c’est nous qui avons fait le changement. Non, non, et non. Je pense réellement qu’on s’est battu pour le Mali. On s’est battu pour un idéal. Le Mali qui était dans une situation difficile, une gouvernance chaotique. Et tout le monde le sait. On s’est battu pour qu’aujourd’hui les Maliens se mettent ensemble. Pas seulement le M5 ou la junte, mais ce sont tous les Maliens qui sont invités aujourd’hui à se mettre ensemble pour chercher la voie à suivre.
Certes, les gens du M5, il faut le reconnaître quand même ont du mérite. On ne peut pas les jeter dans la poubelle. Dire que, bon vous avez fini le boulot, bon allez-y, vous vous n’avez plus rien à prouver, vous ne méritez rien. Je crois que ce n’est pas une bonne attitude.

Mais quel rôle est-ce que vous voyez ; quelle place pour ce M5-RFP dont vous êtes l’autorité morale dans la gestion de la transition ?
Mais cette place-là, ce sont les Maliens dans leur ensemble qui vont définir ça. Ce n’est pas l’imam. Moi, à ce que je sache, ce sont des hommes politiques qui, bien que par le passé, ont participé dans des gouvernements, dans la gestion d’Ibrahim Boubacar KEITA, mais quand même, ils ont eu le courage, le mérite de dénoncer, et pas seulement dénoncer, mais de venir aussi combattre ce système. Ce n’est pas rien. Aujourd’hui, essayer de les mettre en marge, pour dire qu’ils ne méritent rien, ça ne serait pas responsable.
Ce sont les Maliens qui peuvent définir quel rôle ils peuvent jouer. Ce n’est pas à moi. Ce que je leur dis, c’est que nous nous sommes battus pour un changement, ce n’est pas vraiment une raison pour que nous puissions nous accaparer de tout.

D’accord, lors de son dernier sommet tenu à Niamey au Niger, la CEDEAO a donné au Mali jusqu’au 15 de ce mois, soit une semaine à peu près, pour désigner un Premier ministre et un président civil de transition. Faute de quoi, c’est des sanctions qui vont continuer. Comment appréciez-vous, cette pression de CEDEAO ; amicale et solidaire ou disproportionnée et contre-productive ?

Bon, certainement ce n’est pas amical, on ne peut pas parler de sanction et parler d’amitié. Pas du tout. Par contre, je l’ai dit et je le redis, j’ai dit que le Mali fait partie la CEDEAO qui est régie par des règles. Et si vraiment nous sommes membres de cette organisation, on doit accepter que ces règles s’appliquent à nous comme tout le monde. Maintenant, nous donner des ultimatums et nous dire vraiment si vous ne faites pas ça on va vous sanctionner, je ne pense pas que ce soit amical dans le cas du Mali qui est traversé par une telle crise.
La CEDEAO, bon ils nous ont accompagnés, c’est vrai. Mais pas de façon visible comme on le souhaitait. Si aujourd’hui on sort le bâton pour essayer de nous dire vous faites ça ou on vous sanctionne, ce n’est vraiment pas un amical. Ce ne sont pas des pays amis et frères qui doivent se comporter de cette façon à l’endroit de leur membre.

Alors, la CEDEAO critiquée ces derniers jours à Bamako et pourtant vous l’aviez dit, il y a des règles auxquelles le pays a souscrit. Est-ce qu’il faut revoir quelque chose dans le fonctionnement de cette instance, à votre avis ?

