Sommet de la CEDEAO sur le Mali: quand les divisions politiques exposent le pays

Notre pays traverse une période de turbulence caractérisée par des crises politiques, sécuritaires, humanitaires et sociales. Ces questions sont abordées sous l’angle partisan polarisant ainsi le pays autour les sujets d’intérêt général entre les ‘’Pour’’ et ‘’Contre’’. Des divisions ne sont pas conséquence pour un pays à la recherche de repère de sortie de crise. En effet à une semaine d’un sommet important de la CEDEAO sur le Mali, les divisions politiques internes exposent le pays à des risques de sanctions, dont les conséquences peuvent être désastreuses. Ce, d’autant plus que le pays dépend à plus de 70% des exportations pour fonctionner. Alors la CEDEAO pour éviter une déconfiture de la transition doit chercher à aider le pays en lui épargnant d’autres sanctions plus sévères.

 

Ce n’est pas encore le bout du tunnel pour un Mali nouveau (le Mali Kura) dont la gestion devrait être axée sur des bases saines de gouvernance après des décennies de mauvaise gestion du pays. En arrivant au pouvoir, c’est la promesse de la junte conduite par des colonels au peuple assoiffé de justice, assommé par la malnutrition à cause de la famine et l’insécurité avec son corolaire sur le développement du pays.
Un an après le coup d’Etat contre Ibrahim Boubacar KEITA, les défis sont presque intacts même s’il existe des signaux d’un changement qualitatif. Et dans certains domaines comme celui de la sécurité, la situation se dégrade, selon le dernier rapport des Nations-Unies sur le Mali, malgré l’Accord pour la paix et la réconciliation.
«Les forces nationales et internationales, la MINUSMA et les groupes armés signataires ont essuyé 69 attaques asymétriques : 42 dans le nord du pays, dont 8 dans la région de Tombouctou, 16 dans la région de Gao, 15 dans la région de Kidal et 3 dans la région de Ménaka ; 27 dans le centre du pays, dont 24 dans la région de Mopti et 3 dans celle de Ségou. Dans le centre, ces chiffres sont en augmentation par rapport à la période précédente, au cours de laquelle 21 attaques avaient été enregistrées contre les forces de sécurité et les groupes signataires », affirme le rapport de l’ONU du 13 octobre 2021.

Ces chiffres funestes attestent que le dividende de la paix n’est pas pour demain en dépit de la présence d’une multitude de forces militaires au Mali (MINUSMA, Takuba, Barkhane, G5-Sahel) en plus de l’armée nationale. D’où la colère légitime des populations qui vivent au quotidien l’insécurité contre la troupe française au Mali et contre la MINUSMA.
Certes, la population a le droit de s’offusquer, mais la France ne fera pas la guerre intérieure du Mali en lieu et place de l’armée nationale. C’est la mission régalienne de l’armée malienne en reconstitution parce que malade de décennies de mauvaise gouvernance couplée au problème d’équipements militaires auquel des efforts sont en train d’être consentis depuis sous IBK pour pallier l’insuffisance des moyens de guerre.
Ces efforts doivent être accompagnés de recrutement des jeunes aptes et prêts à défendre la patrie au détriment de ceux-là qui, par alliance, veulent porter le treillis uniquement pour ne pas chômer.
Cette crise a montré aussi la défaillance, l’incohérence et l’inconstance de notre politique de collaboration avec les puissances étrangères. A l’indépendance, le pays a rompu avec la France pour s’aligner dernière le bloc socialiste. Grâce à cette collaboration, des cadres de notre pays ont pu bénéficier de nombreuses formations, y compris des militaires.
« Nous tenons à réaffirmer notre gratitude à la Russie. Notre relation avec elle ne s’est jamais démentie. Nous avons des milliers de militaires, de fonctionnaires et de cadres qui ont été formés dans ce pays. Nous remercions la Russie pour ce soutien ayant fait que le Mali soit là où il est aujourd’hui », a dit le ministre des Affaires étrangères et de la coopération, Abdoulaye DIOP, lors de sa conférence de presse conjointe avec son homologue russe tenue le 11 novembre 2021 à Moscou.
Malgré cette réalité à l’époque, Moussa TRAORE n’a pas hésité à tourner le dos à ce pays en décidant d’être « non aligné » en vue d’ouvrir le Mali au monde avant de renouer avec la France. Encore, une partie du peuple veut que les nouvelles autorités de la Transition pactisent avec la Russie.

Le problème n’est pas qu’une question de la France ou de la Russie en tant qu’alliée, mais aussi de la volonté politique des dirigeants de défendre les intérêts légitimes de leur population. Le hic aussi, dans ces coopérations, il est difficile de situer notre propre responsabilité en tant que nation. Alors où est notre effort collectif pour nous imposer aux autres ? L’on est en droit se poser la question.
Ces questions essentielles sont reléguées au second plan au profit des intérêts individualistes de certains politiques qui ont réussi à créer deux camps autour d’autres sujets d’actualité ou peu abordés. Il s’agit notamment du sommet du 12 décembre prochain de la CEDEAO sur le Mali. Une rencontre décisive sur notre pays qui pourrait aboutir éventuellement à de nouvelles sanctions contre le pays.
Avec une économie déjà qui peine à décoller à cause de l’insécurité et frappée par la crise sanitaire, des sanctions économiques de la CEDEAO ne feraient que la mettre carrément à genoux. Contrairement à des discours nationalistes et populistes des hommes politiques estimant que des sanctions de l’organisation ont peu d’incidence sur le pays, la réalité est que le Mali dépend à plus de 70% des exportations qui transitent dans les États membres de la CEDEAO.
La réalité aujourd’hui est qu’une sanction économique de la CEDEAO paralyserait toute l’économie malienne. Conséquence : ce sont les pauvres qui en souffriraient davantage et se braqueraient contre la CEDEAO. Une situation qui pourrait davantage plonger le pays dans une impasse. Au lieu d’une sortie crise, les sanctions produiraient l’effet contraire. Pour éviter une catastrophe, les responsables de la CEDEAO devraient sensibiliser leurs partenaires de l’Union Européenne et des USA à prendre en compte les réalités du terrain, en lieu et place d’une politique va-t’en guerre.
« Le Mali est malade et très malade. Ce n’est pas en réinstallant une démocratie conforme au texte, qu’on va le soigner », selon le promoteur d’une grande entreprise du pays.

Il estime qu’il faut laisser le dossier Mali entre les mains de cette transition consciente des enjeux, tout en l’assistant, l’encadrant selon un calendrier raisonnable convenu afin qu’elle fixe de nouvelles bases.
«Il est important qu’on donne des moyens démocratiques au peuple pour se débarrasser des présidents incompétents comme pour éviter les tripatouillages de constitutions. Il est fondamental de protéger les maigres ressources publiques des prédateurs politiques. Il est vital de remettre sur pied notre outil de défense, les forces armées. Il est enfin évident de mettre l’autorité publique sur toute l’étendue du territoire », a-t-il ajouté.
Ces risques de sanctions de la CEDEAO sont également motivés par le seuil très élevé de la division des acteurs politiques et d’une partie de la société civile sur les approches des autorités de la Transition. Le manque de consensus, de cohésion et d’unité sur des questions d’intérêts national sont en train de fragiliser le pays pour des intérêts trop souvent égoïstes. Une partie des acteurs de la société civile y est embarquée.
A ce stade, un compromis politique avant la tenue de ce sommet changerait la donne. Hélas, leur désir et soif de pouvoir prime sur l’intérêt supérieur du pays.

PAR SIKOU BAH

Source : Info-Matin

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