Coronavirus : Le cas des mendiants

Ils vivent dans des conditions extrêmement difficiles et n’ont pas facilement accès aux mesures barrières encore moins aux soins de santé

 

Par ces temps d’épidémie de coronavirus, tout le monde est exposé. Mais certaines catégories de citoyens le sont particulièrement en raison de leur mode de vie. Les mendiants en font partie. Eux qui passent le plus clair de leur temps dans les rues. Ce jeune talibé, la sébile accrochée au bras, lance : «Covid-19, je ne veux pas en être victime». Son témoignage tient lieu de message de sensibilisation sur les réseaux sociaux. C’est le cri de détresse d’une personne particulièrement exposée à la maladie à coronavirus.
à travers la mégapole bamakoise, les mendiants arpentent les rues et colonisent généralement les abords des stations service, des mosquées, des feux de signalisation. Ils occupent les trottoirs des grandes artères et semblent plus nombreux que les voyageurs dans les gares routières.
Beaucoup sont sans domiciles fixes et vivent dans la rue, dans des squats. Certains habitent dans des bidonvilles, des maisons délabrées dans des quartiers insalubres et mal famés. La pandémie du coronavirus a un impact négatif sur leurs gains journaliers. Les mesures barrières ayant amener beaucoup de gens à éviter tout contact rapproché, baisser la vitre de sa voiture pour donner des jetons à un mendiant peut être considéré comme un geste à risque.
En plus des pertes de recettes, beaucoup d’indigents n’ont pas la possibilité de respecter les gestes barrières. Impossible pour eux de rester à la maison. Ils sont obligés de sortir et de s’exposer à des contacts qui pourraient les contaminer.
Il est 9 heures environ. Nous arrivons au niveau d’un groupe de jeunes talibés postés au niveau d’un feu de signalisation au centre-ville. Connaissent-ils les mesures sanitaires annoncées contre la maladie ? Comment font-ils face à la situation ? Ont-ils peur ? Que pensent-ils de la maladie ? Le chef du groupe, Mody Konaté, serre la mine en entendant le mot «coronavirus» et lance : «Je ne crois pas au coronavirus». Le garçon et ses camarades sont convaincus que tout ce qui leur arrive de bien ou de mal, relève de la volonté de Dieu. «La maladie peut être vraie, mais moi j’ai foi en Dieu. C’est Lui seul qui peut me protéger de tout mal. Les mesures sanitaires ne peuvent pas freiner la propagation. C’est quelque chose qui circule dans l’air et qu’on respire par la grâce de Dieu. Je m’en remets à Dieu, le Tout-Puissant», soutient notre interlocuteur qui avoue qu’il passe des jours sans se laver les mains.

À côté de Mody, un de ses condisciples brandit des gants en latex. Il partage le même avis. «Les mesures barrières ne servent à rien. Même hier, le rappeur Iba One est venu nous distribuer des gants pour qu’on les porte pour notre santé. Mais, je ne le mets pas. Je ne crois pas du tout à la maladie du coronavirus», dit-il. Pour ces mendiants, les mesures sanitaires pour se protéger du coronavirus ne sont pas la solution. Ils préconisent de prier Dieu pour nous épargner de ce mal.
Contrairement aux jeunes, le vieux mendiant Karonka Doumbia et sa femme Sali craignent d’attraper le Covid-19. Ce vieux couple a trouvé refuge dans un espace public d’un quartier huppé de la place. «Nous avons entendu les informations dans les rues et nous écoutons aussi les messages à la radio. Je crois au coronavirus. C’est déjà arrivé chez nous. Personne ne doit en douter et il ne s’agit pas d’une maladie pour une seule personne. Ce virus affecte tout le monde», argumente le vieux mendiant. Il assure que chaque jour, lui et sa femme se lavent les mains au savon avant de sortir pour aller mendier. Il dit avoir reçu du savon d’une femme arrivée en voiture. «Elle nous a fait don de savon pour se laver les mains afin de ne pas attraper la maladie», témoigne le vieil homme.
Nous poursuivons notre ronde et nous tombons sur la vieille Djénèba Traoré. Elle est assise sur le trottoir les yeux rivés sur la chaussée. La mendiante sexagénaire a peur d’attraper la terrible maladie. Elle a adopté les mesures sanitaires consignées. Tout comme Karonka, elle a bénéficié de savon des mains d’une personne de bonne volonté. «On est venu nous donner du savon et de l’eau de Javel. Je les utilise parce que j’ai peur», confie-t-elle. Par contre, Aissatou Konta et ses jumeaux n’ont pas eu encore la chance de bénéficier des dons de savon, de masques ou de gants. Nous les avons rencontrés sur la berge du fleuve. Cette mère est arrivée de la localité de Macina, il y a trois mois. Elle est au courant de la pandémie. Mais, faute de moyens, elle fait fi des mesures. Aissatou Konta accorde la priorité à mendier pour nourrir ses jumeaux.

Tamba CAMARA

Source : L’ESSOR

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