Les apporteuses d’eau tirent leur épingle du jeu sur les chantiers de construction

Bamako, 15 janvier (AMAP) Au quartier de Tabacoro,  Fatou Théra, mère de trois enfants est devenue veuve très tôt alors que ses enfants étaient tout petits. Seule à les élever, elle s’est rabattue sur des petits métiers pour nourrir et entretenir sa progéniture. « Je vendais des oranges dans les quartiers. Je faisais la lessive pour les gens et, maintenant, avec mes amies du quartier, j’arrose les briques sur des chantiers de construction pour subvenir aux besoins de mes enfants », confie-t-elle.

Des petits métiers comme celui de Fatou, l’arrosage des briques par les femmes dans les quartiers périphériques, peu de gens en connaissent l’existence. En effet, en dehors des tâches ménagères, de nombreuses femmes exercent ce métier sur des sites de travaux de construction, en remplissant des barils pour les maçons. Là, sur ces chantiers, les besoins en eau sont énormes et le précieux liquide peut rapporter gros.

D’autres braves femmes, qui se battent autant pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille, font aussi la lessive, sont des tresseuses, etc. « Il n’y a pas de sots métiers, il n’y a que de sottes gens » dit l’adage.  On pourrait y ajouter : « Il y a d’honnêtes métiers pour gagner, aussi honnêtement, son pain quotidien ».

Une autre apporteuse d’eau, Ramata Traoré, qui réside au quartier Farako/Mountougoula, pratique ce métier depuis deux ans. « Ça m’aide à faire face à mes besoins. Mon mari est mécanicien à Sirakoro. Il revient vers le petit soir et nous aide à remplir le reste des barils pour qu’on puisse terminer rapidement. Les enfants m’aident, souvent, à arroser et il nous arrive de gagner  plus de cinq mille francs par jour », explique-t-elle. Chez elle, c’est toute la maisonnée qui s’y met de bon cœur. Mais, ce n’est pas tous les jours que « la petite entreprise familiale »  travaille. « Il y a des moments où, les chantiers sont à l’arrêt », déplore notre interlocutrice qui achète de l’eau d’un château ou à une borne-fontaine, sauf pendant l’hivernage, où elle recueille l’eau de pluie dans les barils. « Contrairement à la saison sèche, la pluie nous permet d’économiser un peu d’argent car nous arrosons sans acheter de l’eau », souligne-t-elle.

REVENU MENSUEL – Fanta Coulibaly, une jeune fille âgée de 17 ans habite à Sirakoro Cité. Elle est élève en 9è année de l’enseignement fondamental second cycle. Pendant les vacances, en plus des travaux ménagers, elle accompagne sa mère pour arroser les briques. Sa maman fait, aussi, la lessive pour des gens et ramasse des cailloux. « J’achète mes fournitures scolaires avec l’argent que je gagne en travaillant avec ma mère. Ainsi, je soulage ainsi mon père », dit la jeune fille, très lucide. Selon elle, le contenu d’un baril équivaut à 10 bidons de 20 litres et, sur chaque baril rempli d’eau, elle gagne 650 Fcfa.

Korotoumou qui habite aussi à Sirakoro, indique qu’elle pratique ce métier grâce à une amie d’enfance et gagne sa vie. « Souvent, on peut gagner 50.000 Fcfa par mois et même plus. Ce qui nous permet de subvenir à nos besoins comme on peut. Mon frère aussi est arroseur de briques comme moi. Puisqu’il a des relations avec des maçons, il nous informe à chaque fois que des chantiers démarrent », raconte-t-elle.

Quant à Moustapha Diarra, propriétaire d’un chantier en construction, il est satisfait des prestations de ces femmes qui arrosent ses briques. Pour lui, cela contribue, également,  à la lutte contre le chômage car, plus de cinq femmes peuvent s’occuper d’un seul chantier alors qu’il existe de très nombreuses maisons en construction dans les quartiers périphériques. « Elles remplissent un baril à 750 Fcfa et peuvent en remplir jusqu’à 10 par jour. Nous, les propriétaires, donnons cet argent aux maçons qui le leur remettent», souligne Moustapha.

Thérèse Ongoiba se réjouit de pratiquer ce métier car, avec le revenu qu’elle en tire, elle peut subvenir aux besoins de sa famille. « Mon mari est un chauffeur de taxi. Il sort le matin et ne revient qu’au petit soir. Avant son retour, je fais ce travail pour pouvoir acheter de petites choses à nos enfants », dit-elle.

« Comme tout travail, le nôtre a des avantages comme des inconvénients », poursuit-elle. « D’abord, c’est un travail physique, donc pénible. Ensuite, certains propriétaires de chantiers ne nous font pas confiance. Ils pensent qu’on a l’habitude de les voler et pour cette raison, ils envoient, de temps en temps, des superviseurs pour contrôler le remplissage des barils. Par ailleurs, il y a des maçons qui, eux aussi, ne sont pas très orthodoxes avec nous car, ils tentent de nous gruger. Ce qui provoque, des fois, des bisbilles entre nous, à propos du montant qu’ils nous doivent », déplore-t-elle.

AD/MD (AMAP)

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