Ping-pong au sommet de l’état : L’écran de fumée autour d’Assimi Goïta

La Transition a entamé le dernier virage de son terme échu. L’invraisemblable est qu’elle ne marque aucun point significatif pour son actif : peud’actes concrets à  comptabiliser, comme un fait fondateur de la refondation du pays ; l’œuvre historique pour laquelle elle a suscité tant d’espoir chez le citoyen lambda. Pire, des actions bling-bling sont inventoriées à longueur de journées pour redorer un blason quelque peu terni des autorités de la transition. Le chef suprême de la transition, colonel Assimi Goïta, n’y échappe pas, en s’installant dans le bling-bling éclatant, au détriment des préoccupations nationales, désormais reléguées au second plan.

 

Dans le train-train quotidien de Koulouba, sur les hautes manches du pouvoir d’Etat, on est encore loin de marquer le rythme endiablé d’un régime au galop, aux prises à tous les grands défis d’un Etat au bord du gouffre, comme c’est le cas pour le nôtre, empêtré dans toutes sortes de crises existentielles : insécurité grandissante, menace terroriste, tension sociale, crise politique et institutionnelle…

Opérations tape-à-l’œil

Dans un tel décor explosif, synonyme de défis énormes, pour le pays, il serait logique de voir le champion de Koulouba, le colonel, Assimi Goïta, s’attaquer frontalement, avec courage et détermination, aux grands problèmes qui assaillent le pays. Plutôt que le contempler se complaire à inaugurer des chrysanthèmes, tel cet automate sur les circuits de rallye automobile, confondant vitesse et précipitation, sur le parcours de la compétition, au point de perdre de précieux point sur la ligne d’arrivée.

En fait, l’opération dite de campagne de réalisation de forages du colonel-président de la transition, le colonel Assimi Goïta, s’inscrit dans cadre, où, selon les spécialistes du marketing politique, c’est désormais la gouvernance bling-bling qui prend alors le dessus sur les actions concrètes, vitales pour le redressement d’un pays, où tout devient à la fois priorité et défi.

Rien qu’à voir le contexte sociopolitique du pays : une crise sécuritaire des plus aiguës, menaçant gravement le fondement même de l’Etat, arrimée à une sorte d’errance de gouvernance monumentale, le tout imbibé dans une morosité économique ambiante et une tension politique  exacerbée, on a du mal à voir que les actions d’éclat de l’homme fort de Bamako soient réduites à des opérations tape-à-l’œil, à l’image des manifestations de distribution de vivres, de réalisation de forages…

« Tout ça, pour ça », s’indigne-t-on dans les milieux populaires, où on est confronté à un quotidien d’enfer, dans un pays qui est à la croisée des chemins, tant les défis sont énormes et les attentes encore plus nombreuses.

A la prise du pouvoir par la junte militaire, il y a juste une année, après la chute du pouvoir d’IBK, si les Maliens, dans une certaine mesure, et dans une grande proportion d’entre eux, avaient émis des réserves contre les sanctions prononcées par la Cedeao contre leur pays, pour condamner le coup d’Etat militaire perpétré par la junte militaire de Kati, c’était parce qu’ils avaient hâte de voir le pays prendre le chemin de l’avenir avec tout le bien que l’on pense de la soldatesque au pouvoir.  Avec au moins le vœu sacret que serait désormais banni, dans tout le pays, le désordre ambiant qui a fini de faire du Mali le pays où tout peut arriverà tout moment.

Mais hélas ! Rien n’y fit. Bien au contraire, l’exercice du pouvoir par la soldatesque de Kati a très vite déchanté nombre de Maliens.

Si le chef de la junte militaire, très longtemps confiné dans son rôle taillé sur mesure de « vice-président de la transition », s’est par la suite décidé à prendre les rênes de l’Etat, en arrêtant le duo Bah N’Daw- Moctar Ouane, c’était justement, ou du moins selon le discours officiel, pour changer le cap.

Un souvenir refoulé

Aujourd’hui, à quelques encablures de la fin annoncée de la transition, si les échéances étaient respectées à la lettre, la volonté et la capacité des autorités de la transition sont sujettes à caution.Lors de son investiture à la plus haute manche du pouvoir, les propos entonnés de manière martiale par le colonel Goïta sonnent encore dans l’esprit des Maliens comme un souvenir refoulé : « Aujourd’hui, nous avons une responsabilité historique : celle de transcender nos divergences pour sécuriser notre pays, pour préserver son intégrité territoriale et pour créer les conditions d’un développement socioéconomique nous permettant d’offrir un avenir meilleur à notre postérité».

Tel un candidat embusqué à la présidentielle à l’occasion, il s’est empressé d’ajouter : « Je m’emploierai  à la réduction du train de vie de l’État. D’ores et déjà, j’ai décidé d’allouer les deux tiers du fonds de souveraineté du président, soit un milliard huit cent millions annuels, aux œuvres socio-sanitaires, notamment pour faciliter l’accès à l’eau potable et aux soins de santé primaire dans les zones difficiles de notre pays. Face à ces impératifs, aucune couche, ni aucun groupe ne sera écarté, car le Mali a besoin de chacun et de tous».

Voilà, en ce moment-là, le doute n’était pas permis : Assimi Goïta qui venait de prendre les rênes de l’Etat bénéficiait du bénéfice du doute chez un grand nombre de Maliens. Et cela, d’autant plus qu’en militaire aguerri, de surcroit artisan d’une nouvelle gouvernance vertueuse, comme il l’avait annoncé dans son discours d’investiture, on attendait beaucoup plus de lui. Ne serait-ce que sur le plan sécuritaire, où les menaces les plus violentes pèsent sur notre pays.

Les Maliens gardent encore à l’esprit que le colonel-président, pour justifier la prise du pouvoir par l’armée, avait déclaré que « l’armée a connu plusieurs morts dans ses rang ». Histoire, dit-on, de reconnaître que ça suffisait ainsi et qu’il faille mettre fin à un tel scénario macabre.

Certes, il est bien connu que la lutte conte les terroristes est très difficile à mener, compte tenu du caractère asymétrique de la guerre dont il s’agit. Et c’est justement pour cette raison et pour ce défi que le président de la transition, officier aguerri de terrain, bombardé chef suprême des armées, doit se départir des actions d’éclat à but de promotion politique inavouée pour se consacrer à ce défi sécuritaire, sensible et complexe à la fois, sur lequel il devra s’attendre ou non à des lauriers.

Non pas ceux tissés à sa gloire par des laudateurs zélés qui trouveront en toute matière, même les plus futiles, pour flatter son égo. Mais ceux à lui décernés par la nation reconnaissante.

Oumar KONATE 

Source : La Preuve

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