Les taximen et chauffeurs de sotrama face aux mesures contre le covid-2019 : l’Etat a parlé, on s’en fout… prix de popote oblige

Dans le cadre de la lutte contre la propagation du Covid-19, le Gouvernement du Mali, à travers le ministère des Transports et de la Mobilité urbaine, a pompeusement pris des mesures dans le domaine du transport. L’application de ladite décision devait commencer le vendredi 27 mars 2020. Mais jusqu’hier, mercredi 1er avril 2020, elle a été piétinée partout et sous l’œil complice ou passif des autorités de l’État. Sotrama et taxis remplis, deux personnes à moto…tout cela se passe à Bamako.

L’Etat malien est faible dans le suivi et les mesures drastiques qu’il faut pour l’application de ses propres décisions. L’histoire de la lutte contre le Coronavirus vient de le reconfirmer.

En effet, comme dans presque tous les pays du monde atteints ou menacés par la pandémie du Coronavirus, le Mali a pris plusieurs mesures salutaires. Mais suffit-il de prendre des mesures ? Non, il faut les appliquer aussi ! Or, au Mali, le Gouvernement, lui-même, ne donne pas le bon exemple. Il viole ses propres mesures et favorise les gouvernés à le faire. L’affaire de Air France le prouve. Le non-respect des mesures prises dans le domaine des transports vient de grossir le lot de ces violations.

Des Sotrama et taxis remplis à Bamako

La décision du ministre des Transports et de la Mobilité urbaine a été, pour les conducteurs de Sotrama et Taxis, comme une chanson dans l’oreille d’un sourd. Elle n’est pas respectée et est d’ailleurs méconnue par bon nombre de chauffeurs.

Sur la voie de Baco-djicoroni menant à Kalaban-Coro, un taximan qui a bien voulu taire son nom avait dans son taxi quatre (4) personnes en plus de lui. Or, le Gouvernement avait décidé à ce que les taxis se limitent à trois (3) personnes au lieu de cinq (5). Ce taximan, peut être mal sensibilisé, car ne croyant même pas à l’existence du Coronavirus, affirme ne pas être à mesure de respecter les mesures du Gouvernement. « J’ai ma recette à payer. Si je dois me limiter à trois personnes, je vais aussi augmenter le prix de transport », a-t-il laissé entendre. Parlant des possibles sanctions, il affirme que les policiers l’ont vu, mais ne lui ont rien reproché.

Un chauffeur de Sotrama affirme être au courant des mesures prises par l’État. « On nous a demandé de réduire à moitié le nombre de personnes qu’on doit prendre. Mais le Gouvernement doit revoir le prix du carburant. Nous sommes conscients de la gravité de la maladie et nous voulons protéger nos passagers, mais c’est à l’État de baisser le prix du carburant », a-t-il dit.

Au niveau du feu de Torokorobougou, sur plusieurs motos, on a constaté deux personnes. La même chose s’est produite au feu, à l’intersection entre Baco-djicoroni et Kalaban-Coro. Tout cela se passe sous l’œil impuissant des policiers.

Adama Kouyaté, conducteur de Sotrama, que nous avons rencontré au niveau du Palais de la culture dit avoir appris la décision à travers les gens. Sans détour, il argue ne pas l’apprécier :« Nous sommes des chauffeurs et travaillons pour les propriétaires de véhicules. Ces derniers n’ont besoin que de leur recette journalière », clarifie-t-il. Puis d’ajouter : « S’il faut forcément se limiter à la moitié du nombre de passagers qu’on a l’habitude de prendre, comment pourrais-je avoir l’argent de mon gas-oil ? Avant de prendre une telle décision, le ministre devait discuter avec les propriétaires de véhicules pour la réduction des recettes. Il devait aussi songer à la réduction des prix de gas-oil. Mais rien n’est fait pour faciliter la tâche aux chauffeurs ».

 

Assis sur la place des chauffeurs, sise auprès du Palais de la Culture de Badalabougou, Mamadou Samaké, syndicaliste et conducteur de Sotrama, estime que le respect d’au moins un (1) mètre entre les passagers, voire la réduction du nombre de passagers, restera difficile. Puisque, regrette-t-il, le gouvernement n’a pris aucune précaution pour la diminution des prix de carburants, et des documents à prendre par les chauffeurs. « Malgré cette décision du ministre, nous continuons de prendre les vignettes et tous les autres documents sans aucune diminution », a-t-il évoqué avant d’ajouter : « Nous préférons garer les Sotrama que de nous limiter à la moitié qui ne dépasse pas 10 ou 12 passagers. Le prix des gas-oils est cher pour cela ».

