Amadou Sanogo, peintre: Ses tableaux expriment des paraboles

Amadou Sanogo fait partie des artistes plasticiens maliens les plus sollicités à travers le monde. Il figure au nombre des quatre artistes de « Bamako art galerie » dans le cadre de Ségou’Art. Il compte aussi parmi les 17 artistes africains dont les œuvres sont exposées depuis le 31 janvier au musée Astrup Fearnley d’Oslo en Norvège. « La Criée : centre d’art contemporain de Rennes, en France lui consacre une exposition à partir du 28 février prochain. Et en mars, ses œuvres seront dans la collection retenue une Foire d’art contemporain d’Afrique dénommée « 1.54 » appelé : un continent et cinquante quatre états, qui est exposée chaque année à Marrakech, Londres et à New York.

Qu’est-ce qui attire dans l’œuvre de Amadou Sanogo au point d’intéresser autant les musées, les galeries, les foires et autres festivals d’art ? Qu’est-ce que sa peinture a de particulier ? Son œuvre a-t-elle une valeur particulière ?
Ses tableaux, de l’acrylique sur tissu sont mi-figuratifs, mi-abstraits. Quand il n’utilise pas de pinceaux, il y dépose de grands aplats de couleurs et des formes figuratives simples et naïves, directement avec ses doigts ou les tubes d’acrylique. Son professeur de peinture, à l’INA Modibo Diallo dit Franky lui a, dit-il, appris à se débrouiller avec les moyens du bord. « Il faut toujours avoir un plan B », conseillait le formateur. Beaucoup de symboles se cachent derrière cette apparente simplicité des gestes ou des objets. Par exemple, « la douche fait allusion à la corruption qui inonde la société malienne », explique-t-il. « Les figures, parfois privées de têtes, semblables à des pantins, sans esprit, ni réflexion évoquent le marasme politique du continent ».
Sanogo porte un regard critique plein d’ironie sur une société partagée entre valeurs traditionnelles et aspiration à la modernité. « Le présent est au cœur du questionnement incessant de l’artiste. Il interroge l’histoire de son pays et ses traditions devenues carcans. Selon lui, l’importance donnée au passé et au futur dans la société malienne occulte celle, primordiale, du présent ».
Ses toiles en disent long sur les joies et affres vécues par la société malienne contemporaine. Ses derniers travaux expriment la quête de l’identité de l’individu au sein de la société africaine », ajoute la galerie.

« Je me pose beaucoup de questions sur les paroles bambara, le système de fermeture social malien et même international qui sont des handicaps pour notre développement. Je me demande comment faire pour arrêter cette fermeture. »
Nourri à l’art moderne et abstrait, Amadou Sanogo s’en inspire fortement, tout en traçant son sillon propre. Il est friand de formes nouvelles, commençant ainsi à travailler sur des draps et toiles qu’il trouve au marché aux tissus. Ses différents travaux interrogent non sans humour le lien entre tradition et modernité, ainsi que la quête de l’individu au sein de la société malienne, sur laquelle il réfléchit intensément et aux problèmes de laquelle il se montre très sensible.
Agé de 43 ans, bien imbibé de la culture bambara, Amadou Sanogo est né et grandi à Ségou. Il se résume lui-même : « Je suis senoufo, ma mère est bambara, je suis né et grandi en milieu bambara, donc tous mes rêves sont bambara ». Destiné à une carrière d’ingénieur, il préfère étudier la peinture à l’Institut national des arts de Bamako, « où il se formera à la technique du Bogolan, un tissu emblématique de la culture malienne ».
Après ses études à l’Institut national des arts (INA) en 2003, Amadou Sanogo participe à de nombreux stages, ateliers et résidences de création de perfectionnement aussi bien à Bamako, Ségou, Dakar (Sénégal), Paris et Bordeaux (France).
L’artiste a créé en 2014 l’atelier Badialan, un lieu de création et de projets collectifs pour les jeunes artistes plasticiens maliens. Avec son galeriste français, ses œuvres atteignent la bagatelle de 22.000 euro (environ 15 millions de francs CFA). Pourtant, il y a seulement une dizaine d’années, ses ventes ont démarré à 400 euro, environ 26.000 francs CFA. Il est donc l’un des jeunes artistes africains dont la côte monte en flèche sur le marché international de l’art.
à l’exposition dénommée Alpha Crucis du musée Astrup Fearnley d’Oslo en Norvège, Amadou présente six œuvres dont une seule est à vendre. Tous les cinq autres proviennent de collections privées. En effet, Alpha Crucis est le nom de l’étoile la plus brillante de la constellation de la Croix du sud, située dans la voie lactée. Cette exposition regroupe dix-sept artistes originaires de différents pays, appartenant à différentes générations et aux pratiques artistiques multiples.
Quant à celle de Rennes, il s’agit d’une exposition individuelle intitulée : « Les paroles en paraboles : je me sert ». Amadou Sanogo y présentera environ quinzaine de tableaux, tous inspirés des proverbes bambara. L’idée d’exposer uniquement des tableaux inspirés des proverbes bambara part de son Mémoire de fin de cycle à l’INA. Il avait travaillé sur le thème « Ségou, Saman », c’est dire les proverbes du village Saman situé sur la rive gauche du fleuve Niger en face de la ville de Ségou. Son enfance avait été bercée par les illustrations, proverbes et autres dictons de cette localité qu’il fréquentait. Très jeune, il a ainsi été marqué par la façon de parler de ces derniers.
à Rennes, il y travaillera, dans le cadre d’un workshop avec les enfants de certaines écoles de la localité pour les aider à exprimer une pensée, une philosophie à travers un dessin.

 

Centre d’art Macoro : L’AMBITIEUX PROJET D’AMADOU SANOGO

C’est un projet pour le moins ambitieux que la création d’un centre d’art que Amadou Sanogo est en train de mettre en place. à l’image de la Cité internationale des arts de Paris, le Centre d’art qui sera dénommé « Macoro » accueillera en résidence des artistes du monde entier. C’est un lieu de vie ouvert au dialogue entre les cultures, où les artistes rencontrent leurs publics et des professionnels, indique-t-il.
Macoro, qui possède deux significations à savoir « la sagesse d’une vieille personne » ou « un lieu à côté de soi » sera composé d’une salle d’exposition ou galerie, des ateliers de création pour tout artiste, des résidences de création, des chambres d’hôte, un restaurant, un studio de répétition et une scène d’animation ou de prestation.
Il sera situé dans le quartier populaire de Koulouba, dit-il en face de la colline du pouvoir. Il aura une vue imprenable sur la ville de Bamako à travers le quartier de N’tomikorobougou. L’artiste a déjà acquis le terrain d’une superficie totale de 800 mètres carré presque entièrement sur fonds propres. Une partie a été apportée par Total Mali. Le bâtiment sera construit en deux niveaux.
Après évaluation par un cabinet français, le coût prévisionnel a été estimé à environ 250 millions de Fcfa. Le bâtiment sera entièrement financé par des partenaires comme la Fondation Total-Mali qui a déjà annoncé une participation de 240.000 euro. Des entreprises comme Diago, Satom, Bramali, Bicim ont donné leur engagement ferme pour aider à mener à son terme ce projet.
Le centre devra accueillir aussi bien des artistes du Mali, d’Afrique, et d’ailleurs. Pour Amadou Sanogo, nous devons prouver que l’artiste peut contribuer au développement de son pays en entraînant des investisseurs sur de grands projets structurant.
Y. D.

Source: Essor

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