Crime de guerre commis par Ahmad Al Faqi Al Mahdi contre les biens culturels à Tombouctou en 2012 Les victimes indemnisées à hauteur de 1 775 000 000 Fcfa

Les victimes de crimes commis contre les biens culturels à Tombouctou seront bientôt indemnisées à hauteur de 1 775 000 000 Fcfa. En effet, la cérémonie de remise de l’euro symbolique au Mali et à la Communauté internationale organisée par le Fonds au profit des victimes de la Cour pénale internationale a eu lieu le mardi 30 mars 2021 au Cicb sous la présidence de Bah Daw (président de la Transition) qui avait à ses côtés le Premier ministre Moctar Ouane, Kadiatou Konaré (ministre de la Culture, de l’Artisanat et du Tourisme), Fatou Bensouda (la Procureure sortante de la Cour pénale internationale), Mme Doumbia Mama Koïta (présidente du Conseil de direction du Fonds au profit des victimes de la Cour pénale) et Xing Qu (directeur général adjoint de l’Unesco).

La cérémonie de remise de l’euro symbolique au Mali était organisée par le Fonds au profit des victimes et le gouvernement du Mali, en collaboration avec la Cour pénale internationale et l’Unesco. Le fonds de 1 775 000 000 Fcfa (2,7millions d’euros) est octroyé en guise de réparation du préjudice subi par les victimes du crime de guerre commis par Ahmad Al Faqi Al Mahdi à Tombouctou en 2021.

En effet, en 2012 durant l’occupation de Tombouctou (la Cité des 333 saints en hommage aux saints soufis enterrés dans les mausolées sacrés), 14 mausolées (des bâtiments d’une valeur culturelle et spirituelle inestimable inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco) ont été attaqués et détruits par les groupes djihadistes.

Et parmi ces djihadistes, Ahmad Al Faqi Al Mahdi (natif de Tombouctou et chef de la Hesbah, la Police des mœurs) a été arrêté, jugé et condamné le 17 août 2017 par la Cour pénale internationale (CPI) à 9 ans de prison pour avoir détruit, partiellement ou intégralement les trésors architecturaux inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, compte de leur “valeur universelle exceptionnelle”.

A la suite de cette condamnation d’Ahmad Al Faqi Al Mahdi, les juges de la CPI ont rendu une ordonnance de réparation qui a chargé le Fonds au profit des victimes (en sa qualité d’organisme de la Cour chargé de la mise en œuvre des réparations et de la levée des fonds nécessaires) de proposer un plan de mise en œuvre et d’exécution des réparations. Ainsi, les juges ont considéré que le crime de guerre commis par Al Faqi avait causé des torts et souffrances à 3 groupes de personnes, entre autres, les descendants des Saints enterrés dans les mausolées, ainsi que les maçons et les gardiens ; la communauté de Tombouctou dans son ensemble (tous les habitants de Tombouctou) et les personnes déplacées) ; la communauté malienne et la communauté internationale dans leur ensemble).

C’est ainsi que les réparations individuelles (compensation financière symbolique) sont mises en œuvre par le Fonds lui-même tandis que les réparations collectives (activités génératrices de revenus, dialogue communautaire, soutien psychologique et amélioration des aspects architecturaux autour des mausolées) sont mises en œuvre avec les partenaires, notamment l’Unesco. C’est ainsi qu’entre 2014 et 2016, grâce notamment au soutien de l’Unesco, tous les bâtiments protégés ont été reconstruits. Le 4 février 2016 a eu lieu à Tombouctou la cérémonie de la sacralisation des mausolées. Et ce mardi 30 mars 2021, il y a eu la cérémonie de remise de l’euro symbolique des fonds.

Après avoir reçu l’euro symbolique des mains de la présidente du Fonds, Bah Daw, le président de Transition, a déclaré que la cérémonie est pleine de significations et témoigne de l’engagement au soutien à la justice internationale et contre l’impunité des atrocités et crimes en droit international. “Nous acceptons avec honneur l’euro symbolique en réparation des préjudices matériels et moraux subis par le peuple malien. Cette remise symbolique n’est que le couronnement d’une décision de justice qui sanctionne la destruction des biens culturels comme crime de guerre”, a-t-il dit. Il a félicité et salué le courage, la patience et la résilience des communautés durant ces crises qui ont ensanglanté le Mali et exposé les communautés aux frustrations et autres sévices. Il a prié Dieu pour que la crise du Mali soit jugulée à la satisfaction de tous les Maliens pour que les différentes communautés du Nord, du Centre, puissent vivre ensemble.