Bon ça, peut-être ce sont des voix plus autorisées que la mienne qui doivent dire ça. Je ne connais pas à fond le fonctionnement de la CEDEAO. Je donne mon point de vue et mes idées, c’est tout.
Mais, ce que je sais, c’est que maintenant qu’il y a la CEDEAO, les Maliens doivent se mettre ensemble très rapidement pour chercher une solution de sortie de cette crise. Ça fait à peu près trois mois, ou peut-être même au-delà que nous sommes là sans Gouvernement. Le pays ne peut pas rester comme ça. Ça ne peut pas continuer. Vous savez, quand vous rentrez dans l’impasse, ce n’est pas la voie par laquelle vous rentrez que vous sortez. Il faut qu’on ait le courage de nous assumer, de chercher vraiment une voie de sortie.
Si la communauté internationale, y compris la CEDEAO, pense aujourd’hui que la présidence de cette transition doit revenir à des civils ; mais qu’on donne ça à des civils ! Le Mali est rempli de cadres et d’hommes intègres. Trouvons vraiment cet oiseau rare. Et puis faisons vraiment avec.
On peut se conformer aux exigences de la CEDEAO. Il faut s’y conformer pour ne pas vraiment nous nous exposer à des sanctions. Pas seulement de la CEDEAO, mais de la communauté internationale, de tous les partenaires. Je crois qu’on n’a rien à gagner en nous mettant sur le dos toute la communauté internationale.
Nous avons besoin aujourd’hui de cette assistance, de ce soutien. Nous sommes un pays aujourd’hui qui a un système fragile. Nous faisons, enfin, face à une situation sécuritaire qui est vraiment très critique. Et il faut en tenir compte. Le Mali n’est pas que Bamako. Le Mali, c’est ailleurs aussi.
Donc, il faut intégrer tout cela. Il y a, peut-être, 75% de notre territoire qui n’est pas sous le commandement du Mali. Alors, avec ça, notre armée a besoin de soutien des autres. Si vraiment on se met à dos la communauté internationale, ce n’est pas ce qui me paraît le plus intelligent.

Pas besoin d’aller dans un bras de fer ?
Non, pas du tout.

Venons donc à ces concertations qui se tiennent ici à Bamako. Les Maliens doivent s’entendre sur la durée les organes, bref une architecture pour la transition. Quel doit être le profil, le portrait-robot du président et du Premier ministre de cette transition, selon vous ?
Je ne suis pas un spécialiste des portraits-robots. Mais tout ce que je peux dire, il y a beaucoup de Maliens intègres, des Maliens vraiment intègres ; des hommes de valeur qui sont là ; de grands intellectuels.
C’est surtout, d’hommes de probité morale irréprochable. Ils sont nombreux dans le pays. Il faut les chercher, il faut les chercher, ils sont là. Et beaucoup de gens ont été mis en mage par des systèmes, parce que nous sommes dans un système où, quand vous ne sortez pas pour vous montrer, pour courir derrière les gens, vous ne pouvez pas jouer un rôle. Il faut vraiment maintenant arrêter cela. Cette situation-là, le fait de faire la rue. Mais regarde comment les gens se comportent. Dès que les jeunes gens ont pris le pouvoir, baff, tout le monde s’est rué vers Kati ; tout le monde va là-bas, tout le monde est porteur de projet, tout le monde est conseiller. Mais, il faut arrêter tout ça.

Mais, comment démêler le vrai du faux ?
Mais c’est très difficile, parce que le Mali est devenu un pays où vraiment les gens commencent à perdre un peu ce que nous avons d’essentiel qui est notre probité morale, notre intégrité.
C’est ce qu’on est en train de perdre. Le titre d’être quelqu’un de bien, de pondéré, d’humble, d’humilité. Ces caractères sont en train de partir. Maintenant, on s’en fiche. On sort, on va, on cherche. C’est tout. Ils sont envahis, ils n’arrivent même pas à savoir qu’est-ce qui est vrai, qu’est-ce qui ne l’est pas. Il faut arrêter ça.

Pour revenir à ce portrait-robot, intègre, de valeur intellectuelle, probité morale ; c’est un peu votre portrait ?
Mais, absolument.

Non, votre portrait à vous, Mahmoud DICKO ?
Moi ?

Oui…
Non, non, non, non ! Ce n’est pas moi ;
Ça, c’est vous qui le dites ?

Oui, c’est moi qui le dis, c’est votre portrait non ?
Mais moi je ne le suis pas. Ma vocation n’est pas de diriger un pays. Moi, je l’ai dit, je le redis. Ce que je sais faire le mieux, c’est de diriger la prière. Je m’en tiens à cela.

