Nahawa Doumbia met ses convictions en musique

Reconnue de longue date sur la scène internationale et toujours très populaire auprès de ses compatriotes, la chanteuse malienne Nahawa Doumbia défend une conception très sociétale de sa fonction. Kanawa, son nouvel album, reflète cette démarche artistique où le fond importe autant que la forme.

 

“Je ne veux ni faire rire, ni faire danser, mais éduquer à travers mes chansons”, pouvait-on lire au verso du premier 33 tours de Nahawa Doumbia intitulé La Grande cantatrice malienne, paru en 1982 au lendemain de son prix remporté lors de l’édition inaugurale du concours Prix Découvertes RFI.

Quatre décennies plus tard, la chanteuse n’a pas dévié de ses intentions premières, comme l’indique le titre de son nouvel album Kanawa, qui signifie “ne pars pas”. Le message s’adresse aux candidats à l’émigration clandestine, prêts à traverser désert et mer au péril de leur vie pour rejoindre l’Europe, puisqu’ils n’entrevoient pas d’avenir sur place.

“Partir n’est pas la seule solution”, estime l’artiste sexagénaire, dont l’engagement dans ce domaine est ancien : en 2009, elle avait déjà cherché à sensibiliser les pouvoirs publics occidentaux aux côtés d’Aminata Dramane Traoré, emblématique femme politique malienne, en prenant part à la Caravane de la dignité contre les barbelés de l’injustice et de l’indifférence.

Le discours que tient la Reine du Didadi, titre qui fait référence au style musical de sa région, est tout aussi clair à l’égard de ceux qui ont fait le choix de rester sur place, qu’elle exhorte à ne pas se laisser tenter par l’oisiveté. Comme sa cadette Oumou Sangaré, avec laquelle elle partage le fait d’être originaire du Wassoulou (partie sud du Mali) et de s’être imposée dans la musique sans appartenir à une famille de griots, Nahawa Doumbia doit sa réussite non seulement à son talent mais aussi à son tempérament, sa persévérance, son dynamisme. Rien d’étonnant, dès lors, qu’elle mettre en garde “ceux qui n’aiment pas travailler, qui sont paresseux” à travers la chanson Djougoh en leur signifiant que “personne ne [leur] fera confiance”.

Mais derrière cette position aux accents moralisateur, il y a aussi à destination des jeunes un appel – comme chez Oumou, à nouveau – à savoir défendre sa liberté d’agir sans céder à une forme de pression sociale, et que l’on devine relever du vécu personnel de la chanteuse. C’est le sens de Ndiagneko“Tu ne dois pas arrêter de faire ce qui te plait à cause des critiques des autres”, écrit dans le livret de l’album celle qui, au cours de sa carrière, n’a pas hésité par moment à donner une autre couleur à la musique d’inspiration traditionnelle, travaillant notamment avec le guitariste jazz français Claude Barthelemy.

Enregistrées à Bamako, la capitale malienne, au studio Moffou de Salif Keita entre 2018 et 2020, les huit chansons réunies au sein de Kanawa ont cette saveur reconnaissable que lui donnent les instruments traditionnels comme le ngoni, sans pour autant que soit écartée la modernité technologique présente ici avec les programmations de batterie.

Dans cette entreprise, le rôle de l’arrangeur est revenu au guitariste N’gou Bagayoko, fidèle de la première heure et à qui Nahawa doit une partie de son identité artistique. L’album, d’ailleurs, prend une dimension familiale puisque leur enfant Doussou Bagayoko, dont les chansons sous son nom dépassent le million de vues sur les réseaux sociaux, fait entendre sa voix sur Adjorobena.

En 2002, dans le cadre du projet afro-électro African Divas, le DJ français Frédéric Galliano avaient déjà réuni mère et fille sur Konkou Lé. Cette fois, Nahawa a invité sa progéniture pour chanter ensemble les vertus de la patience. La sagesse maternelle est un bien inépuisable.

Nahawa Doumbia Kanawa (Awesome Tapes From Africa) 2021

Source : RFI

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