Gouvernance: menace sur les libertés

Alors que la progression des groupes armés terroristes ne fait l’objet d’aucun doute au nord et au centre du pays et que la CMA continue de mettre un coup d’arrêt à la montée en puissance de l’armée reconstituée, conformément à l’accord pour la paix et la réconciliation nationale, des arrestations extrajudiciaires de personnalités politiques prennent le pas à Bamako. La démocratie malienne sous le leadership du président Ibrahim Boubacar Keita serait-elle en train d’amorcer le virage de sa déconfiture ?

 

Suite logique d’une mise en scène entamée en avril dernier avec l’arrestation de militaires et civils pour « tentative de déstabilisation des institutions de la République » ou début d’un bâillonnement de la démocratie malienne ? En tout cas, la nouvelle trajectoire du Grand Mali, depuis quelques semaines, inquiète les observateurs. Après des nuits folles à Bamako et dans plusieurs localités de l’intérieur du Mali, suite à la proclamation définitive des résultats des élections législatives, place aux menaces, intimidations et arrestations extrajudiciaires. Depuis samedi dernier, deux personnalités politiques sont entre les mains des services de sécurité du pays. Il s’agit du Pr Clément Mamadou Dembélé de la Plateforme de la Plateforme de lutte contre la corruption et le chômage (PCC) et Nouhoum Sarr, Président du Parti Front Africain pour la Démocratie (FAD). C’est le Pr Dembélé qui a été le premier arrêté ce 9 mai 2020, suivi de M. Sarr, ce lundi 11 mai.

Avant eux, c’était l’ex-député de Kati Bourama Traoré dit Bananzolé Boura et compagnons qui avaient été interpelés par le Camp I de la Gendarmerie de Bamako.

Que s’est-il passé ? Jusqu’où se poursuivront ces arrestations extrajudiciaires ?

Les proches du Pr Clément Dembélé n’hésitent pas d’évoquer un ‘’enlèvement’’ au sujet de leur porte-parole. Au cours d’un point de presse le dimanche dernier, des responsables de la PCC ont indiqué que leur porte-parole ‘’a été enlevé par des hommes armés près de son domicile à Banconi en commune I du District de Bamako lorsqu’il se rendait à une réunion de la plateforme avec d’autres organisations de la société civile dans le cadre de la mutualisation des efforts pour la défense des intérêts du peuple malien’’.

Depuis son enlèvement, a affirmé Youssouf SANOGO, la Plateforme n’a aucune nouvelle de son porte-parole. Qui l’a arrêté et pour quel motif ? Ils n’ont aucune réponse. Toutefois, ils sont persuadés que le mode opératoire est celui de la Direction générale de la sécurité d’État (DGSE), accuse M. SANOGO.

Ce lundi 11 mai 2020, ce fut le tour du jeune Nouhoum Sarr Président du Front Africain pour la Démocratie (FAD) de se faire arrêter par la Brigade d’Investigation Judiciaire, selon des sources de son parti.

Si pour le moment, l’on ignore les vraies raisons de cette arrestation, il n’en demeure pas moins que ce responsable politique tout comme Clément Mamadou Dembelé, est loin d’être tendre avec le régime IBK, dont il dénonce la corruption et l’incapacité à faire face aux charges du pays.

Le Parti ADEPM par la voix de son Président, Aboucar Sidik Fomba, lui a exprimé, sur sa page Facebook, sa solidarité avant d’exiger sa libération immédiate.

« Le parti ADEPM rappelle le gouvernement que le camarade Nouhoum Sarr est un président de parti politique et la charte des partis politiques lui confère la liberté d’expression. Le gouvernement de la République doit plutôt faire face aux urgences du pays en travaillant et en produisant des résultats au lieu de se donner à ce jeu qui ne fera qu’envenimer la situation », préconise-t-il.

Au moment où ces deux responsables politiques sont aux arrêts, une longue liste de personnalités politiques et militaires circule sur les réseaux sociaux comme étant dans le collimateur de la SE. Parmi lesquelles, le Président du patronat du Mali, Mamadou Sinsi Coulibaly, Soumeylou Boubeye Maiga, le général Kéba Sangaré.

Au Mali, nous pensons que l’urgence du moment est ailleurs : c’est bien la cohésion nationale, la lutte contre le terrorisme, la paix et la réconciliation nationale, la lutte contre la corruption, à travers la conclusion des nombreux dossiers suspendus devant la justice (Affaire Bakary Togola, affaire de l’avion présidentiel, des équipements militaires, des blindés en carton…). L’urgence s’appelle également la libération du Chef de file de l’Opposition entre les mains des groupes armés depuis le 25 mars 2020.

Sur l’ensemble de ces fronts, le régime qui laisse entrevoir une certaine fébrilité risque de se tromper lourdement en voulant en imposer au peuple par le musellement.

Les dernières élections législatives ont déjà porté un sérieux coup à la cohésion sociale de notre pays, après la proclamation de l’arrêt définitif de la Cour constitutionnelle qui avait occasionné des manifestations nocturnes à Bamako et à l’intérieur du pays.

Par Sidi DAO

INFO-MATIN

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