Gestion des eaux usées et des boues de vidanges : les explications de la DG de l’ANGESEM !

En marge de la 21èmeédition  de la quinzaine de l’environnement qui s’est tenue du 05 au 17 juin 2020 à Bamako, nous avons pu interroger Mme Touré Assia Sima, directrice générale de l’Agence Nationale de Gestion des Stations d’Epuration du Mali (ANGESEM) sur la gestion des eaux usées et des boues de vidanges. Dans ses réponses, elle demande aux autorités de doter son Agence de moyens nécessaires pour l’atteinte des objectifs qu’elle s’est fixés. Aussi, Mme Touré Assia Sima invite la population à plus de civisme. Lisez donc !

Ziré : Bonjour Madame. Présentez-vous à nos fidèles lectrices et lecteurs !

Mme Touré Assia Sima :Je m’appelle Mme Touré Assia Sima, directrice générale de l’Agence nationale de Gestion des stations d’épuration du Mali (ANGESEM).

Que peut-on retenir de  l’ANGESEM ? Autrement dit, quelles sont ses missions ?

L’ANGESEM est un établissement  public à caractère administratif doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Elle a été créée par l’ordonnance n°07- 015 du 28 mars 2007, ratifiée par la loi 07-042  du 28 juin 2007 et a pour mission principale d’assurer la gestion durable des stations dépuration des eaux usées et ouvrages annexes. A ce titre, elle est chargée de promouvoir et de veiller à la gestion des ouvrages d’assainissement suivant les normes établies en la matière ; d’identifier, d’organiser et de renforcer les capacités d’étude et de réalisation des infrastructures d’assainissement. Il s’agit également de concevoir, de coordonner, de suivre et de contrôler la réalisation, l’installation ou la réhabilitation des ouvrages et équipements. De même l’ANGESEM  contribue au transfert de la maîtrise d’ouvrage de l’Etat aux collectivités territoriales. Enfin, elle s’occupe spécifiquement de la gestion collective des eaux usées.

Qu’est-ce qu’une eau usée ?

Une eau usée, est une eau qui est déjà utilisée ou une eau qui contient une pollution. Donc, c’est une eau sale. Aussi, on entend par eaux usées, toutes les eaux souillées résultant des activités humaines. Toutefois selon l’article 3 du décret n° 01-395/P-RM du 06 septembre 2001 fixant les modalités de gestion des eaux usées et gadoues, on entend par eaux usées ou déchets liquides, toutes les eaux modifiées dans leur qualité par utilisation ménagère, commerciale, artisanale, agricole et industrielle. C’est pourquoi on parle des eaux usées domestiques, des eaux usées urbaines, des eaux usées industrielles, des eaux usées agricoles, ainsi que des eaux de pluie et de ruissellement.

Comment ces eaux sont-elles gérées ?

Nous sommes chargés de la gestion des eaux usées à travers les ouvrages collectifs, notamment les ouvrages d’épuration et de traitement de boues de vidanges. Donc à notre niveau, nous avons deux types de stations. Il s’agit des stations d’épuration et des stations de boues de vidanges. Les eaux sont acheminées au niveau de ces ouvrages à travers des tuyaux qu’on appelle réseau d’égout ou à travers des camions soupirosses qui sont chargés du transport de ces eaux des domiciles jusqu’au niveau des stations. Et à partir de ces stations, ces eaux sont traitées de sorte que la pollution puisse être arrêtée à ce niveau et que ça n’arrive pas au niveau des cours d’eau.

C’est quoi une station dépuration, quelle est son utilité dans le système d’assainissement d’une ville ?

Une station d’épuration comme son nom l’indique par principe, permet d’épurer les eaux usées. En terme simple ça permet d’assainir une eau déjà souillée. Ces stations jouent un rôle important dans le dispositif d’assainissement d’une ville. C’est un ouvrage où toutes les eaux usées sont acheminées à travers un réseau d’égouts pour les débarrasser des impuretés avant leur rejet dans la nature.