Fatou Bensouda : “Le patrimoine culturel est le miroir de l’humanité”

Mais auparavant, Fatou Bensouda (Procureur sortant de la CPI) s’était réjouie de se retrouver au Mali qui, à ses dires, est un beau pays, une terre de diversité culturelle et des dimensions intellectuelles et linguistiques avec des patrimoines culturels historiques et riches que le Mali partage avec la Communauté internationale comme identité commune. “C’est cette identité commune qui a été violement attaquée à Tombouctou avec la destruction de beaucoup de bâtiments et de monuments historiques. Les auteurs de ces barbaries ont commis des crimes atroces qui ne peuvent rester impunis. C’est le sens que je donne à cette importante cérémonie qui est pour moi une autre occasion décisive pour réaffirmer notre mobilisation et notre engagement à continuer à défendre ce qui est notre humanité commune. En tant que Procureur de la Cour pénale internationale, je voudrais exprimer ma gratitude aux autorités maliennes, aux responsables de l’Unesco et du Fonds au profit des victimes”, a-t-elle dit.

Pour elle, la cérémonie de remise de l’euro symbolique est symbolique et historique car elle atteste de l’importance sociale de la réparation au profit des victimes dans le processus judiciaire devant la Cour pénale internationale. “Cette cérémonie illustre aussi fondamentalement l’importance de la réparation dans la reconstruction sociale dans les sociétés violentées par ces crimes atroces. La cérémonie est un témoignage de notre contribution commune aux legs de générations futures”, a-t-elle affirmé.

D’après elle, les générations doivent être conscientes que tous les peuples sont unis par des liens étroits et que leur culture forme un patrimoine commun. “La nouvelle génération doit être soucieuse du fait que ces patrimoines puissent être brisés à tout moment par des crimes atroces qui défient l’imagination et heurtent la conscience humaine. Elle doit savoir que les hommes et les femmes se sont investis pour prévenir et combattre ce crime de destruction des mausolées. Les générations doivent savoir que l’impunité n’est pas une option. Et que lorsque l’interdit est violé, les auteurs doivent être poursuivis et jugés. Les victimes doivent être réparées et leur dignité doit être restaurée. Elle doit savoir que nous sommes attachés à cette valeur commune qu’est le patrimoine culturel qui est le miroir de l’humanité et le dépositaire de l’expérience humaine à travers l’usage”, a-t-elle fait savoir.

Albert Kounta (le porte-parole des victimes et des populations de Tombouctou) dira que les mausolées vandalisés n’ont pas seulement une dimension religieuse car ils sont aussi un facteur de cohésion sociale pour tous les Maliens. Et la destruction de ces mausolées a créé un traumatisme. Mais, a-t-il indiqué, la réparation des préjudices par la justice a transformé le désespoir et l’amertume des victimes en espoir. Ce qui a permis la résilience entre les communautés. Mais il a attiré l’attention des autorités sur le fait que le paysage architectural de Tombouctou qui faisait la fierté du monde entier demeure en souffrance. Et que des défis demeurent car les abords immédiats des mausolées, des mosquées et les bibliothèques des manuscrits sont devenus des dépôts spontanés d’ordures.

Mme Doumbia Mama Koïta (présidente du Fonds) a précisé que le fonds d’indemnisation n’est pas de la CPI. Le fonds est créé au même titre que la CPI pour la réparation des préjudices. Pour elle, la remise de l’euro symbolique restaure l’honneur et la dignité des victimes qui ont eu droit à la justice. Elle a rendu hommage à la procureure Fatou Bensouda pour avoir défendu les victimes des destructions des mausolées. Elle a fait savoir que les victimes doivent être associées au projet de société. Elle a souhaité que la communauté internationale s’engage aux côtés des victimes.

Xing Qu, le directeur général adjoint de l’Unesco a affirmé que la cérémonie est un jour d’hommage aux victimes après la destruction des mausolées car les crimes ne sont pas restés impunis. Il y a eu la condamnation par la CPI d’Ahmad Al Faqi Al Mahdi. Et cela, grâce à la mobilisation du peuple malien et la communauté internationale. Il a salué l’effort du gouvernement malien pour avoir mis la promotion de la culture au cœur de ses priorités.          

    Siaka DOUMBIA

Source: Aujourd’hui-Mali

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