NOUVELLE LOI ÉLECTORALE : Une fissure dans l’exécutif ?

Un amoncellement certain d’épaisses couches de nuages couvre le ciel de l’exécutif malien. La faute au Conseil National de Transition (C.N.T.) qui a osé pourfendre un projet de loi électorale orchestré et initié par le Gouvernement avec, à sa tête, le Premier ministre. Il n’est pas dans notre intention de gloser sur cette démarche inédite dans notre pays (d’autres s’en sont chargés et avec brio, dans une de nos éditions antérieures), qui consacre une rupture nette entre l’Exécutif et le Législatif sans, pour autant, remettre en cause le bon rapport existant entre la Présidence et le Palais de Bagadadji.

S’il n’a pas officiellement retoqué ce projet de loi électorale derrière lequel Choguel Kokalla Maïga et toute son équipe s’étaient dressés comme un seul homme, le C.N.T. vient de leur porter une sérieuse estocade. Qu’est-ce qui a bien pu prendre Choguel Maïga, ce vieux routier de la politique malienne, pour vouloir concocter un projet de loi qui voudrait réduire le Ministère de l’Administration territoriale à une coquille vide dans l’organisation des élections ? Son projet d’organe unique (la belle trouvaille !) l’avait-il obnubilé au point de lui faire perdre le sens du réalisme ? Le semblant de popularité, à lui accordé par une certaine opinion, l’a-t-il poussé à vouloir tenter l’ultime coup de force contre ses propres mandants ? Comment, avec autant d’expériences, autant de savoir, le PM a-t-il pu commettre la bourde de vouloir mettre hors-jeu le département le plus incontournable dans l’organisation des élections ? A-t-il seulement pensé aux conséquences d’un tel choix sur l’actuel pensionnaire du département en question, en l’occurrence le Ministre de l’Administration territoriale ? Ce dernier est-il un « pion » que l’on pourrait pousser à sa guise dans l’équipe qui dirige notre pays ?

Quand un chef agit sans prévoir les conséquences de ses propres actions, il étale son manque de vision pour occuper les hautes fonctions et diriger un pays. Le Premier ministre a commis trop d’impairs dans cette affaire : la non-association des acteurs incontournables de la politique, notamment les partis politiques, la transmission au Président de la Transition et au C.N.T. d’un projet de lois plus qu’imparfait, la non-prise en compte des militaires détenteurs du pouvoir et de leurs éventuels intérêts… Malheureusement pour lui et son gouvernement, le C.N.T. a sollicité et obtenu l’aide précieuse des partis et des personnalités politiques. Ce fait même est un désaveu en soi de la démarche du Gouvernement qui est allé jusqu’à élaborer son projet de loi en l’exclusion de ceux à qui il s’adresse en premier lieu. La « transformation » en profondeur du document est un signal fort pour faire comprendre que ceux qui ont mis le PM en fonction savent ce qu’ils veulent. Ils sont jeunes, ils sont militaires, mais ils sont loin d’être inintelligents en matière de jeux politiques.

Le plus dur, pour le PM et son Gouvernement, c’est que le Président de la Transition ait promulgué, une semaine après son adoption par le C.N.T., la désormais Loi électorale sur la base des quatre-vingt-douze amendements proposés, votés et adoptés en séance plénière, le 17 juin dernier. Ce qui veut dire que le Président n’est pas forcément opposé au désaveu subi par le Gouvernement, d’une part, et, d’autre part, qu’il est parfaitement en phase avec Malick Diaw, en particulier, et le « parlement » transitoire, en général. La rupture semble donc consommée, et l’avenir du Dr. Choguel K. Maïga plus qu’incertain à la tête du Gouvernement. Le monde de la politique est truffé de pièges et les mains qui les posent peuvent en être les premières victimes. A bon entendeur…

Tiécoro Sangaré

Source: Journal Les Échos- Mali

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