La crise scolaire portée devant les députés : Sur fond de dialogue de sourds entre Gouvernement et syndicats

La crise de l’école malienne était au cœur d’une interpellation du gouvernement par représentants du peuple, le jeudi 5 Avril où les empoignes ont prévalu.

 

Pour faire face aux élus, deux autres membres du gouvernement ont été mobilisés par l’Exécutif en plus du Pr Abinou Témé, en l’occurrence le ministre l’Economie et des Finances et la ministre de la Fonction publique. Ce renfort gouvernemental n’aura pas dissuadé les élus, qui ont majoritairement pris à partie le gouvernement pour son manque initiatives. C’est le cas d’Oumar Mariko qui a finalement été accepté à s’exprimer alors qu’il en avait été sevré la veille pour avoir remis en cause la légitimité du Parlement. L’élu de Kolondiéba n’a pas hésité à appeler le gouvernement à rendre le tablier pour incompétence. Car, en dépit de l’école, des secteurs comme la sécurité sont aussi en situation lamentable. Et d’annoncer l’interpellation prochaine du ministre de la défense pour en rendre compte.

Pour sa part, l’honorable Kalilou Ouattara de l’ADP-Maliba a prévenu le Pr Abinou Témé de son manque de sacrifice. « Les milliards à votre disposition doivent servir à éviter l’arrêt de l’école malienne », a-t-il martelé, avant le député élu à Dioila, Sekou Fantamady Traoré, n’appelle l’Etat à remettre les dirigeants locaux au cœur de la question, allusion faite aux maires et présidents des régions qui restent les vrais acteurs, à condition que les transferts des compétences soient effectifs de la part de l’Etat.

Enseignant de formation, le 1 er questeur de l’Assemblée n’était pas en reste. Mamadou Diarrassouba a exprimé son inquiétude face à la tourmente que traverse l’école malienne. Il a plaidé pour le remboursement des allocations familiales qui semblent avoir été retenue en même temps que les salaires des grévistes.

En réplique aux interpellations, le Pr Abinou Témé a assuré que tous les admis du BAC ont été orientés, tandis que les syndicats n’ont donné aucun retour favorable à l’offre chiffrée que le gouvernement leur a faite. Si les agents des collectivités ne sont plus aux organes centraux de l’administration, c’est à cause du statut particulier des enseignants, a expliqué le ministre de l’éducation nationale, en mentionnant au passage les efforts financiers afin que le Nord du pays, notamment la région de Kidal, ne soit pas exclue du système national.

Il est revenu ensuite au ministre des Finances d’entrer dans les profondeurs du nerf de la guerre, à savoir les aspects financiers à l’origine de la non-conciliation entre partenaires sociaux et sur lesquelles Boubou Cissé s’est montré intraitable.

En clair, il est hors de question de concéder des promesses à incidences budgétaires intenables, a-t-il martelé, en sortant la calculette pour justifier la réticence du Gouvernement à revoir à la hausse les salaires et certaines primes des enseignants. « C’est mentir que de dire le contraire quand les prétentions sont plus fortes que les ressources dont dispose le Mali. Il faut une solution raisonnable et soutenable par le budget d’Etat », a-t-il déclamé, en révélant par ailleurs qu’un État qui éprouve de la peine à assurer les salaires ne peut se permettre d’accéder à des revendications susceptibles de doubler la masse salariale.

Avec une allocation budgétaire annuelle de l’ordre de 15%, le secteur de l’éducation engloutit à lui seul plus de 33% de l’ensemble des dépenses courantes et se hisse indiscutablement au peloton de tête des priorités gouvernementales. Ces indicateurs traduisent l’intérêt évident que les autorités accordent à l’éducation, soutient-il, en mentionnant au passage que les salaires des 63 090 enseignants maliens absorbent 60% des allocations budgétaires du secteur contre 20% seulement pour les dépenses afférentes au matériel didactique et aux équipements scolaires. Cette tendance n’est qu’un autre motif de rejet des revendications du monde enseignant et il n’est tout simplement pas admissible qu’elle persiste, au risque de s’accommoder d’un secteur éducatif au rabais, a insisté le ministre des Finances en se disant persuadé qu’une augmentation de primes et des’ salaires n’aurait aucun impact sur les résultats du secteur. Ca n’est pas dans l’augmentation des primes et salaires que  réside la solution alors que le manque de matériels didactiques continue de tirer vers le bas le niveau des apprenants, a-t-il soutenu chiffres à l’appui. Par exemple, le Mali est le pays qui dépense le plus par élève dans la sous-région alors que les apprenants maliens ne capitalisent que 4 années sur 12 années d’apprentissage, un taux qui chute à 2 années rapporté à la qualité. Il en résulte que 90% des élèves n’ont pas le niveau requis. Une inflexibilité qui, pour le moins, ne semble guère militer en faveur d’une reprise du dialogue tant prônée par la Ministre Raky Talla pour qui « le tout ne peut être obtenu en un laps de temps tel que le souhaitent les syndicats de l’école malienne.

Après plusieurs mois de grève ininterrompue et une crispation inédite des pourparlers entre protagonistes de la crise scolaire, l’année académique a-t-il atteint le seuil de l’irrécupérable ? Tous les voyants inclinent à répondre malheureusement par la positive. Car, en dépit de la séance d’interpellation consacrée à la question par la représentation nationale, les positions demeurent pour l’heure assez figées pour ne pas présager d’une détente qui puisse déboucher sur la réouverture des classes. La levée des mots d’ordre de grève est pourtant la condition sine qua non pour que le Gouvernement envisage une dérogation à la retenue effectuée sur les salaires travailleurs, a prévenu le ministre des Finances devant la représentation nationale. Un bras de fer semblable à celui entretenu avec les magistrats se dessine.

Idrissa Keïta 

Le Témoin

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