Faits divers : RAPIDES, ORGANISÉS ET SANS PITIÉ

Ainsi pourrait-on présenter les six malfrats auteurs d’un double braquage en moins d’une heure et en pleine nuit. Leur victime a mal estimé leur dangerosité

malfrat voleur moto bandit armee voyou arrete insecurite police gendarmerie nationaleComme nous l’avons fait remarquer à plusieurs reprises, la fréquence des agressions meurtrières est en train de monter régulièrement à Bamako. Et le nombre de bandits qui n’hésitent pas à faire usage de leurs armes semble en constante progression. Un exemple supplémentaire vient d’en être donné à Kalabancoura sud-extension où les bandits de grand chemin viennent de faire une nouvelle victime. Les événements se sont passés il y a juste 72 heures.

Les faits. La nuit du dimanche au lundi dernier restera certainement dans la mémoire des populations habitant un des secteurs proches de la route dite des « Trente mètres ». Beaucoup d’entre eux ont été tirés de leur sommeil par le bruit d’une traque et ont été trop choqués pour pouvoir se recoucher. Dans la journée du lundi, il n’était question dans la zone que de la brutale descente effectuée quelques heures plus tôt par une bande de braqueurs. D’après les recoupements faits, un groupe de jeunes bandits armés de fusils artisanaux a débarqué aux alentours de trois heures du matin chez un boutiquier du nom de H. Cissé. Le jeune homme, très connu dans le voisinage, a la réputation d’un commerçant dynamique qui a intelligemment multiplié ses activités. En plus des marchandises que l’on trouve généralement dans ce genre d’échoppes, Cissé propose également des cartes de recharge téléphoniques, des téléphones portables et des appareils électroniques. Il a aussi ajouté à son arc le commerce de céréales comme en témoignent les sacs entassés dans un coin de sa boutique.
Ce qu’on sait pour le moment des visiteurs indésirables qui lui ont fait passer un très mauvais moment, c’est que la manière dont ils ont procédé démontrait qu’ils avaient une assez bonne connaissance des lieux. Connaissances qu’ils auraient certainement rassemblées par un repérage soigneux des lieux. Les malfrats sont arrivés sur trois motos Djakarta. Ils ne se sont pas immédiatement attaqués à leur cible. Tout indique qu’ils se sont tout d’abord postés dans les recoins obscurs d’une rue adjacente pour observer pendant un certain temps la boutique. S’étant assuré que rien ne viendrait les déranger dans leurs opérations, ils ont laissé l’un d’entre eux se diriger seul vers la boutique.
Le malfrat ne s’est pas embarrassé de fioritures. Arrivé devant la porte de l’échoppe, il tambourina sur le battant métallique de celle-ci. Il tenait en main son pistolet artisanal avec le canon de celui-ci pointé de la porte. Cela pour dissuader celui qui ouvrirait d’opposer une quelconque résistance. Malgré les coups répétés du malfrat, personne ne donna signe de vie à l’intérieur de la boutique. Le malfrat, qui se trouvait devant la porte, finit par s’impatienter. Il précipita donc les choses. Il avait amené avec lui un sac contenant les outils qui lui permettaient de forcer la porte la plus récalcitrante. Sans s’inquiéter du bruit que cela ferait, le bandit essaya dans un premier temps de faire sauter la serrure. Comme celle-ci lui résistait, il se fit un passage en tordant le battant métallique.

