Dr Choguel Kokala Maïga à cœur ouvert sur le plateau d’Africable TV : «Le Mali peut trébucher mais ne tombera pas » (4ème partie)

Dimanche 12 avril, le président du Mouvement Patriotique pour le Renouveau (MPR), Dr Choguel Kokala Maïga était sur le plateau de l’émission ‘’Politik-Invité’’ de la télé Africable Télévision. Face au journaliste Sékou Tangara, le président du MPR a été, à la fois, éloquent et convaincant. Après nos précédentes livraisons (Sursaut N°73, 74, 75 et 76) dans lesquelles nous sommes revenus sur les grands sujets abordés lors de ce débat, nous vous proposons ci-dessous, une autre séquence (la dernière partie) de cette émission, transcrite par nos soins.

 AFRICABLE : Certains acteurs politiques estiment que la solution de la situation que vit le Mali c’est dans l’élection présidentielle de juillet prochain, que si l’on ne parvient pas à stabiliser le pays soit les Maliens sanctionnent ou renouvellent leur bail au président actuel ?

 Dr Choguel Kokala Maïga : C’est le même discours, qui a été tenu en 2013 pour tenir les élections. Des arguments qui demandaient à mettre un Président, sinon qu’il n’y aura pas d’interlocuteur pour la Communauté Internationale avec le Mali. Mais, qu’est-ce qu’on a fait entre temps ?

L’opération SERVAL, quand elle venait au Mali, Dioncounda Traoré avait demandé l’appui aérien pour que l’armée malienne puisse faire le travail au sol. Ce travail a été fait à Konna, Gao, Tombouctou, arriver à Annefis, halte… vous ne passez pas !

La nature de l’opération SERVAL a changé, d’appui aérien il y a eu une intervention au sol. La France a envoyé 4000 militaires en trois mois. L’opération SERVAL coutait un milliard de FCFA par jour. Les Tchadiens sont venus, mais on a interdit aux Maliens d’entrer. L’opération a changé de nature.

Le MNLA qui avait disparu, militairement, politiquement, moralement on l’a ramené pour le réinstaller. Le HCUA qui était dans Açardine on l’a détaché pour créer un mouvement, pendant ce temps on dit que le Mali ne va pas là-bas. Pendant des mois on a laissé les gens se réorganiser contre le Mali encore. Si le nouveau Président vient on va lui jouer le même tour.

Quand la MINUSMA venait, beaucoup de Maliens ont applaudi.  En cette période, j’ai rencontré beaucoup d’officiers supérieurs de notre pays qui n’étaient pas favorables. Car pour eux, il n’existe pas un pays où ce système a amené la paix. Pour preuve, quand la MINUSMA venait tous les Maliens ont cru que c’était pour rétablir l’intégrité du pays sur l’ensemble du territoire national. Qu’est ce qu’on a vu ?

La résolution 21-00 du 23 avril 2013 qui exigeait que les mouvements militaires soient désarmés, les accords de Ouagadougou qui exigeaient qu’ils soient désarmés ont été mis à côté. Chaque fois que les mouvements armés sont en difficulté, si ce n’est pas la MINUSMA, c’est la force SERVALE qui les protège. On se rappelle de Menaka. Quand Gattia a pris Menaka, c’est la MINUSMA qui s’est interposée. Quand Gattia a voulu prendre Kidal, c’est Serval qui s’est interposé.

Donc, on a le sentiment qu’il y a une stratégie de maintenir, la tension en permanence, de maintenir l’instabilité, de créer une situation d’ingouvernabilité dans le Mali pour justifier l’objectif ultime. Qui est de donner l’autonomie aux régions du Nord en première étape, la fédération en 2ème étape et en 3ème étape, l’indépendance dans cinq ou dix ans, je suis convaincu que c’est ce qui se cache derrière tout cela.

Aussi, longtemps que les Maliens ne fassent pas bloc autour d’un homme et laisser tomber toutes nos divergences on ne peut pas avancer.

Mais,  il faut en  ce moment que nous-mêmes qu’on soit responsables. Les français et  la MINUSMA ne vont pas amener la paix si les Maliens ne sont pas à la hauteur. Nous avons détruit notre armée, nous avons désorganisé notre Etat. Il faut que nous-mêmes, fassions notre autocritique. Que nous nous donnons la main. La communauté internationale a besoin d’un interlocuteur crédible.

Et ces français qui sont venus mourir ici ? Je vois des Maliens qui manifestent en déchirant le drapeau français, ce n’est pas nécessaire. Les français ont sauvé notre pays en 2013. Quelque soit ce que les calculs géostratégiques on fait, on ne doit pas oublier ça. Plus de 20 de leurs enfants sont morts, imaginez les mères de ces soldats français qui en France voient les Maliens déchirer leur drapeau.

