Transition: ces agendas qui tuent l’enjeu

Alors que s’ouvrent ce matin, au Centre international de conférence de Bamako (CICB), les journées de concertations nationales sur la préparation de la Transition, le débat biaisé que clivant est ramené à des chipoteries entre partisans d’une transition civile ou d’une transition militaire. Ce, au détriment du vrai débat qu’on l’on était en droit d’attendre d’acteurs ou de témoins d’une trentaine d’années de pratique démocratique au cours de laquelle les échecs semblent surnager les réussites.

 

C’est vrai, théoriquement, les débats, c’est à partir d’aujourd’hui jusqu’à après demain samedi. Mais, en attendant, la sérénité et la confiance ont fui les différents camps obligeant chacun à sortir du bois par l’entremise de lampistes et même à visage découvert. Et pour cause : les gouverneurs sont accusés de tronquer les résultats des concertations régionales, en mentionnant dans leur rapport que les populations sont favorables à une transition militaire, alors que ce n’était pas le cas. Le M5-RFP de Tombouctou et les organisations de la société civile, tout comme le M5-RFP de Gao ont dû faire des sorties officielles pour dénoncer les rapports. De quoi faire monter d’un cran la suspicion du M5-RFP national à l’égard de son partenaire stratégique, le seul d’ailleurs, à savoir le Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP).
À cela, il faut ajouter que les discours des militaires paraissent élastiques et donc équivoques. Ils disaient dans leur premier communiqué : ‘’nous ne tenons pas au pouvoir, mais nous tenons à la stabilité du pays qui nous permettra d’organiser dans des délais raisonnables consentis des élections générales pour permettre au Mali de se doter d’institutions fortes capables de gérer au mieux notre quotidien et restaurer la confiance entre les gouvernants et les gouvernés’’.
Puis, suite aux rumeurs selon lesquelles ils souhaitaient une transition de 3 ans, le colonel-major Ismaël WAGUE, porte-parole du CNSP a fait cette mise au point : ‘’à aucun moment, on a parlé de gouvernement à majorité militaire… toute décision relative à la taille de la transition (Président et formation de gouvernement) se fera entre les Maliens’’.
Mais, les sondages sur les réseaux sociaux sur les organes de la transition qui donnent invariablement les militaires en tête, donnent l’impression au M5-RFP qu’ils sont commandités, afin de torpiller les concertations nationales et faire OPA sur le pouvoir.
Il semble que le doute s’est définitivement dissipé avec l’organisation d’un meeting par le Mouvement populaire du 4 Septembre (MP4) créé spécialement pour soutenir une transition militaire. Son soutien à l’Armée semble se résumer à une transition militaire, parce que depuis que le Mali existe, les civils n’accumulent que des échecs.
Dernier fait en date qui ne manque pas d’interpeler le Peuple du M5-RFP et une bonne partie de l’opinion nationale, c’est l’amateurisme qui entoure l’organisation des concertations nationales qui s’ouvrent ce matin. Sur une cinquantaine de cartons d’invitation pour la presse, ce sont des quotidiens qui ont été superbement ignorés. Bizarre non ? Le comité d’experts chargé de l’élaboration de la synthèse des travaux de l’atelier de haut niveau pour la validation des Termes de référence des concertations nationales a remis deux documents (la Charte de transition et la feuille de route) au Comité national pour le salut du peuple, seulement hier, apprend-on de bonnes sources. C’est un peu trop juste non ? En ce qui est de a participation (nom, nombre) au moment où nous mettions sous presse, c’était le flou artistique. Ce qui fait dire à de nombreux observateurs que le désordre a été organisé. À quelle fin ?
‘’Chat échaudé craint l’eau froide’’, dit-on. Le M5, qui observait jusque-là en accordant le bénéfice du doute à ses ‘’partenaires stratégiques’’, est passé à l’attaque frontale. Les publications suivantes sur les réseaux sociaux sont illustratives de son état d’âme actuel : ‘’concertations nationales sur la transition : la désignation des délégués par les gouverneurs est décriée’’ ; ‘’la lutte du Peuple malien ne sera pas sabotée ni confisquée ! Dites-le aux Gouverneurs’’ ; ‘’nous sommes pour un Président civil à la tête de l’État. Une proposition clairement définie par notre projet de charte sur la transition’’.

Pendant cette guéguerre pour les postes, la seule chose qui pouvait justifier un coup d’État, à savoir le Mali nouveau, semble le cadet des préoccupations des acteurs de premier plan. En tout cas, les débats ne reflètent pas que c’était la préoccupation numéro un. Ainsi, un Président de la République aurait-il été démissionné pour juste soulager la boulimie du pouvoir de certains activistes politiques ? Des jeunes seraient-ils morts ou blessés par balles juste pour l’avènement de certaines personnalités dont les scores électoraux précédents leur dénient toute légitimité à se hisser à certaines fonctions de l’État ? Faudrait-il qu’après avoir cristallisé les regards du monde entier, la montagne au Mali accouche d’une souris pour des questions de postes éphémères ?
À l’évidence, la présidence de la transition ne saurait être plus importante que la mission ou la feuille de route de la transition. La présidence la transition ne saurait être une sinécure. L’enjeu aujourd’hui pour le Mali, c’est le changement de gouvernance et non le changement de gouvernants qui n’est qu’un épiphénomène, du genre ôtes-toi de là que je m’y mette. Au moment où s’ouvrent les concertations nationales, il est impérieux de se ressaisir, de recentrer toutes nos énergies sur le seul combat qui vaille la peine d’être mené alors que le pays a rendez-vous avec l’histoire. Parce que le peuple se caractérise par sa versatilité et qu’il en a marre.

PAR BERTIN DAKOUO

Source : INFO-MATIN

Suivez-nous sur Facebook sur