Diéma : Les hautes cultures envahissent maisons et rues

Diéma, 19 août (AMAP) Partout dans le Cercle de  Diéma, en cette période d’hivernage, les maisons, les parcelles de terrain non construites et même certains endroits des rues, aucun espace vide, si minime soit-il, n’est épargné par les hautes cultures, notamment le maïs et le mil. Il est difficile, aujourd’hui, de circuler librement sur un engin dans la ville de Diéma, sans se retrouver nez à nez avec une clôture faite de branchages d’épineux.

Le problème des cultures dans les maisons est devenu un véritable casse-tête à Diéma. Tout le monde en est conscient, mais  personne ne réagit. Aucune disposition légale n’est prise, pour le moment, par les autorités pour mettre fin à cette pratique vieille de plusieurs décennies, qui nuit dangereusement à la santé des populations, car occasionnant l’insalubrité propice à la prolifération des moustiques et autres insectes nuisibles.

Chaque année, le phénomène prend des proportions inquiétantes dans le Cercle de Diéma. Dans ce milieu peuplé majoritairement de Soninkés, il est ancré dans les têtes, qu’une fois que les pluies commencent à tomber, toutes les parcelles vides doivent être cultivées, mises en valeur. Comme disent certains, l’immense brousse semble ne plus suffire à ces braves producteurs. Ces petites superficies emblavées appartiennent généralement aux femmes qui les exploitent à leur guise, pour subvenir à leurs petits besoins et contribuer à l’économie de leur famille.

Interrogé sur le sujet, le maire de la Commune rurale de Diéoura, Bakou Keita, mesure la gravité de la situation. L’édile avoue qu’il ignorait la présence de textes ou de lois interdisant la pratique de la culture dans les maisons. « Pour le moment, poursuit-il, le Conseil communal de Diéoura, n’a rien entrepris pour empêcher la pratique ».

Un homme exprime son désarroi devant la présence des cultures dans les maisons qu’il qualifie « d’incivisme caractérisé ». « Mais je ne suis pas propriétaire de maison, dit-il, en tirant sur son mégot, je ne peux rien décider ». S’il s’agit d’autres spéculations, comme le mil, le gombo, le niébé, Haoussa n’y voit pas d’inconvénient. Mais, il déteste la présence du maïs dans la maison, car selon lui, « cette culture attire les moustiques qui transmettent le paludisme ». « Non ! », rétorque Karamoko  qui soutient que ce sont les immondices, les eaux souillées et autres détritus qui servent de gîtes aux moustiques. « Si le champ de maïs est propre, bien nettoyé, vous ne verrez aucune moustique survoler’, soutient-il.

Pour le cas du maïs, argumente Baba, ce n’est pas par plaisir que les femmes le cultivent dans leurs maisons et aux alentours, c’est pour éviter que les voleurs ne puissent les dérober.  A propos, Salimou est intransigeant. Cette année, il a interdit de cultiver dans la cour de sa maison, et même dans son jardin situé à proximité. L’émission diffusée à la Radio Jamana sur les conséquences liées aux cultures intra domiciliaires, lui, Salimou, l’a bien comprise.

Une femme s’insurge : « Nous les femmes, nous sommes obligées, souvent, de transformer la cour de nos maisons en champs, puisque les hommes n’acceptent pas de céder une seule portion de leurs terres ». A son tour, Makan explique que lorsqu’on dispose d’un champ de maïs ou d’arachide, si la récolte arrive à maturation, on ne peut plus dormir la nuit, on se met à l’affut pour traquer les maraudeurs.

Sounkalo de Dianguirdé, déclare que la pratique est rare dans son village. Selon lui, le problème n’est pas seulement les moustiques, mais les reptiles venimeux comme le serpent, le scorpion, etc. qui peuvent apparaître à tout moment, à cause de l’humidité conservée sous les plantes. Pendant l’hivernage, il allume du feu de bois dans sa maison, toutes les nuits, pour chasser l’obscurité, pour des raisons qu’il n’a pas voulu évoquer. Ce producteur agricole de Béma, évoque deux raisons fondamentales. Si on cultive le maïs dans la brousse, c’est pour le livrer aux voleurs, car le champ ne sera pas surveillé. Or, avec le champ de maïs à proximité, les enfants pourront vite le cueillir et le griller, chaque fois qu’ils ont faim. Après la récolte, l’homme prend soin de nettoyer proprement son champ.

De l’avis de Malick, certains utilisent la cour de leur maison tout simplement par manque d’espaces.  Chaque fois que Kassim voit quelqu’un cultiver dans la cour de sa maison, il essaie de l’en dissuader.  Tiétiné apporte son témoignage : dans son village de Débo Massassi, les populations ont abandonné, depuis longtemps, la pratique à cause des moustiques. Il explique qu’à l’époque, quand le crépuscule tombait, on n’entendait que le vrombissement des moustiques. Lui-même, son champ de maïs est situé loin, à 5km du village. Les enfants parcourent quotidiennement le trajet pour lui apporter de la nourriture.

Le Directeur technique du Centre de santé communautaire (CSCOM) de Fassoudébé, Oumarou Sogodogo, affirme qu’aucune maison de Fassoudébé n’abrite de cultures, « puisque, ajoute l’agent de santé, les populations ont été suffisamment sensibilisées dans ce sens ».  Daouda, résident de Farabougou, pense que les anciennes habitations sont devenues trop petites pour contenir tous les membres d’une même famille. Certains sont obligés d’aller construire ailleurs pour décongestionner les lieux. Ce sont les propriétaires des nouvelles maisons qui disposent de parcelles nécessaires pour faire des champs dans leur habitation.

Par contre, Hamodi soutient que la cultiver dans la maison a un certain avantage, celui de protéger de la pluie et ainsi de l’humidité les murs en banco qui sont protégés par la hauteur des pieds de mil ou du maïs.

L’abandon définitif des cultures intra domiciliaires dans le Cercle de Diéma ? Pour y parvenir, les mesures de sensibilisation doivent être renforcées à tous les niveaux. Il faut expliquer aux populations toutes les conséquences de la pratique. Il est impératif de mettre à contribution les radios de proximité et autres canaux de communication pour mieux véhiculer les messages de sensibilisation au sein des communautés et les amener à un changement de comportements. Mais avant de trouver des solutions à cette pratique, les moustiques continueront de dicter leurs lois dans le Cercle de Diéma.

OB/MD (AMAP)

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