Mais, Mahmoud DICKO, vous avez dit en son temps à votre grand frère Ibrahim Boubacar KEITA : écoutez votre peuple. Et si le peuple M5, au-delà, le peuple demandait à Mahmoud DICKO de jouer ce rôle. Est-ce que Mahmoud va écouter son peuple ou pas ?
Mais, le peuple doit savoir ce que Mahmoud sait faire et ce que je ne sais pas faire. Diriger un pays demande beaucoup de choses que Mahmoud ne possède pas. Je peux avoir le portrait moral ou l’engagement, mais ça, ça ne suffit pas pour diriger un pays. Il y a beaucoup d’autres paramètres qu’il faut avoir pour diriger un pays. Moi je le dis : je ne les ai pas. Je n’ai pas la prétention de dire que j’ai tout ce qu’il faut pour diriger un pays. Je ne peux pas le dire. Et si moi personnellement je sais que je ne peux pas, pourquoi mon pays ou le peuple va me pousser à aller vers ce que je ne peux pas faire ? Pour servir mon pays, il faut le faire dans des choses où je suis vraiment excellent. Et ça, c’est diriger la prière.

Autre question, la durée de la transition, la CEDEAO veut un an tandis que certains au Mali voyaient la chose s’éteindre sur 2 ou 3 ans. Vous êtes quelque part au milieu. Mais est-ce qu’un an de transition c’est envisageable pour vous dans ce contexte ?
Un an, c’est un peu. Mais, il y a des dates qui ont été évoquées que je trouve un peu trop. Moi, j’ai envisagé 1 an à 18 mois maximum. Parce qu’il ne faut pas s’éterniser dans une transition. La vocation de la transition ce n’est pas de bâtir le Mali, c’est de mettre seulement les jalons, baliser la voie pour un futur régime qui viendra après des élections.

Mais quelles sont les principales missions qu’il faudrait assigner à cette transition ? Vu quand même l’étendue de ce qu’il y a à régler au Mali ?
Oui, l’étendue est telle que si vous demandez à une transition de régler le problème, alors que nous avons eu dans notre pays des gens qui ont dirigé pendant des décennies ; ça n’a pas été réglé. Ça veut dire que la transition elle seule, ne peut pas.
Maintenant comme je l’ai dit, il faut mettre les jalons et les vrais. Allons vraiment à une réconciliation réelle, allons trouver les moyens vraiment de réduire en tout cas cette situation sécuritaire qui est précaire dans le pays. Vous savez, quand je parle de réconciliation, je l’ai liée à la sécurité parce qu’aujourd’hui nous avons des multitudes des milices dans le pays.
Vous ne pouvez pas avoir des milices dans tout le pays et avoir la paix. Ce n’est pas possible. Il faut trouver une réconciliation qui va instaurer la confiance entre les différentes communautés qui habitent dans notre pays. Parce que notre crise, cette crise, se distingue de toutes les différentes crises que le Mali a connues ; du coup d’État contre Modibo KEITA à nos jours. Le régime de Modibo KEITA est parti, mais la nation malienne a demeuré. En 1991, nous avons eu l’insurrection, le coup d’État, mais la nation malienne a demeuré.
Mais, c’est cette fois, la crise a atteint un niveau qui commence vraiment à effriter la nation malienne dans son existence. C’est la restauration même de la nation qu’il faut envisager et c’est vers cela qu’il faut aller. Vous ne pouvez pas restaurer cette nation quand vous ne réconciliez pas les différentes communautés qui la composent.

Alors vous serez aux assises, sans doute. Mais quel est le message que vous auriez envie de faire passer au cours de ces assises ?
Moi je suis invité pour aller à l’ouverture, certainement à la clôture, mais je ne suis pas participant. Mais, je crois qu’il y a des voix aussi qui vont porter certainement ce message qui est aujourd’hui que nous nous devrons de taire nos différends et pour faire violence sur nous et aller vers l’essentiel. C’est l’existence de notre pays qui est en cause. C’est vraiment la nation malienne, la patrie malienne, qui est en danger. Aujourd’hui, tous les calculs, que ça soit du côté des militaires, du M5 ou des autres forces, l’essentiel c’est de se mettre ensemble. Donc, j’invite tous les Maliens, tous les médias à se mettre ensemble, à taire leurs divergences, pour une fois, pour mettre à la face du monde ce que vaut le Mali. Je l’ai dit, nous sommes un peuple debout, digne. Et nous ne sommes pas un peuple de résignés, non.
Tout ce qu’on a, cette crise, ce défi immense, je pense que les Maliens peuvent le relever. Il suffit vraiment d’interroger le génie malien, nous allons trouver les réponses pour faire face à cette situation.

