Six ans après la signature de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger : Bilan, obstacles et perspectives, la CMA n’est pas une organisation va-t’en guerre

La délégation de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) a animé ce dimanche 20 juin 2021, à la Maison de la Presse, une conférence de presse sur l’accord d’Alger sous le thème :” l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, six (6) ans après la signature : bilan, obstacles et perspectives”. Cette conférence de presse intervient dans le cadre de la célébration du sixième anniversaire dudit accord.    Les conférenciers étaient entre autres : Attayer Ag Mohamed, chef de la délégation de la CMA de Bamako, membre du Comité de Suivi de l’Accord (CSA), Mohamed Maouloud Ould Ramadane, Porte-parole de la CMA, Almouzamil Ag Mohamed, membre de la CMA et Sidi Ag Baye, modérateur de la conférence.

 

Il ressort de leur déclaration que six  ans après la signature de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation à Bamako sous l’égide  de la communauté internationale, les populations  attendent  encore de sentir les dividendes de sa mise en œuvre promise et réitérée à maintes reprises par l’ensemble des parties prenantes. Plusieurs feuilles de routes et de chronogrammes consensuels d’application furent adoptés par les parties à travers le Comité de Suivi de l’Accord (CSA), sans qu’aucun ne permette jusqu’ici d’entamer les questions de fond,  impatiemment attendues. Pourtant, l’adhésion et le soutien de la communauté internationale à travers les Nations Unies dont la mission au Mali a pour première priorité stratégique de son mandat de soutenir la mise en œuvre  de l’Accord, celles des pays du champ et autres États et organisations partenaires du Mali, n’ont aucunement manqué à ce processus de paix.

Parallèlement, d’autres acteurs tirant essentiellement profit du retard accusé dans la mise en œuvre des engagements, continuent d’agir contre l’ensemble des parties prenantes à l’Accord pour la Paix et la Réconciliation et occupent de plus en plus d’espaces avec des ambitions déjà transnationales. Les populations attendent et s’impatientent pendant que d’autres acteurs socio-politiques profitant de l’instabilité et de la fragilité de l’appareil autoritaire à Bamako, persistent encore dans la désinformation autour du bien-fondé de l’Accord et de sa pertinence pour la réalisation de la Paix au Mali et dans l’Azawad en particulier.

Les conférenciers ont souligné que depuis quelques semaines, le pays entre dans une seconde séquence de transition après le renversement en août 2020 du régime de l’ex-Président Ibrahim Boubacar Keïta par un Comité militaire. Des engagements avaient été immédiatement renouvelés par le CNSP sur le respect et la mise en œuvre diligente de l’Accord. La charte de la transition adoptée  et promulguée par décret du Président de la transition, comporte d’ailleurs l’Accord pour la Paix et la Réconciliation dans son Préambule.

Sur le thème proprement dit, les conférenciers sont revenus du long en large sur le processus de la mise en œuvre de cet accord.

Sur le plan historique, 8 mois de round allant parfois jusqu’à un mois de discussions à Alger. L’Accord a été paraphé pendant que toutes les parties avaient des réserves sur son contenu d’où la signature préalable d’un relevé des conclusions le 5 juin 2015 entre la CMA et le gouvernement et qui avait créé les conditions de signature le 20 juin à Bamako.

La CMA, malgré le retard longtemps constaté et répété dans la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation, s’est voulue optimiste et a démontré par sa patience qu’elle n’est pas une organisation va-t’en guerre. Elle est restée respectueuse de ses engagements jusqu’à usure totale et extinction de toutes voies et tous moyens offerts par l’esprit et la bonne foi des engagements accompagnés par la communauté internationale. Compte tenu de la non-application correcte depuis 1992 des accords qui ont précédé l’Accord, il faut noter qu’une psychose réelle de méfiance jamais démentie, continue légitimement d’exister sur le bilan de l’Accord, très peu élogieux par rapport au temps et aux attentes. Ainsi, de 2015 à nos jours, la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation n’a en réalité jusqu’ici touché qu’à des aspects périphériques notamment : les autorités intérimaires installées, mais non dotées des moyens et de ressources nécessaires pour réussir leur manda ; difficile opérationnalisation des Bataillons des Forces Armées Reconstituées (BAT-FAR) dédiés à assurer les missions attribuées au Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) prévu par l’Accord, en respectant les règles de composition et de fonctionnement fixées par la Commission Technique de Sécurité (CTS) ; à la création par la loi de la zone de Développement des régions du Nord mais toujours en attente d’opérationnalisation ; le Fond de Développement Durable (FDD) initialement prévu dans l’Accord pour financer la stratégie spécifique de développement des régions du Nord  est mis en place et géré de manière jusqu’ici non cernée par l’ensemble des parties à l’Accord et la gestion actuelle de ce fond laisse  comprendre qu’il est détourné de ses objectifs initiaux……

Cependant des tentatives d’aborder les questions  de fond, car il faut le rappeler le problème est éminemment politique et peine à produire un résultat.

Quant aux obstacles et blocages liés à la mise en œuvre de l’Accord, il s’agit entre autres : de la mauvaise volonté du gouvernement jusqu’ici connue depuis la signature à concrètement avancer sur les questions de fond notamment, les réformes politiques et institutionnelles, l’armée reconstituée, les mesures et mécanismes spécifiques prévus dans le cadre du développement et de justice ; l’absence d’une réelle politique étatique de vulgarisation de l’Accord auprès des populations pour qu’elles se saisissent de son contenu réel à travers la promotion de son esprit, le sens de sa lettre ; le bricolage de la Conférence d’Entente Nationale de 2017 ; l’exclusion des réfugiés et déplacés dans le cadre de la construction de la paix (viabilisation des sites de retour, réalisation des services  sociaux de base, retour  dans de conditions dignes ; la crise sociopolitique en cours depuis les élections présidentielles de 2018 ; l’instabilité socio-politique et institutionnelle depuis 2018 entravant la continuité gouvernementale et des tentatives d’élans des autorités centrales ; l’insécurité entretenue par d’autres acteurs ne prenant pas partie au processus de paix ; la question sur la relecture de l’Accord avec des formules nouvellement consacrées  laissent entretenir une confusion sur les objectifs pratiques de la problématique…..

En ce qui concerne les leçons à tirer, on peut noter : la lenteur dans la mise en œuvre de l’Accord a rendu la crise plus complexe et difficile à gérer ; une non-vulgarisation du contenu réel de l’Accord a laissé une brèche libre à ses détracteurs pour le diaboliser, toute chose qui ne contribue pas au retour de la paix et de la stabilité.

En termes de perspectives, tout ne saurait être considéré comme négatif. La dynamique en cours depuis l’arrivée des autorités actuelles de transition ne laisse pas confirmer un sentiment de pessimisme. Aucune forme d’hostilité entre les forces de la CMA  et les forces armées et de sécurité n’est d’actualité. Des  canaux  directs et pragmatiques d’échanges sur des situations  sont mieux rendus possibles. Le Président de la transition aux dernières opportunités de contact direct n’a laissé sentir aucune obstruction à l’Accord et l’insertion de certains aspects pertinents de sa mise en œuvre dans la feuille de route de la transition.

 Alassane Cissé

Source : Notre Voie

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