Non tenue de la présidentielle de 2018 : Réplique de Fomba à Daba !

Lors de l’émission « Débat politique » du 22 février 2018 sur la radio Kledu, l’invité Daba DIAWARA Président du PIDS s’est complètement trompé à travers un laborieux exercice d’extrapolation de l’article 36 de la Constitution à la situation de vide constitutionnel qu’entrainerait l’impossibilité de la tenue du scrutin présidentiel à la date du 29 juillet 2018.

Interrogé sur ce que la Constitution prévoit au cas où le scrutin présidentiel n’aurait pas lieu à la date constitutionnelle du 29 juillet 2018, Daba DIAWARA, quelque peu hésitant il est vrai comme s’il ne s’attendait pas à la question, a répondu que c’est le Président de l’Assemblée nationale qui assurerait l’intérim de la Présidence de la République dans cette circonstance. Cette interprétation de la Constitution nous paraît totalement erronée, car l’article 36 de la Constitution relative à l’intérim de la Présidence de la République ne saurait souffrir d’une telle extrapolation. Rappelons que cet article est ainsi libellé : « … En cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce soit ou d’empêchement absolu ou définitif constaté par la Cour Constitutionnelle saisie par le Président de l’Assemblée nationale et le Premier ministre, les fonctions du Président de la République sont exercées par le Président de l’Assemblée nationale… ».

 

L’empêchement implique l’incapacité du Président en exercice à assumer ses charges constitutionnelles

L’article 36 auquel Daba DIAWARA s’adosse n’est invocable que dans les seules hypothèses d’empêchement du Président de la République alors qu’il demeure en cours de mandat. A cet égard, l’empêchement qui peut être temporaire ou définitif, se définit comme l’incapacité physique ou mentale du Président de la République en cours de mandat à assumer ses charges constitutionnelles. L’article 36 de la Constitution vise ainsi à assurer la continuité de l’Etat et éviter qu’en cours de mandat présidentiel, ne s’installe un vide juridique au sommet de l’Etat. Le Président du PIDS confond l’état d’incapacité du Président de la République à assumer ses charges constitutionnelles avec la situation de fin de mandat constitutionnel du Président de la République. Or, il s’agit de deux situations juridiques complètement différentes. La question posée à Daba DIAWARA qui était relative à ce que prévoit la Constitution au cas où le scrutin présidentiel n’aurait pas lieu le 29 juillet 2018, n’a absolument rien à voir avec les dispositions de l’article 36 de la Constitution ayant servi de fondement à sa malencontreuse démonstration totalement erronée.

L’article 36 de la Constitution vise, non pas l’infraction constitutive de violation constitutionnelle grave de la part du Président de la République qui n’organiserait pas le scrutin présidentiel à la date du 29 juillet 2018, mais plutôt les situations d’empêchement définitif notamment, qui s’inscrivent naturellement à l’intérieur des limites du mandat présidentiel, mais jamais au-delà.

S’agissant en particulier de l’empêchement définitif, l’article 36 vise deux situations spécifiques constituées de la « vacance de la Présidence de la République » et de « l’empêchement absolu ou définitif du Président ». On fera remarquer que contrairement au cas où il y aurait vacance de fait par exemple suite à un décès, il peut s’avérer parfois nécessaire de faire établir le caractère « absolu et définitif » d’une situation d’empêchement du Président de la République qui peut provenir par exemple d’une démence ou d’une déchéance physique grave et irréversible etc…. En tout état de cause, toutes ces situations supposent que le Président  de la République demeure en exercice de son mandat constitutionnel.

 

Un Président au mandat expiré n’est pas un Président « empêché »

A partir du moment où le Président de la République se met en situation juridique d’Ex Président, c’est-à-dire de Président dont le mandat a pris fin, l’article 36 de la Constitution n’est plus d’aucune utilité juridique. Aucune acrobatie argumentaire ne saurait dès lors arracher l’article 36 de son objet constitutionnel normal pour le coller sur une situation qu’elle n’est guère sensée régenter ? C’est tout l’anachronisme de l’exercice d’interprétation de Daba DIAWARA du PIDS ! Si tant est qu’un Président de la République arrivé en fin de mandat n’est pas assimilable à un Président de la République en exercice empêché au sens de l’article 36 de la Constitution, le Président Daba DIAWARA doit impérativement revoir sa copie. En vérité, l’hypothèse de l’incapacité du Président de la République à tenir le scrutin présidentiel à la date constitutionnelle du 29 juillet 2018 n’a réponse nulle part dans le texte de la Constitution du 25 février 1992. Il faut se garder, à travers des exercices d’extrapolation douteux, de faire dire par la Constitution, ce qu’elle ne dit pas. Si jamais le Président IBK prenait la responsabilité historique de ne pas tenir le scrutin présidentiel le 29 juillet 2018, il est évident que le montage juridique constitutionnellement bancal suggéré par le Président DABA DIAWARA ne lui serait d’aucun secours. Tel un château de paille, c’est à grand fracas que ce montage va vite s’effondrer, car il est à peu près certain que les Maliens ne vont pas tarder à vomir ce bricolage institutionnel. D’ailleurs, le Premier ministre mieux avisé sur la question, n’a-t-il pas déjà averti, à très juste titre, que « si la présidentielle n’était pas tenue à date, personne n’aurait la base juridique pour diriger le Mali » ? Personne en effet ! Pas même le Président de l‘Assemblée nationale en posture d’intérimaire !

En d’autres termes, dans l’hypothèse où la présidentielle n’était pas organisée le 29 juillet 2018, le Mali ferait face à un vide constitutionnel que ne saurait aucunement combler le raccourci juridique pour le moins abrupt du Président du PIDS. Si le scrutin présidentiel n’a pas lieu le 29 juillet 2018, aucun Président d’Assemblée nationale ne serait constitutionnellement fondé à assurer un quelconque intérim de la Présidence de la République du Mali. Autrement, il se rendrait coupable de complicité de coup d’Etat constitutionnel. La non tenue à bonne date du scrutin présidentiel de 2018 conduirait ipso facto le Mali à un vide constitutionnel synonyme de fin de règne pour IBK et tout son régime.

Si le scrutin du 29 juillet 2018 n’a pas lieu, il s’inventerait, à défaut de base juridique pour diriger le Mali, une nouvelle légitimité politique préfigurant un autre contrat social pour notre pays.

Dr Brahima FOMBA

Université des Sciences Juridiques

et Politiques de Bamako(USJP)

Source: L’ Aube

Suivez-nous sur Facebook sur