Votre engagement pour les causes nationales ne date pas d’aujourd’hui. On se rappelle, depuis 2009, le code de la famille et plus récemment le fameux manuel d’éducation sexuelle. Mais la gouvernance, depuis quand vous avez décidé finalement, à quel moment précis ; on veut savoir quand vous avez décidé que les questions de gouvernance, il faut qu’on s’en mêle ?
Vous savez, les questions gouvernance, c’est une question globale. Les gens qui pensent que la gouvernance, c’est seulement l’administration, les services publics, non. La gouvernance c’est un ensemble qui résume la marche du pays.
Et dans ça, vous ne pouvez pas enlever ces valeurs sociétales et religieuses qui sont le support même de l’existence de notre pays qui constituent aujourd’hui l’identité ou le patrimoine même de notre pays.
C’est difficile de les dissocier. Donc, quand on parle de gouvernance, la religion, la culture, tout ce qu’on a de valeur, les valeurs sociétales, c’est tout cela dans son ensemble qui sert de support pour notre système. Et le problème que nous avons, c’est qu’on a amené un système démocratique, mais on ne l’a pas adapté à nos réalités. Le système démocratique est un système universel que tout le monde peut emprunter à sa manière. Or, chaque pays, chaque nation, a son identité, a ses valeurs propres, réelles, qui servent de support à ce système démocratique.

On ne l’a pas mis la sauce malienne ?
Non, pas du tout, puisque c’est le problème que nous avons. Un système est un système démocratique en vrac. Avec la presse, le multipartisme, avec tant, tant, tant ; sans balises et mettre ça dans la sauce malienne pour qu’elle soit consommable réellement pour les Maliens.

Tout ça est à revoir aujourd’hui ?
Oui, absolument.

Lors de la contestation, au plus fort de la crise, vous avez lancé à l’endroit de la France, nous sommes un peuple souverain qui doit être respecté. Qu’est-ce que vous dénonciez ce jour-là ? Une ingérence de la France dans les affaires internes du Mali ?
Pas une ingérence de façon visible. Mais j’ai soupçonné des pratiques que j’ai dénoncées. J’ai aussi dit en son temps que je ne suis pas naïf. Je crois que nous sommes un peu plus clients avec la France, nous avons une histoire commune et une grande histoire. Nous avons aussi un destin commun. Il y a des relations historiques et stratégiques qui nous lient à la France. On n’est pas censé ignorer cela. Je l’ai dit, mais cela n’empêche pas de dénoncer, quand il le faut, des positions de la France que nous pensions être amicales. C’est ce que j’ai eu à faire en son temps.

Alors vous dites également, je cite : « il y a des mauvaises langues qui essayent de dire DICKO, c’est quelqu’un qui veut instaurer la charia, bafouer le rôle des femmes ». Ce sont des réflexions qui vous agacent un peu ?
Mais, écoutez, pas m’agacer. Mais je sais ce que les gens le disent. Bon, vous savez, je le dis souvent que quand vous êtes, je le dis avec beaucoup de modestie, un homme public, parce que vous vous arrogez le droit de parler des autres, il faut que les autres aient le droit de parler de vous. Ils ont leur opinion sur vous. Ils peuvent dire ce qu’ils veulent. Bon ça, c’est leur droit de parler de moi et de me qualifier de ce qu’ils veulent. Mais, ce que je suis, je le sais.
Me qualifier de quelqu’un qui veut restaurer la charia qui est de bafouer le droit des hommes, qui veut faire ceci, qui veut faire cela ; je crois que ceux qui me connaissent savent cela. C’est une façon de parler.

C’est un qualificatif qu’on vous colle à la peau ?
Non, ça ne reflète pas ce que je suis. Non pas du tout. Je ne fuis pas en réalité ce que je suis. J’assume pleinement ma position, je défends ma religion. Et ça, je l’ai dit je et je ne dissimule pas ça. Mais, je ne confonds pas aussi la religion et tout le reste. Je l’ai dit, notre religion est une région choisie. Ce n’est pas une religion imposée.

