INSECURITE AU CENTRE DU MALI : Quand fuir s’impose comme l’unique choix pour espérer survivre

Le centre du Mali est devenu la région la plus meurtrière pour les civils. Une zone où la violence s’est fortement intensifiée au cours des trois dernières années. Les violences ont non seulement augmenté en nombre, mais aussi en gravité dressant ainsi un tableau alarmant de personnes blessées, de morts, de personnes forcées de se déplacer et de liens familiaux brisés. Malgré les risques, les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) interviennent dans cette région pour apporter une assistance médicale et humanitaire à ces victimes dont la plupart restent marquées par les brutalités subies.

 

«Les malfaiteurs sont venus pendant la nuit dans notre village de Koumasinsin et ont tué mon mari, brûlé notre maison et emporté tout notre bétail. J’ai ramassé ce qui restait de nos affaires et j’ai fui avec mes quatre enfants. Depuis ce jour, mon fils ne cesse de pleurer. Chaque fois qu’il voit un homme, il pense que c’est son père» ! C’est la confession faire à une équipe de Médecins Sans Frontières (MSF) par A. T, une veuve et mère qui accompagnée son fils le site de la clinique mobile de cette organisation. Avec les siens, elle a trouvé refuge dans un village du cercle de Koro, au centre du Mali.

Partir avec ce qu’on peut transporter ! S’éloigner de ses racines ! C’est désormais l’unique choix qui s’impose beaucoup de femmes et hommes comme A.T pour échapper à la tragédie qui ne cesse d’endeuiller les familles des régions de Mopti, Bandiagara et une partie de San

L’histoire d’A.T, rappelle MSF qui maintien sa présence malgré les risques auxquels son personnel est exposé, s’inscrit dans une longue série de récits similaires. «Le centre du Mali est la zone du pays la plus meurtrière pour les civils. Ce sont les communautés d’éleveurs peulhs et les agriculteurs dogons majoritaires dans cette région qui sont les premières victimes de tueries, de destructions ou de pillages», indique-t-elle dans un document communiqué à notre rédaction. Et d’ajouter, «ces violences ont non seulement augmenté en nombre, mais aussi en gravité ces trois dernières années. La population du Centre se retrouve coincée entre des groupes armés, les groupes d’autodéfense ou encore les forces de sécurité nationales ou internationales. A celles-ci viennent notamment s’ajouter les conflits locaux entre les communautés».

 

Population civile victime de violences au quotidien

Dans cette région, les services de l’Etat sont limités voire existants dans certains endroits depuis des années et des zones entières échappent au contrôle étatique. Un climat de violence s’est alors instauré dans la vie quotidienne des villageois et a provoqué des mouvements de population. De juin à octobre 2020, les équipes de MSF ont enregistré sur ses zones d’intervention, 21 déplacements de population, 82 attaques de villages, 68 incidents graves et 222 civils tués. Dans la région de Mopti, en octobre dernier, on comptait plus de 131 150 personnes déplacées internes dans la zone, pour une population totale estimée à environ 1,6 million de personnes. La plupart de ces personnes ont été contraintes de quitter leurs foyers et de se réfugier dans les villages voisins.

De nombreux villages sont isolés de force par les groupes armés et n’ont ainsi pas accès aux services de base, notamment aux soins de santé, comme par exemple ceux de Mondoro (Douentza) et Diankabou (Koro). Cependant, entre janvier et octobre 2020, 56 villages enclavés ou difficiles d’accès ont été assistés par les équipes de MSF dans cette région de Mopti. Pour les autres villages, ses habitants se retrouvent dans l’incapacité de se déplacer librement, de cultiver les champs ou de fréquenter les marchés en raison de conflits inter ou intra-communautaires. D’autres sont pris pour cible pour des raisons d’appartenance ethnique ou de liens présumés avec des groupes armés et sont criminalisés.

«Dans un village situé dans le cercle de Bandiagara qui a accueilli les déplacés, il n’y a pas de camp de déplacés. Les personnes qui ont fui les violences sont soit logées dans des classes soit accueillies par des familles. D’autres vivent dans les champs, dans des grottes ou à la belle étoile. Avec l’ouverture des écoles, ces déplacés ont été chassés», rapporte Ibrahim Magassa, assistant coordinateur terrain MSF au Mali.

 

Des familles d’accueil dépassées

Les villages voisins qui viennent en aide à ces déplacés ont des moyens d’accueil limités. Ces personnes vivent très modestement, survivant grâce à l’agriculture et à l’élevage. Elles font déjà face à des difficultés durant la saison des pluies cumulée aux mois de soudure. Quant aux déplacés, qui ont tout perdu, ils vivent dans des conditions extrêmement difficiles, luttant pour trouver de la nourriture, de l’eau potable, un abri et bénéficient peu ou pas des services de protection. Les plus vulnérables sont les enfants non-accompagnés, les orphelins, les veuves et les personnes âgées.

«Il y a trois mois, 35 déplacés se sont présentés chez nous. Déjà avant leur arrivée, la nourriture manquait. Les nouveaux arrivés compliquent davantage cette situation, mais nous faisons tout pour ne pas les abandonner en faisant de notre mieux. Héberger 30 personnes supplémentaires est compliqué, six à sept dorment sur la même natte, les femmes se regroupent pour dormir dans la même chambre. Quand il pleut, beaucoup de personnes passent la nuit dehors, debout, parce qu’il n’y a pas d’abri pour tout le monde», a confié A. O, paysan qui a recueilli des déplacés.

