Traite des migrants africains en Libye: au-delà de l’indignation

« Scandaleux » ; « Odieux », « ignominieux », « révoltant  ». Les qualificatifs, çà et là, prononcés dans de nombreux pays du continent, sont à la dimension de l’horreur vécu par les migrants africains en Libye. Tout est parti de la publication de la vidéo sur la vente aux enchères publiques de migrants africains dans la capitale libyenne. Cet « outrage à la conscience de l’humanité », comme le qualifie le Haut commissaire des Nations Unies aux droits humains, Zeid Ra’ad Al-Hussein, met en lumière la détresse des jeunes africains, entassés dans des endroits de fortune, et destinés à la vente aux plus offrants, comme exactement c’était le cas à l’époque de la traite négrière.

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Les images de ce commerce honteux sont évidemment choquantes à plus d’un titre, mais derrière le choc, se cachent des réseaux internationaux actifs dans le trafic d’êtres humains dans les pays d’origine des migrants, le tout sur fond de préjugés racistes et xénophobes, exacerbés, on le sait, par la fuite de responsabilité des dirigeants du monde. Car, n’oublions pas que tous ceux qui ont été vendus, à la criée, devant la caméra cachée de la télévision américaine CNN, sont de race noire et originaires de l’Afrique au sud du Sahara.
Cette situation, pour le moins dramatique, qui sonne l’émoi et les condamnations unanimes, à travers la planète, dénote de l’incapacité des dirigeants ; aussi européens et africains, à apporter des solutions pertinentes au problème de la jeunesse africaine, réduite, dans ce cas, à prendre le chemin de l’exil au risque de leur vie.
Quoi qu’on dise ou quoi qu’on fasse, ce n’est pas du jour au lendemain, et à coup de déclarations indignées, ou de condamnations tous azimuts, même émanant de chefs d’État, qu’on viendra à bout de cette hydre esclavagiste, mais plutôt en s’attaquant courageusement et franchement aux causes qui ont conduit ces milliers de jeunes africains, pleins d’ambitions, entre les mains monstrueuses de passeurs et trafiquants d’êtres humains, comme ceux récemment découverts en Libye.
Il ne s’agit pas de pleurer sur notre sort, ni de tomber dans un exercice de sanglot collectif, ou encore de nous lancer, à qui mieux mieux, dans un concert d’indignations, souvent tardif et superficiel, à grand renfort de communiqués officiels ou de tweets et messages présidentiels, pour refuser de voir que ce qui arrive n’est que le résultat d’une fuite en avant. Ce, d’autant plus que des organisations de défense, depuis belle lurette, n’ont de cesse dénoncer ces pratiques d’un autre âge dans ce pays, transformé en bourreau de migrants africains.
Il a donc fallu que CNN, la chaîne américaine, en fasse ses choux gras pour que tous sortent enfin de leur torpeur, prêts à couler des larmes de crocodile.
Les dirigeants africains, autant qu’ils sont tous, doivent assumer, devant l’histoire, leur part de responsabilité. En regardant droit, ces migrants-esclaves, dans les yeux, la détresse de ces derniers, leur feront certainement voir l’étendue de leur échec à garantir à la jeunesse africaine le minimum de dignité dont elle est en droit d’attendre des politiques publiques. De la même manière, l’horreur de la Libye nous fait également sentir la grande responsabilité de l’Europe dont les dirigeants ont érigé, à coups de conventions financières mirobolantes, ont transformé la Libye en un pays mouroir de la jeunesse africaine.
Aujourd’hui, il y a, en Libye, de jeunes africains (y compris des Maliens), qui appellent au secours. Quoiqu’ils aient fait, et peu importe les raisons pour lesquelles ils ont choisi de prendre ce chemin hasardeux qui leur valent de subir les pires formes de violences, le devoir et l’éthique de la responsabilité commune commandent à nos dirigeants d’aller les chercher dans ce pays mouroir.
De ce fait, l’une des premières actions à envisager, pour sauver le reste des africains, pris au piège de la traite esclavagiste en Libye, serait de convoquer, le plus tôt possible, une conférence de l’UA sur les migrants en Libye pour, d’une part, créer une Task Force, composée de certains chefs d’État, comme ceux du Sénégal, du Niger, du Mali, et d’autre part, adopter une résolution ferme exhortant la Libye à donner, sans délai, une feuille de route et un plan d’actions pour rechercher, partout sur son territoire, les migrants retenus, comme esclaves et les regrouper dans des lieux sûrs et dans de bonnes conditions, tout en cherchant également les responsables de ce trafic d’un autre âge pour les traduire devant la justice.
Autres actions d’urgence : la création un fonds africain d’urgence pour le rapatriement des migrants en Libye et la mise en place d’un pont aérien pour rapatrier tous les migrants dans leurs pays respectifs.
Face à leurs responsabilités, les dirigeants africains se doivent également d’ouvrir, sans délai, des discussions avec l’Union européenne, au niveau le plus élevé, sur les questions migratoires, en commençant celles-ci dès le prochain sommet Europe-Afrique, prévu du 29 eu 30 novembre à Abidjan, en Côte d’Ivoire.
En tout cas, comme le dit cet intellectuel sénégalais : « Nous ne valons dans le monde que la valeur que nous nous donnons. Nous ne sommes vus par les autres que comme nous nous laissons voir ». Si des peuples ont aussi vécu des humiliations, dans le passé, il est évident que les plus sérieux d’entre eux se sont donné les moyens politiques, économiques et culturels de se faire respecter pour ne plus subir l’inacceptable.
Voilà pourquoi, au-delà de l’indignation, il faut agir et au plus vite…

Par Mohamed D. DIAWARA

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