Comment sauver l’année scolaire: le plan du ministre Abinou TEME

« Le blocage vient du ministère de l’Économie. Ce que les enseignants grévistes réclament n’est pas budgétairement soutenable », a déclaré hier à l’Assemblée nationale, le ministre Boubou CISSE qui se prononçant sur la crise scolaire qui détourne actuellement toutes les attentions. L’assiette financière de l’année disponible ne permet pas de faire face aux revendications des enseignants en même temps garantir les salaires des agents de l’Etat, a-t-il expliqué. Par ailleurs, pour sauver l’année scolaire, le ministre TEME a expliqué penser à un plan : récupérer une partie de vacances, intensifier les cours même pendant les week-ends.

Trois membres du gouvernement à savoir les ministres de l’Éducation nationale, le Pr Abinou TEME ; le Dr Boubou CISSE de l’Economie et des finances ainsi que DIARRA Raky TALLA, du Travail, de la fonction publique et des relations avec les Institutions répondaient, ce jeudi 4 avril 2019, à l’interpellation de l’Assemblée nationale sur la crise scolaire. Occasion pour les députés de se racheter après leur silence très déploré par la population qui fonde encore peu d’espoir sur l’année scolaire en cours, paralysée par les sorties répétitives des enseignants et des élèves et étudiants. A ce jour, les enseignants ont fait 45 jours d’arrêt de travail après 5 préavis de grève.

Exprimant son inquiétude face à la situation, le président de l’Assemblée nationale a fait constater que les semaines de grève et la rupture de dialogue entre l’État et les syndicats n’étaient pas sans conséquence sur le système éducatif malien. Elles risquent de perturber voire de compromettre l’avenir de l’école malienne. À l’instar de l’honorable Issiaka SIDIBE, beaucoup de députés ont déploré la façon dont cette crise scolaire est gérée par l’État. Pour des élus de la nation, elle est la conséquence notamment d’une crise de confiance parce que l’Etat ne respecte pas ses engagements.

Le plan de sauvetage du ministre TEME

À l’entame de ses propos, le ministre de l’Éducation nationale a rappelé que sur les dix points de revendication, il y a trois points de désaccord. Ils sont relatifs à l’accès des enseignants fonctionnaires des collectivités territoriales aux services centraux de l’État ; à la relecture immédiate du Décret n° 529/P-RM du 21 juin 2013 portant allocation d’indemnités au personnel chargé des examens et concours professionnels en ses articles 1,2, et 3. Enfin, il s’agit de l’octroi d’une prime de logement au personnel enseignant. Selon lui, le gouvernement n’a pas accepté ces points, à cause de leurs incidences financières évaluées à plusieurs milliards de FCFA par an. Sur le dernier point, le ministre TEME a souligné qu’à défaut liquidité disponible, le gouvernement a proposé aux enseignants des facilités pour leur accès à des parcelles d’habitation. Elle a été systématiquement rejetée par les syndicats, a regretté le ministre TEME. Or, poursuit-il, les primes de logement qu’ils réclament varient de 100 000 FCFA à 50 000 FCFA, selon les catégories, pour 63 090 enseignants.

Sans se lasser, il a indiqué avoir rencontré au moins quatre fois les syndicats concernés et intervenir auprès des familles fondatrices de Bamako, de l’AEEM et de l’AMSUNEEM afin d’éviter au système éducatif la paralysie dans laquelle il est plongé. Mais aucune de ces démarches n’a pu convaincre les enseignants à revoir les copies, a indiqué M. TEME en réponse à des députés qui ont minimisé les efforts déployés par le département afin de circonscrire au problème.

« Depuis 2018, avec l’adoption du statut particulier, les textes ne permettent plus que les enseignants des collectivités soient désignés à des services centraux de l’État. Sinon, avant cela, les enseignants des collectivités ont bel et bien occupé des services centraux », a réagi le Pr Abinou TEME aux propos de l’honorable Aissata Belco qui estimait que l’État est en train d’encourager de l’injustice à ce niveau.

Est-ce qu’il y a une possibilité de sauver l’année scolaire en cours et par quelle manière ? La question est revenue plusieurs fois. Dans sa réponse, M. TEME a exprimé son souci de sauver l’année. Malgré les difficultés, il a expliqué qu’il travaillait sur un plan de sauvetage si les syndicats acceptent rapidement de reprendre les cours.