Vous êtes donc réputé aussi avoir de bons rapports avec Iyad Ag GALLY et Amadou Kouffa ; ces djihadistes d’origine malienne. D’ailleurs avec lesquels les Maliens souhaitent qu’ils y aient des discussions ouvertes. Vous avez été au Nord quand personne en provenance de ce côté n’osait s’y aventurer. Vous avez aussi dirigé un moment une mission de bons offices. Qu’est-ce qui n’a pas marché pendant ce temps et qui pourrait marcher maintenant ?
Iyad, je le connais, et tous les Maliens le connaissent. Je n’ai pas de rapports particuliers avec Iyad. Je n’ai jamais partagé une journée avec lui. Jamais dans ma vie. Si on n’a passé 30 minutes ou une heure de temps, c’est peut-être, dans une mosquée, je ne sais pas.
Donc, un rapport particulier, les gens le disent. Mais Iyad a été avec des gens à Bamako avec lesquels il partageait beaucoup de choses. Ils chantaient ensemble, ils dansaient ensemble, faisaient autre chose ensemble. Il y a des gens qui vont chez Iyad, ils font des méchouis avec lui chez lui à Kidal. Il était dans un parti. Il appartenait à un parti, il y a été, il a exercé des fonctions au Mali. Il a des parents, il a des proches.

Vous voulez dire qu’il est beaucoup plus approche avec beaucoup plus de gens ici que de vous ?
Absolument ! Mais, je n’ai pas trop à faire l’hypocrite pour dire que non je ne le connais pas. Non, je le connais, comme je connais Amadou KOUFFA. Je connais d’où il vient ; son village est un village qui est dans le cercle de Niafunké. Il n’est pas un extraterrestre, c’est un Malien. Les gens le connaissent. Il a étudié avec des gens. Il a des parents, il a des proches. Vous ne pouvez pas dire à quelqu’un qui est du Mali que vous ne le connaissez pas parce que vous êtes du Sud. Mais, c’est quelqu’un qui est du Nord, nous venons des mêmes contrées. Peut-être qu’on a étudié par-ci, par-là, nos chemins ce sont rencontrés un jour.
Vous ne pouvez pas dire que je ne connais le pas, parce qu’il est aujourd’hui dans cette situation. Moi, c’est ce que j’ai dit au début.
Quand cette situation a commencé, j’ai dit aux autorités maliennes, puisque nous connaissons la personne même Iyad, on connaît qui il est, on connaît Amadou KOUFFA, mais essayons de les récupérer, de parler avec eux ; faire en sorte vraiment de les tirer de cette affaire pour qu’ils ne nous engagent pas dans une aventure sans issue. Si on les laisse, ils seront une proie facile dans les mains des autres qu’on ne connaît pas qu’on ne peut pas maîtriser, qui sont ailleurs, qui viennent d’ailleurs.

Alors est-ce que c’est ce que vous avez envie de faire aujourd’hui quand vous appelez les chefs religieux musulmans et chrétiens à se joindre à vous pour une tournée à l’intérieur du pays, après avoir appelé les populations du Centre à déposer les armes et à faire la paix ?
Mais, écoutez, moi je ne ménagerais rien quand il s’agit vraiment de la paix, de la stabilité dans mon pays. Maintenant, comment il faut le faire, c’est aux Maliens de définir cela. On verra ce qu’il faut faire. Mais, je ne ménagerais aucun effort pour qu’il y ait vraiment la paix et la stabilité dans notre pays.
Le pays a assez souffert, des Maliens ont assez souffert.
Dans le centre du Mali, les gens sont en train de s’entretuer. Des villages entiers ont été brûlés. Allez-y interroger les habitants de cet endroit pour quelles raisons vous vous entretuez, ils ne le savent pas, ils ne peuvent pas vous dire le pourquoi. Ils te disent seulement : l’autre est Peuls, moi je suis Dogonon. Mais, alors et après ? C’est une manipulation. Les gens ont été instrumentalisés dans cette affaire pour opposer des populations, des communautés qui ont vécu ensemble des millénaires. Maintenant, il faut que ça cesse. Les Maliens doivent s’y mettre pour que ça cesse.

Alors la tournée à laquelle vous réfléchissez, elle prend forme ?
Mais, écoute il est peut-être trop tôt. Mais j’y pense, Inch Allah ! Je pense que si les choses rentrent dans l’ordre, on va commencer. Maintenant, notre souhait est que cette transition puisse réussir pour que le Gouvernement s’installe. Et que le Mali s’installe, quitte cette incertitude. Et ensuite, nous allons accompagner ce qui va être fait par des tournées, par des appels, par tout ce qu’il faut pour restaurer la confiance entre les différentes communautés de notre pays.

