La mort du commissaire de Niono, Issiaka Tounkara interpelle le Berger à témoigner, lui qui a eu à travailler pendant près de 20 ans avec la police malienne.

Chargé de la rubrique Faits Divers et des questions de sécurité à l’Essor, il a assisté à la rentrée et la sortie des promotions emblématiques de la police malienne que sont celles de 2005 et 2007 desquelles sont issus tous les responsables actuels des unités de sécurité publique (dont le regretté Issiaka Tounkara).


Les rapports de travail entretenus avec la police malienne pendant ce temps m’autorisent à dire ceci : ce qui est arrivé à Niono était prévisible. Personnellement, sans être un oiseau de mauvais augure, je m’attendais à ce que cela arrive un jour. Tant certains commissariats et leurs responsables sont devenus, par leur comportement et leur boulimie pour l’argent, de véritables obstacles à la citoyenneté.
Un tour à la « Section Carte d’identité » des unités de sécurité publique de notre police permettra de comprendre. A la décharge d’une petite minorité de commissariats, « Carte Nationale d’Identité » est devenue le déversoir des femmes de la police. Certaines, incapables de formuler une seule bonne phrase en Français, excellent cependant dans l’art d’intercepter les candidats à pièce. D’autres, complément d’effectif comme disent mes amis policiers, viennent pour deux choses : prendre le salaire et intervenir auprès des différents chefs de sections ou du patron pour tel ou tel cas. Cette intervention étant négociée au prix fort.
Au risque de choquer des amies et des « chéries » policières qui se reconnaîtront, qu’elles comprennent ici qu’elles ne sont pas les seules impliquées dans les magouilles qui minent notre police. Et qui ont certainement poussé une partie de la population de Niono à agir de manière anti-citoyenne, inhumaine, bref barbare et sauvage (acte que le berger condamne même si sa condamnation ne prétend pas être celle des voix autorisées).
Dans les sections « Voie Publique » de certains commissariats, obtenir son PV d’accident de circulation est un “steeple-chase” de plusieurs jours voire semaines si vous ne payez pas l’agent chargé de l’établir. Par plusieurs reprises il a été demandé au berger d’intervenir pour diligenter un dossier que le bon sens dit qu’il est facile de l’obtenir. Par plusieurs reprises il a été dit qu’il ne lui revient pas d’intervenir dans le travail de ses collaborateurs. Dieu est témoin ! Comme Dieu est aussi témoin qu’il a maintes fois fait remarquer à certains de ses amis de la police que leur comportement est dangereux et peut amener la population à être excédée et la pousser à commettre des actes non souhaités. Comme celui d’hier à Niono.
Le berger se rappelle encore ce jour où, dans un commissariat de Bamako, un citoyen était tellement énervé par le comportement d’un chef de section qu’il s’est arrêté dans la rue pour injurier publiquement et vulgairement la police du Mali tout entier. Aucun policier ne pipa mot car tous savaient qu’il avait raison. Ce jour-là, nous avons eu la chance car des badauds ont vite entouré l’homme et nous craignions que la situation ne dégénéra. Heureusement, le commissaire qui était à 50 jours de sa retraite sortit de son bureau pour s’occuper de l’énervé et le calma.
On peut citer des centaines d’exemples de raisons de révolte de la population. Mais le pasteur s’arrête là pour dire que la mort de Issiaka Tounkara l’a touché très profondément car ce petit frère a toujours été très respectueux à son égard. Plusieurs fois au 6ème arrondissement où il officiait, on s’était rencontré et avions échangé. Le souhait du berger est que ses assassins soient démasqués et jugés. Mais aussi son souhait que ces camarades de promotion et ses collègues policiers apprennent de sa mort. Qu’ils fassent une vraie introspection. Elle constitue un message dont nous devons saisir le sens, les raisons pour nous corriger.
La police par son comportement ne doit pas fragiliser l’État déjà soumis à de rudes épreuves. La police est un bras séculier de l’État. Et ce bras doit servir et non se servir. La foule est une jolie sauvage dont il ne faut pas exacerber la colère par des comportements à la lisière de la légalité. Toute révolte est justifiée par les abus, les injustices. Ce que le berger vient de dire est aussi valable pour tous ceux qui agissent sous la couverture d’agent de l’État. Servez l’État qui vous sert selon votre mérite.

Berger Dicko

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