Avec l’augmentation galopante de la population dans les villes, l’assainissement individuel ne peut plus répondre et vous voyez l’eau des puits des quartiers anciens de Bamako comme Médine et Bagadadji qui ne mousse plus. Cela montre un degré important de contamination de l’eau de la nappe, car le sol est gorgé d’eau.

Le type d’assainissement est le collectif qui permet non seulement de protéger les ressources en eau, mais surtout d’améliorer le cadre de vie au niveau de la ville qui est une vitrine du pays. Son utilité n’est plus à démontrer. Les eaux usées, leur finalité, c’est dans les cours d’eaux. Elles sont généralement infiltrées dans le sol pour atteindre la nappe. Une fois épurées, ces eaux sont, soit rejetées dans la nature, soit utilisées pour l’arrosage des arbres ou d’autres plantes.

De sa création à nos jours, quelles sont les grandes actions réalisées par votre agence ?

 Plusieurs actions ont été menées de 2007 à nos jours, notamment la réalisation d’un certain nombre d’ouvrages parmi lesquels on peut citer entre et autres : la construction d’une station des eaux usées industrielles  et de teinturerie à Sotuba. Cette station a été conçue en collaboration avec le Royaume des Pays-Bas qui a aidé l’État malien dans le financement. Aujourd’hui, la station traite  toutes les eaux usées issues des unités industrielles de la zone de Sotuba.

Il faut aussi noter la construction de stations dépuration dans quatre hôpitaux du Mali, à savoir : l’hôpital du Point G ; celui de Sikasso,  le CNAM  et l’hôpital du Mali à Bamako. Comme vous le savez, les hôpitaux sont des espaces de santé, mais si l’on n’y prend garde, ces espaces peuvent être aussi des endroits très dangereux en terme de contamination. Donc, nous,  nous avons décidé de réaliser des ouvrages à ces niveaux pour retenir tout risque de contamination de ces eaux. Ainsi, la pollution est arrêtée au niveau des stations réalisées.

La station de teinturerie à Sotuba permet de recevoir les eaux usées de teinturerie et de les traiter avant leur rejet dans le fleuve. Il y a aussi deux stations qui traitent les eaux domestiques au niveau de la ville de Mopti. Il y a aussi la signature de conventions de gestion avec les collectivités territoriales de Mopti et de Tombouctou pour la gestion de leurs stations d’épuration. Pour cela, l’ANGESEM a réhabilité la station d’épuration de la ville de  Mopti qui était à l’arrêt. Aujourd’hui, elle est fonctionnelle. L’ANGESEM a aussi effectué  les travaux de réhabilitation de la station d’épuration de la ville de Tombouctou. Actuellement, nous sommes en train de faire l’extension du réseau sur le versant Est de la ville. Il faut aussi signaler l’ouverture de trois antennes régionales : Bamako, Mopti et Tombouctou. Chacune de ces stations traitent à peu près 300 m3 d’eaux usées par jour.  Voilà les quelques réalisations de l’agence de sa création à nos jours, essentiellement sur le budget d’État et avec l’aide de quelques partenaires.

Combien de stations l’ANGESEM gère-t-elle dans le pays ?

L’ANGESEM  gère neuf stations d’épuration. Il s’agit de la station des eaux usées industrielles de Sotuba et des eaux usées de teinturerie ; les stations d’épuration des villes de Mopti et de Tombouctou ; les stations d’épuration des eaux usées des hôpitaux du Point G, de Sikasso, du CNAM  et de l’hôpital du Mali à Bamako ; enfin de la station d’épuration des eaux usées de la cité administrative. D’autres stations sont en construction.

Pour une jeune structure, le bilan est élogieux. Mais, de quels moyens disposez-vous pour  ces différentes réalisations ?

Jusque-là, notre seule et principale  source de financement reste le budget que l’Etat nous alloue par an.  Bien évidemment, nous avons quelques partenaires, notamment le royaume des Pays-Bas, la Banque mondiale et la Banque africaine de Développement.

Il est évident que tout n’est pas parfait dans votre domaine d’activité ; quelles sont les difficultés auxquelles l’agence fait face ?