Il y a un peu plus d’un an, vous lanciez la CMAS, la coordination des mouvements, associations, et sympathisants de l’imam Mahmoud DICKO. Beaucoup ont estimé que c’était votre entrée officielle en politique. Jusqu’où peut aller ce mouvement ? Est-ce qu’il a l’intention de jouer un rôle dans le prochain scrutin présidentiel ?
Peut-être il faut poser cette question au coordinateur de la CMAS.
Parce que moi, je ne participe pas aux réunions de la CMAS. Je ne définis pas la politique de la CMAS. Je suis seulement le parrain.

On a entendu le coordinateur dire nous défendrons les positions, les convictions de l’imam DICKO. Là où l’imam DICKO est, nous nous sommes là-bas ?
Mais, écoutez, vous allez lui poser la question, il va vous dire ce que l’imam lui a dit. Si tel est le cas, attendez-le, vous allez l’inviter un jour, peut-être il va vous le dire.

Vous n’avez pas envie de nous dire si vous comptez jouer un rôle ?
Moi, j’ai dit que je retournerai dans ma mosquée. Vous ne me croyez pas ?

Oui, je vous crois, vous personnellement. Mais la CMAS en tant que mouvement, à défaut que son parrain soit roi pour qu’il soit faiseur de rois. Est-ce que vous êtes dans cette logique-là ?
Moi, je ne suis ni roi ni faiseur de rois. Personne n’est faiseur de rois. C’est le Bon Dieu qui est faiseur de rois, c’est lui qui peut faire les rois, il défait les rois. Je suis un croyant. Cette façon de parler, c’est certainement les autres, dans leur culture, qui pensent que vous êtes faiseur de rois. Pour nous, ça s’approche même du blasphème. Parce que le roi, celui qui le fait, c’est Dieu.

Vous entretenez, vous l’avez dit, des rapports particuliers avec le chérif de Nioro. On ne l’a pas trop entendu après la démission du Président IBK. Comment il a réagi à ces événements ?
Il a réagi positivement. S’il y a une autorité religieuse qui a combattu le système, le premier c’est le chérif de Nioro. Il l’a fait dès le début. Il n’a jamais reculé dans ça. Et quand c’est arrivé, il a salué ça positivement.

Des nouvelles de votre ainé, Ibrahim Boubacar KEITA, de son Premier ministre, votre fils, Boubou CISSE ?
Ibrahim Boubacar KEITA, j’ai entendu qu’il est bien arrivé et qu’il a commencé à être consulté. C’est ce que j’ai appris. Mon fils, je suis vraiment peiné pour lui, ça me fait de l’émotion. Il est dans les mains des autorités en place. J’espère bien qu’il va très bien. Je ne l’ai pas vu, je ne peux pas dire plus.

Un dernier mot à l’endroit des Maliens avant de quitter notre plateau, imam DICKO ?
Bon, un dernier, et puis un souhait que ces concertations qui débutent, demain, que ce soit vraiment une réussite, un succès. Que les gens se mettent ensemble pour parler ! Moi j’aime bien dire, tout le temps, qu’on se pardonne, qu’on s’accepte mutuellement. Mais, le pardon n’exclut pas la justice ou le droit. Mais le pardon est une attitude pour tout être censé porter des valeurs morales doit avoir en soi.
Je l’ai dit, chez nous, nous avons des concepts qu’on est en train d’oublier, des concepts en bambara que j’aime bien, bien que je ne sois pas tout le temps d’accord avec les Bambaras, que j’aime bien le ‘’Hakèto’’, le ‘’Yafama’’. Ça, c’est des concepts qui ont tendance à être oubliés, alors que ça fait partie de nos valeurs. C’est ça le vivre ensemble, le fait d’accepter l’autre. Tu entends ça moins maintenant. Ce que tu entends, c’est ‘’ e ye moun den sougou yé’’. C’est des injures, c’est des comportements qui n’honorent pas notre société. Il faut qu’on en revienne à des fondamentaux de notre société qui sont la tolérance, l’acceptation de l’autre, le dépassement de soi, l’humilité. C’est ça qui caractérise le Malien. C’est avec ça que nous sommes forts. Ce n’est pas avec la violence ou le rejet de l’autre. Merci.

Source : INFO-MATIN

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