REQUISITION DES MAGISTRATS, REPORT DES LEGISLATIVES : Attention au chaos !

Le début du second mandat du Président Ibrahim Boubacar Keïta est tumultueux. La réquisition des magistrats suite à leur grève illimitée qui n’a que trop duré, et la tentative de renvoi des législatives en 2019 n’arrangent rien pour la réussite de ce nouveau quinquennat.

 Avec quelques frustrés parfois entretenus par l’opposition, chaque fait et geste doit être passé à la loupe par les tenants du pouvoir afin d’éviter le désordre. Mais, à l’analyse de certains actes posés par le gouvernement, on sent sa volonté d’être strict sur des décisions, au nom de la loi. Or, dans toute chose, il faut de la mesure même si on est du côté du droit. Car, comme le dirait l’autre, « un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès».

Faut-il le rappeler, pour obtenir satisfaction de leur revendication, à savoir une meilleure sécurité sur toute l’étendue du territoire et une revalorisation salariale, les magistrats ont décrété une grève  illimitée depuis le 3 août 2018. Puisque la même loi qui garantit le droit de grève prévoit des mesures de rétention sur les salaires, le ministre des Finances, Boubou Cissé, a, dans une correspondance adressée à la Directrice des finances et du matériel du ministère de la Justice et les directeurs du budget, ordonné une retenue sur  les salaires des grévistes.

Cette correspondance du ministre a provoqué l’ire du  Syndicat autonome de la magistrature (Sam) et du Syndicat libre de la magistrature (Sylima). Ebahis dans un premier temps, au lieu de parler du droit, nos magistrats avaient versé dans le chantage. Ils affirmaient détenir des dossiers sur la disparition de 3,5 milliards de nos francs au ministère de l’Economie et des Finances. Une sortie médiatique qui a irrité plus d’un Malien.   Dans ce climat tendu, estimant que les magistrats tirent trop sur la corde, le gouvernement est passé à la vitesse supérieure. Il   décide, le mardi 9 octobre 2018, de réquisitionner certains magistrats. Une  décision qui va envenimer la situation en créant  la colère et l’indignation chez les juges.

Comme une réponse du berger à la bergère, les magistrats ont, le lendemain, mercredi 10 octobre 2018, lors d’une assemblée générale extraordinaire, adopté une résolution comportant 7 points. Il s’agit, entre autres, du refus de se soumettre à cette décision de réquisition, de la saisine des instances juridictionnelles nationales et internationales, de la demande de démission de Soumeylou Boubèye Maïga, de Tièna Coulibaly et Mme Diarra Racky Talla de leurs postes et le maintien du mot d’ordre de grève illimitée.

Dans leurs argumentaires, les deux syndicats font aussi observer que les conditions exigées pour l’application de ladite loi, notamment les deux hypothèses où il peut être fait usage de la réquisition ainsi que les décrets devant être pris en conseil des ministres (articles 1 et 28 de la loi n°87-48/AN-RM du 10 août 1987 portant sur les réquisitions), ne sont nullement réunies à ce   jour en République du Mali. Selon les deux syndicats, le principe de séparation des pouvoirs interdit formellement l’exécutif à emprunter une telle démarche à l’encontre du pouvoir judiciaire (article 81 de la constitution de 1992).

Sans aucune prétention de donner raison aux magistrats sur toute la ligne, nous osons croire que le gouvernement a du mérite à revendre en matière de négociation avec les syndicats. Ils auraient dû poursuivre cette dynamique. Mais, dans la grève des magistrats, le Malien lambda a été surpris de l’arrêt des négociations entre les deux parties et assiste à ce bras de fer engagé entre gouvernement et magistrats.

Aujourd’hui, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il faudrait tout mettre en œuvre pour ne pas arriver à ce stade. Pour la simple raison que les positions se radicalisent davantage. Face au refus des magistrats de  se soumettre à la réquisition, l’autorité de l’Etat doit s’affirmer. Cela sous-entend des sanctions, qui peuvent aboutir à des radiations. Et si on en arrivait là, que pourrait-t-il se passer ? Mystère !

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