La principale difficulté rencontrée est l’insuffisance de crédit alloué à l’Agence. Parce que notre ambition est de réaliser au moins une station d’épuration dans chaque capitale régionale du Mali. Pour qui connaît l’importance d’une station, il est quand même nécessaire de réaliser des stations un peu partout. Mais, notre objectif à court terme est de réaliser au moins une station dans chaque capitale régionale du Mali. Aussi, si nous pouvions avoir les moyens qu’il faut, nous pensons que le fleuve Niger allait être sauvé de beaucoup de pollution. L’autre difficulté, c’est aussi le problème foncier, ainsi que l’insuffisance du personnel qualifié qui entravent nos activités.

Si les eaux ne sont pas traitées, quelles conséquences cela peut-il avoir sur la santé  humaine ?

Comme vous le savez, une eau qui n’est pas traitée peut engendrer beaucoup de choses.  La principale conséquence est la pollution de nos ressources en eau et la dégradation de notre cadre de vie par divers polluants que sont les métaux lourds, les produits chimiques, etc.

Avec ces pollutions, les risques de maladies liées à l’eau sont fréquents. Il s’agit principalement de la diarrhée.

Prenons le cas du fleuve Niger qui passe pratiquement par toutes les capitales régionales du Mali. Cela veut dire qu’une pollution de Bamako peut arriver jusqu’à Gao, Mopti, Tombouctou, etc. Parce qu’aujourd’hui la source principale d’approvisionnement en eau est le fleuve.

A quoi peut bien servir une eau issue d’une station d’épuration ? 

Les eaux issues des stations d’épuration peuvent servir beaucoup de choses comme à arroser les arbres et les fleurs. On peut aussi aller au delà, si on arrive jusqu’à un traitement tertiaire. Je pense qu’avec un peu d’ajout de certains produits, l’eau peut même devenir encore potable. Aujourd’hui, nous sommes à un niveau de traitement où on ne peut qu’arroser les arbres et des fleurs, mais pas pour boire.

Quels sont les projets à court terme que l’agence s’apprête à mettre en œuvre, au-delà des ambitions que vous avez précédemment citées ?

Nous avons quelques projets. Il y a surtout le projet de construction de deux  stations de traitement de boues de vidange à Bamako où nous sommes en négociation très avancée avec la Banque mondiale. Une station sur chaque rive du fleuve Niger. Vous avez dû remarquer quand j’ai parlé de stations sans faire cas de celles qui traitent les eaux usées de la ville de Bamako. Aujourd’hui, la ville n’en dispose pas encore et le besoin est là. Voilà pourquoi la Banque mondiale est en train de réfléchir sur la question et nous espérons vraiment une suite favorable.

Nous sommes actuellement confrontés à une pandémie sans précédent de la Covid 19. Y a-t-il un risque de contamination avec les eaux usées ?

Le coronavirus est présent dans les eaux usées. Toutefois, on estime que le risque de contracter la COVID-19 est faible, en raison de l’environnement qui n’est pas favorable à leur survie. Ceux-ci s’ajoutent aux autres germes pathogènes qui sont véhiculés dans les égouts, à travers les stations de pompage, celles de traitement des eaux usées et les camions de pompage à vide. Ces milieux de travail contaminés justifient déjà des mesures d’hygiène accrues ainsi que le port d’équipements de protection individuels (EPI) appropriés en fonction de l’évaluation des risques liés aux tâches à effectuer, aussi bien que l’environnement de travail.

Pour l’atteinte de l’ensemble de vos objectifs, quel appel avez-vous à l’endroit des décideurs ?

Nous pensons que les autorités doivent nous accompagner davantage parce que l’assainissement joue une part importante dans la santé humaine. Et avec les quelques stations déjà réalisées, nous voyons vraiment des résultats. Si la pollution n’était pas retenue, le fleuve Niger allait souffrir davantage. Il faut que les autorités mettent à notre disposition les moyens de nos ambitions.

Nous sollicitons aussi la collaboration de la population en leur demandant d’éviter de jeter dans les toilettes les objets indésirables, plus particulièrement les lingettes désinfectantes.

Interview réalisé par Amadou Basso 

Source : Ziré

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