Pour le syndicaliste Bemba Traoré, les mesures en vigueur peuvent être appliquées si le gouvernement supportait la moitié des charges via la subvention des carburants. « Pour un seul tour, les Sotrama peuvent consommer 5 litres de gas-oil coûtant plus de 3000 F. S’il faut se limiter à 10 ou 11 passagers par déplacement, cela ne dépasse pas 1500 F. A quoi servira alors le travail ? », se plaint-il.

Les taximen semblent ignorer la gravité du Coronavirus. Comme le premier, le deuxième taximan, Souleymane Keita, qu’on a rencontré met en doute le risque de contagion de la maladie à tout le monde. Il affirme d’ailleurs que le covid-19 n’atteint pas les pauvres, mais plutôt les riches.

Aussi chauffeur, Famoussa Samaké tient à préciser que le respect strict des mesures n’est possible que si le gouvernement s’occupe du transport des citoyens dans ses propres véhicules. Sa proposition est claire :« Au-delà de la diminution des recettes, il faut l’augmentation des frais de transport. La moitié des passagers qui entre à bord des véhicules paie le double de leur transport ».

Le véhicule de Fousseyni Doumbia était rempli, après tout, il s’est arrêté au prochain virage en vue d’embarquer d’autres passagers. Cela, alors qu’aucune disposition préventive n’était prévue dans son véhicule, bien vrai qu’il soit au courant des mesures. Interrogé, il juge difficile le respect de la décision du ministre. Pour une prévention efficace contre cette maladie, il propose de suspendre momentanément le transport en commun. Cela permettra de protéger selon lui, non seulement les passagers, mais aussi les chauffeurs et leurs apprentis. Sinon, dit-il, réduire le nombre de passagers est une mesure « qui ne va jamais marcher ».

Un client d’une Sotrama sur l’axe de Badalabougou-Torokobougou-Bacodjicoroni et Kalaban-Coro, interrogé par nos soins, a été on ne peut plus clair sur la réduction du nombre de personnes dans les véhicules : « La décision est bonne. Elle nous protège, mais le Gouvernement ne l’applique pas. Mais nous autres qui n’avons pas de moyens, sommes obligés d’emprunter ces Sotrama pour nos besoins. Seul Dieu peut nous protéger. Sinon notre gouvernement n’est pas responsable et nous, nous n’avons pas de comportement d’un bon citoyen ».

Le hic est que ces mesures sont violées devant les policiers qui ne disent mot. Ne sont-ils pas impliqués pour l’application de ces mesures ? Le Gouvernement trompe-t-il les Maliens ?

La police n’est pas impliquée

Face au silence des policiers concernant l’exécution de ces mesures du ministère des Transports et de la Mobilité urbaine, nous avons joint des responsables de ce corps. Le directeur régional de la police du district de Bamako affirme dit ne pas être au courant de ces mesures du ministère des Transports et de la Mobilité urbaine . Quant au commandant CICR, il nous a confié que la police n’est pas concernée par leur application. Si les versions de ces deux responsables de Police s’avèrent vraies, on ne peut donc pas accuser les policiers pour ne pas avoir contraint les chauffeurs à respecter les mesures édictées par le ministre Ly.

À qui la faute ?

Ce que le peuple malien retient, c’est qu’une décision a été prise et qu’elle n’a pas été respectée. Le Gouvernement est donc fautif.

À titre de rappel, dans les mesures édictées par le ministre Abdoul Ly, il a été dit : « de l’embarquement des passagers dans les bus, mini-bus et auto-cars en tenant compte des distances d’au moins un mètre entre les passagers ; la limitation à la moitié du nombre de places prévues sur les cartes grises du véhicule ; la limitation de nombre de passagers à trois (3) personnes au lieu de cinq (5), y compris le conducteur, pour les taxis et les particuliers ». Concernant le nombre des passagers sur les engins à deux roues, il est limité à deux personnes.

Par Boureima Guindo, Mamadou Diarra et Issa Djiguiba

Source : LE PAYS

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