« Nous allons intensifier les cours. Même les week-ends, les enfants vont étudier s’il le faut. Nous allons aussi récupérer une partie des vacances scolaires. Cela nous permettra d’avoir un peu de temps pour faire des cours de rattrapage », envisage le ministre de l’Éducation nationale.

À sa suite, le ministre de l’Économie est revenu à la charge pour apporter des éclairages à des questions plus techniques et financières. Mais avant, il a répondu à des députés qui accusaient le gouvernement de ne pas faire de l’éducation sa priorité.

« Ça ne date pas d’aujourd’hui, l’éducation a toujours été au cœur des priorités. Les Plans quinquennaux ont mis l’accent sur le capital humain en particulier le secteur éducatif. Aussi, cela été toujours traduit dans le budget. Le secteur de l’éducation a toujours représenté au minimum 15 % du budget national. Il représente aussi 33 % des dépenses courantes de l’État. Aucun secteur n’arrive à ce montant d’allocation budgétaire même le secteur sécuritaire malgré la crise que le pays connaît. Donc, c’est d’une priorité évidente du gouvernement », a clarifié le ministre CISSE avant de préciser que 80 % de ce budget est exécuté par les collectivités territoriales. Cela pour prendre en compte également le problème de transfert des ressources de l’éducation aux collectivités soulevé.

Des revendications budgétairement insoutenables par l’État

Pour le ministre de l’Économie, le problème de l’éducation est loin d’être financier, mais celui de transformer les efforts en de résultat d’apprentissage. « Ce n’est pas en augmentant les salaires et primes qu’on corrigera le problème d’apprentissage. Or, c’est le vrai problème », a-t-il indiqué, tout ajoutant que l’enseignant malien est mieux payé que beaucoup de fonctionnaires.

« Un enseignant de la catégorie A débutant a 226 000 FCFA par mois contre 167 000 FCFA d’autre corps. Ce qui fait un écart de 58 000 de nos francs. En fin de carrière, cet écart est de 114 000 FCFA », a-t-il fait la comparaison. Donc, en se résumant, le ministre ne pense pas que le problème soit lié au niveau de salaire, de prime, et d’indemnités.

Également, en poursuivant son intervention, le Dr Boubou CISSE a pris sur lui toute la responsabilité du blocage des négociations.

« Le blocage vient du ministre de l’Économie et des finances. Parce qu’il est difficile de répondre favorablement et continuellement à assurer certaines dépenses prioritaires et régaliennes de l’État », a déclaré Boubou CISSE, tout en prévenant que s’il répond à ce qui est demandé aujourd’hui, demain il aura la difficulté de payer le salaire pour l’ensemble des fonctionnaires de l’État. Parce que, soutient-il, les incidences financières des points de désaccord font un total de 161 milliards de FCFA par an sans compter que la masse salariale de ces enseignants est de 124 milliards de FCFA.

Par ailleurs, le ministre de l’Économie et des finances estime qu’il y a un déséquilibre énorme à corriger qu’il ne faut en rajouter avec d’autres engagements. Selon lui, il n’est pas normal que plus de 65 % des dépenses du secteur soient des dépenses courantes qui vont dans le traitement du personnel. « Nous devons inverser cette tendance en accordant plus de dépenses d’investissement pour la construction des classes, l’achat des intrants, de matériel didactique, etc. C’est cela qui doit changer pour que les résultats soient à hauteur des souhaits », a-t-il déclaré.

L’État disposé à rembourser les retenues sur les salaires avec une condition

S’agissant de la question de la retenue sur les salaires des enseignants grévistes, le ministre a été un peu plus clair. Sauf erreur, a-t-il précisé, les salaires n’ont pas été coupés. Conformément à la loi, ce sont des jours de grève qui n’ont pas été payés.

« Après nous allons vérifier s’il y a erreur à ce niveau, nous allons la corriger », a promis M. CISSE. Sur le sujet, beaucoup d’intervenants députés ont accusé de l’État d’être injuste entre des travailleurs en rappelant que les retenues sur les salaires des magistrats et médecins ont été remboursées. Ce qu’ils ont appelé l’approche de deux poids, deux mesures.

Mais, le ministre Boubou CISSE a indiqué les retenues ont été remboursées parce que les magistrats et les médecins s’étaient engagés à mettre fin à leur grève.

« Le gouvernement est disposé à rembourser aussi les retenues des enseignants, mais à condition qu’ils reprennent les cours », a-t-il martelé.

Par Sikou BAH

Info-matin

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