PRÊTS À OUVRIR LE FEU. Une fois dans la place, le voleur se retrouva nez à nez avec Cissé. Avant même de prononcer le moindre mot, le boutiquier avait déjà le canon du pistolet appuyé sur son crâne. « Les mains en l’air, sinon je t’abats sur le champ», aurait brutalement enjoint l’agresseur. Mort de peur, le jeune boutiquier s’exécutera avec empressement. Entretemps, deux autres membres de la bande vinrent rejoindre le malfrat parti en précurseur. Les trois autres bandits étaient restés dehors pour assurer le guet dans la rue et neutraliser un éventuel intrus.
Les voleurs demandèrent à Cissé de leur indiquer où se trouvait la caisse où le commerçant avait l’habitude de garder ses recettes. Ce que fit le jeune homme qui se doutait bien que sa docilité était son unique assurance de s’en sortir sans dommages physiques. Il ouvrit donc la caisse et laissa, le désespoir au cœur, les bandits s’emparer de la recette de plusieurs jours qui s’y trouvait, soit 140.000 FCFA en billets. Avant de s’en aller, les malfrats jetèrent leur dévolu sur les cartes de recharge téléphonique entassées sur une étagère. Pour faire bonne mesure, les braqueurs vidèrent ensuite un tiroir rempli de pièces de monnaie. Ils avaient toutes les raisons de partir satisfaits. Le gain avait été intéressant pour une opération bouclée au pas de charge.
Mais contre toute attente, la bande ne prit pas le large. Elle avait visiblement un plan en deux volets et comme le premier s’était exécuté avec une facilité dérisoire, les braqueurs décidèrent d’enchaîner avec leur deuxième cible de la nuit. Celle-ci était une autre boutique située à un peu plus d’une centaine de mètres de celle de Cissé, et toujours dans la même rue. Les voleurs décidèrent de ne rien changer à une méthode qui avait si bien fonctionné dans le braquage de la première boutique. Cinq membres de la bande restèrent postés dans l’obscurité tandis que celui qui paraissait être le chef du gang partait seul vers la boutique de la deuxième victime. Celle-ci était un jeune homme dénommé A. Yattara. Ressortissant du Septentrion, celui-ci tenait son kiosque depuis quelques années. Tout comme Cissé, le commerçant vendait un peu de tout et ses affaires, selon les témoignages recueillis, marchaient plutôt bien.
Le chef de bande reconduisit exactement le même modus operandi précédemment employé. Il frappa à la porte et demanda au maître des lieux de lui ouvrir. Tout comme son collègue boutiquier, Yattara se garda bien d’obtempérer, sachant que quiconque l’interpellait à une heure aussi indue ne lui voulait aucun bien. Mais à la différence de Cissé, le jeune boutiquier n’avait pas évalué correctement la dangerosité de ses agresseurs. Il ne s’était pas rendu compte qu’il avait à faire à des hommes prêts à ouvrir le feu au premier signe de résistance. Sinon il ne se serait pas comporté comme il l’a certainement fait et il serait aujourd’hui vivant parmi les siens. Nous avons justement rencontré le frère de lait du malheureux au milieu de leur famille à Kalabancoura-sud extension. Inconsolable, l’homme était encore sous le choc de la disparition de son cadet. Abattu au-delà de ce qu’on peut imaginer, il a quand même surmonté sa douleur pour nous raconter ce qu’il sait de la fin tragique de son parent.
L’ARME APPUYÉE SUR SA TEMPE. D’après lui, les premières séquences du braquage de la seconde boutique étaient l’exacte réplique de l’attaque précédente. Devant le refus d’ouvrir du commerçant, le bandit, qui avait lancé l’ultimatum, avait forcé la porte et trouvé le malheureux propriétaire à l’intérieur du local. « Il passait ses nuits dans sa boutique, et cela depuis plusieurs années. De ses débuts à ce jour, il n’a jamais eu à faire avec des voleurs de cet acabit », a laconiquement expliqué notre interlocuteur, d’une voix cassée par l’émotion.
Tout comme avec Cissé, une fois que les bandits se soient retrouvés à trois à l’intérieur de la boutique, ils auraient enjoint à Yattara de leur indiquer où se trouvaient ses recettes. Mais à la différence de la précédente victime, le boutiquier aurait certainement refusé de s’exécuter. Les bandits auraient alors durci le ton et auraient menacé le jeune homme de lui mettre une balle dans la tête si il s’avisait de leur compliquer les choses. Mais le boutiquier aurait persisté dans son refus, malgré l’arme appuyée sur sa tempe.
Enervé par la résistance du boutiquier, mais se disant qu’un homme mort ne lui donnerait aucun renseignement, l’un des malfrats aurait décidé de mener ses propres recherches. Il se serait approché de ce qui ressemblait à la caisse contenant les recettes. Le commerçant aurait alors tenté de s’opposer par la force. C’était l’erreur à ne pas commettre. Sans la moindre hésitation, le malfrat, qui se serait rendu compte qu’il avait vu juste, aurait ouvert le feu à deux reprises sur le malheureux. Sans manifester la moindre émotion, les bandits auraient forcé la caisse. Ils y auraient trouvé plus de deux millions de francs CFA en espèces et une importante quantité de cartes téléphoniques. Ils se sont emparé du tout et y ajoutèrent les appareils téléphoniques qu’ils avaient pris sur la victime.
Les braqueurs ne se doutaient pas que leur expédition était en train de mal tourner. En effet, le gardien d’un immeuble voisin, qui avait suivi les événements, avait alerté les policiers du tout proche commissariat du 11ème Arrondissement. Ces derniers se sont présentés très vite sur les lieux. Les limiers lancèrent aussitôt la chasse aux malfrats et poursuivirent leur traque pendant le reste de la nuit. La réaction exceptionnellement rapide des policiers a payé avec l’arrestation de cinq bandits sur les six qui ont commis les deux vols successifs en moins d’une heure de temps. Le dernier membre du gang est activement recherché à travers le secteur où les faits se sont passés.
Le malheureux A. Yattara a succombé au bout de quelques heures suite à ses blessures. Au moment où nous quittons leur domicile, ses proches s’activaient pour organiser ses funérailles. Détail qui poigne le cœur : comme cela nous a été confirmé par son frère de lait, le défunt s’apprêtait à regagner dans son village natal hier mardi et se faisait une joie de revoir les siens.
MH.TRAORÉ

source : Essor

Suivez-nous sur Facebook sur