Présidence de la transition : attention à l’obsession Kaki

Comme s’ils étaient emportés par une débordante vague de crédulité, les Maliens ont parfois l’art de pagayer d’un excès de rivage à un autre. Depuis la rupture constitutionnelle du 18 août 2020, l’excès d’antipathie des leaders politiques version 91 de préférence, a fait place à l’excès d’idolâtrie du militaire Kaki en mode CNSP. Même ceux des leaders politiques version 91 ayant pourtant pris de leurs temps, de leur liberté, de leur intimité familiale parfois bafouée par des visites barbares de barbouzes, sont injustement et de la manière la plus ingrate, voués aux gémonies. I BK n’a même pas fini de faire ses bagages que ces braves leaders politiques sont traînés dans la boue. Ce n’est pas juste. Il est vrai que pour la plupart, ils n’ont pas été des modèles de vertu de gouvernance loin s’en faut. Pour autant. N’est-il pas tout aussi vrai que les militaires non plus, n’ont pas légué que de formidables souvenirs de leurs irruptions répétées sur le champ politique au Mali ? De la même manière que le Kaki ne vaut pas en soi passeport d’irréprochabilité, le label de 91 ne vaut pas non plus en soi carton rouge d’exclusivisme politique. Les stéréotypes traînent toujours le mignon défaut de faire l’amalgame d’être aveugles sur les particularismes. L’exemplarité dans la gouvernance politique n’est pas forcément de tenue Kaki. La reprochabilité politique n’est pas non plus de label 91. Il faut même préciser que la gouvernance politique n’a pas à se vêtir de Kaki, le champ politique ne devant jamais se confondre avec un théâtre d’opération militaire. Les militaires, c’est pour faire la guerre. Les politiques, c’est pour faire la politique. A chacun son métier et tout rentrera dans l’ordre.

Pas deux légitimités nationales dans un même pays

Le gros risque encouru par le Mali est de voir le vent d’obsession kaki à l’allure de tornade et qui souffle sur la Transition, emporter tout sur son passage. Le pire serait que même le M5-RFP ne puisse résister à cette bourrasque. Le M5-RFP qui reste malgré tout le seul et unique père légitime de la Transition en cours. Il ne paraît pas juste de parler de deux légitimités d’envergure nationale au Mali par l’alliage du M5-RFP et du CNSP. Le CNSP est partie prenante du M5-RFP sans lequel il ne peut se couvrir de légitimité. C’est la légitimé du M5-RFP qui couvre de son acceptabilité la rupture constitutionnelle du 18 août 2020. Il n’y pas de légitimité de gâchette de canon qui vaille! La légitimité est du peuple ou ne l’est pas.

Attention de….

ATTENTION de sacrifier la Transition annoncée sur l’autel de l’obsession Kaki qui se nourrit du mythe du porteur d’uniforme vecteur de changements et champion de bonne gouvernance et de probité. L’excès du “tout sauf les politiques”, ne doit pas se vêtir en kaki de l’excès du “militaire ou rien”. ATTENTION de ne pas créer ou exacerber chez la junte, l’orgueil du sauveur miracle de la République et de la démocratie. Le sauveur n’est pas en tenue Kaki. Il est en lettres et chiffres M5-RFP. On le sait tous, aucun militaire n’aurait levé le petit doigt sans le patriotique et courageux travail de résistance farouche du M5- RFP. C’est grâce au M5-RFP y compris dans sa composante politique dite d’anciens leaders de 91 que le régime illégitime de IBK n’existe plus aujourd’hui. ATTENTION de vouer aux gémonies les leaders politiques du M5-RFP à travers le “tous pourris”. Qu’on le veuille ou non, les partis et les leaders politiques étant les “maux” garantes de la santé démocratique, ceux du M5-RFP qui ont ouvertement pris fait et cause pour la soif de changement des Maliens méritent un meilleur traitement. L’anathème du ‘tous pourris” qu’on leur jette à la figure est non seulement de nature ingrate au régard des prix payés en privation humiliante de liberté et en vie perdues mais aussi suicidaire pour le développement démocratique.

Ne pas pactiser avec les politiciens funambulistes et zélés

Il est inadmissible de jeter les leaders politiques du M5-RFP dans la poubelle où ont été et à juste titre, déposés par l’histoire, tous ces politiciens qui ont joué aux funambulistes indifférents à la souffrance du peuple ou qui ont brillé par leur zèle dans le soutien à l’ancien régime. C’est presque insultant, après leur hibernation pendant les meetings Place de l’indépendance, de les voir sortir subitement du bois, s’agiter comme des cabris, et vouloir jouer aux experts institutionnels du changement. La junte commettrait l’erreur fatale de pactiser avec ces diables de la politique. L’autre erreur de sa part, serait de succomber au chant des sirènes du “militaire ou rien” , très peu réaliste et simplement fondé sur des idées reçues. Les militaires n’ont pas leur place à la tête de la gouvernance politique d’un Etat en construction démocratique. Pour l’honneur de l’armée et de la démocratie, la transition politique ne doit pas porter la tenue Kaki.

Dr. Brahima Fomba Enseignant Chercheur Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako

Source : Sud Hebdo

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