Cette situation de violence induit également une difficulté d’accès aux soins de santé à la population civile. C’est ainsi que la malnutrition, et ses effets néfastes, le paludisme ou la rougeole deviennent des maladies très meurtrières. Les équipes de MSF lancent ainsi des activités d’intervention d’urgence dans les localités isolées et difficiles d’accès. L’organisation assure ainsi un soutien médical et psychologique via des cliniques mobiles et d’autres approches de soins communautaires.

Quand les équipes arrivent à rejoindre les déplacés dans les zones isolés par le conflit, elles soignent les blessés, vaccinent les enfants et consultent les plus vulnérables comme par exemple des femmes enceintes et allaitantes. «Contraintes de se déplacer à cause des conflits, certaines femmes enceintes ont accouché sur la route. D’autres, traumatisées par la peur, ont fait des fausses couches. Dans les soins qu’elles reçoivent, nous les accompagnons pour la pesée et l’accouchement. Elles sont démunies et elles n’ont ni à manger ni des vêtements pour se changer ou se couvrir», rappelle Adiaratou Doumbo, infirmière obstétricienne qui s’occupe des femmes enceintes déplacées…

L´accès humanitaire reste une des préoccupations majeures dans cette zone fortement affectée par le conflit armé. Dans les centres de santé de Koro, Bankass, Bandiagara et Douentza, les équipes de MSF appuient notamment la prise en charge médicale et psychosociale d’urgence aux blessés liés aux conflits. Certains souffrent de blessures par balles, de la violence sexuelle. D’autres sont victimes d’engins explosifs improvisés ou encore ont été torturés. Ce qui a entraîné des traumatismes physiques et mentales graves.

«Au regard de nombreuses violations, les équipes de Médecins Sans Frontières demandent aux autorités ainsi qu’aux porteurs d’armes le respect et la préservation de l’espace humanitaire permettant d’offrir une assistance vitale aux populations affectées par le conflit», déclare Boulama El hadji Gori, Chef de mission MSF au Mali. Et d’ajouter, «l’organisation invite aussi les porteurs d’armes de stopper les exactions contre les civils et de se conformer aux principes du droit international humanitaire, en respectant les principes de précaution et de distinction. Enfin, aux acteurs humanitaires, MSF demande d’élargir les réponses aux besoins de cette population, notamment en matière d’abri et de nourriture ainsi que de leur assurer une protection sur les moyen et long termes».

Médecins Sans Frontières intervient au Mali depuis 1985. Avec l’éclatement de la crise sécuritaire de 2012, l’organisation a intensifié ses interventions dans les régions du nord, centre et sud du Mali pour répondre aux multiples besoins des populations touchées par les événements. Actuellement MSF gère des projets réguliers dans les régions de Kidal, Gao (Ansongo), Mopti (Ténenkou, Douentza et Koro), Ségou (Niono) et Sikasso (Koutiala), et aussi dans la capitale, Bamako. Elle déploie également de nombreuses interventions d’urgences afin de répondre aux importants besoins des populations.

Moussa Bolly

Avec MSF

 

 

FACE À LA SECONDE VAGUE DU COVID-19

 

MSF relance ses activités d’urgence à Bamako

 

Selon les chiffres publiés par le ministère de la Santé et du Développement social, depuis le début de la pandémie (25 mars 2020) et jusqu’au 11 janvier 2021, 7664 cas ont été officiellement enregistrés, dont 5326 guéris, 2039 en cours de traitement et 299 décès pour une population d’environ 20 millions d’habitants.

 

Face à l’urgence de cette situation, l’Ong Médecin sans frontières (MSF) a relancé une intervention d’urgence au sein de cinq communes de la ville de Bamako en appui aux partenaires nationaux. Ainsi, elle intervient en renfort du personnel soignant dans une structure d’une centaine de lits dédiée à la prise en charge du COVID-19 installée au sein du Centre hospitalier universitaire (CHU) du Point G.

Ses équipes MSF appuient aussi le ministère de la Santé et du Développement social dans le suivi des cas contacts, le suivi à domicile des malades atteints de la COVID-19 n’ayant pas besoin d’être hospitalisés et l’identification des cas qui pourraient avoir besoin d’une hospitalisation. L’intervention de MSF passe aussi par le déploiement d’activités préventives dans cinq des six communes de Bamako, qui visent à informer et sensibiliser la population sur les mesures à respecter pour se protéger du virus et éviter de le propager…

«La principale différence entre la première et la deuxième vague, c’est l’augmentation du nombre de cas sévères. Ces derniers mois, les autorités sanitaires maliennes ont renforcé le dispositif de prise en charge de ces cas», explique Florence Uzureau, coordinatrice du Projet COVID-19 de MSF au Mali. Et d’ajouter, «compte tenu de l’ampleur de cette deuxième vague, MSF intervient en appui, en particulier en apportant des ressources humaines et du matériel médical supplémentaires, et en augmentant la capacité à fournir de l’oxygène aux patients les plus sévèrement atteints» !

Pendant la première vague épidémique qui a frappé le Mali de mars à août 2020, à Bamako, les interventions MSF en appui de ses partenaires ont touché 39 946 personnes au sein de la communauté. Les équipes MSF avaient distribué 68 486 masques faciaux et 26 862 savons en bloc, sensibilisé plus de 22 300 personnes aux gestes barrières, traité 418 malades, installé 85 kits dispositifs de lavage de mains et fourni 1 663 flacons de savons liquide.

A noter que le Mali a franchi la barre des 300 décès liés au Covid-19, avec un cumul de 303 morts recensés au 12 janvier, pour 7.687 malades et 5.354 guérisons.

Naby

Source : Le Matin

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