Il faut que les Maliens eux-mêmes, se disent : le moment est venu de se donner la main dans notre pays. Qu’on regarde dans un seul sens. C’est en  ce moment que la communauté internationale va nous prendre au sérieux. Nous ferons échec aux objectifs stratégiques de ceux qui veulent diviser notre pays en passant par des stratagèmes, autorités intérimaires, décentralisation poussée, ensuite fédération. Et dans 15 ans on va dire qu’il faut diviser le Mali.

 Cet appel à l’union des Maliens à faire bloc derrière leur pays, qui est ce qui doit l’amorcer ? Le plus souvent vous les hommes politiques, en parlez avec de bonne foi. Mais la plupart du temps ce sont les hommes politiques qui ne sont pas capables de dépasser leur ego pour tendre la main à l’autre

Qui est ce qui doit être à la base de cet appel au sursaut à s’unir autour de l’essentiel qu’est le Mali ?

 CKM :  vous savez, lorsque ATT est tombé, beaucoup de gens qui passaient chez lui à Koulouba, qui étaient dans son gouvernement, qui passaient chez lui à la maison, qui partaient le voir la nuit ont couru à Kati pour aller l’insulter.

Personne ne nous a vu là dans . Dieu seul sait qu’on était en froid avec ATT quand il tombait. Quand les gens, se sont bousculés pour aller à Ouaga, moi je ne suis pas allé. Il y a eu des pressions, mais j’ai dit : je ne pars pas. Par ce que c’est là-bas, pratiquement l’épicentre de la rébellion. Mais les gens ont couru et allé là bas pour des postes de ministres. Par ce qu’ils ont pensé que c’est à Ouaga, que le gouvernement sera fait.

Lorsqu’on a voulu assassiner Dioncounda, lui a été sauvé par le bon Dieu et la dextérité de Cheick Modibo Diarra. Vous savez ? quelques jours après les gens de son parti ce sont réunis pour aller le remplacer à l’Assemblée Nationale. Quand ils sont venus chez nous, je leur ai dit que les députés du MPR ne participeront jamais à un vote contre Dioncounda. On attendra le jour ou il viendra, surtout que je me rappelle que c’est l’un des hommes les plus correctes dans les alliances qu’il a eu avec nous. L’accord qu’il a conclu avec nous pour être Président de l’AN, chaque fois que son parti a voulu le remettre en cause, il a refusé. Ce sont des exemples que je donne pour vous dire que nous avons une permanence dans notre façon de voir

Pour donner une réponse concrète à votre question, si elle était posée au Mali demain le MPR donnera sa réponse. De ce fait, je ne peux pas la donner sur un plateau de télé.

Depuis la nuit des temps on a vécu en parfaite symbiose, en parfaite harmonie, mais depuis quelques temps on assiste à des violences intercommunautaires au Nord et au Centre du pays. Qu’est ce que le politique que vous êtes, pense de ces violences intercommunautaires ? Est-ce que c’est possible de les circonscrire ?

CKM : lorsque l’Etat démissionne, l’Etat dépérit, l’Etat disparait, c’est l’anarchie. C’est pour cela qu’un chef d’Etat, sa première mission, ce ne sont pas les routes, ce ne sont pas les centres de santé, ni les écoles encore moins les forages. Même si tout cela est très bien, mais le premier besoin de l’homme c’est la sécurité. Un chef de l’Etat qui n’arrive pas à assurer la sécurité de ses citoyens ? L’outil de défense, l’armée c’est la colonne vertébrale d’une nation.

Quand un pays détruit son armée il faut qu’il en paye le prix. C’est ce prix que nous sommes en train de payer. On a détruit notre armée. Aujourd’hui on a perdu notre souveraineté, on est mis sous tutelle. Il faut qu’on s’asseye pour dire qu’est qu’on fait pour cela ?

Donc les populations qui s’entretuent, vous savez, les conflits intercommunautaires pour des pâturages, pour des champs, pour ceci ou pour cela ont toujours existé, mais aujourd’hui cela a pris une autre dimension par ce que l’Etat n’est pas là. l’Etat à disparu. L’Etat a dépéri.

Maintenant que des groupes se sont affiliés aux salafistes, ils profitent de la faiblesse de l’Etat pour mettre des gens en conflit. C’est des questions politiques, et tant qu’il n’y a pas une solution politique au niveau national ces problèmes vont continuer. Je vois de temps en temps, on prend quelques notables, des fonctionnaires qui sont à Bamako, ils vont là-bas, on les montre à la télé qu’ils sont venus réconcilier les gens. Quand ils retournent, le lendemain les gens se tuent. Par ce que ce n’est pas ça. Ce n’est pas un fonctionnaire qui est à Bamako qui a la solution. C’est très bien, ce qu’ils font, moi je suis d’accord qu’ils aillent prêcher la paix, mais c’est l’Etat qui doit prendre les choses en main. Aussi, longtemps que l’Etat dépérissera, que l’Etat disparaitra, il y aura l’anarchie.

Est-ce qu’on peut en savoir davantage sur le livre que vous, vous apprêtez à lancer sur le marché portant sur la rébellion au Mali?

 CKM : Depuis 2011, j’ai beaucoup réfléchi, sur ce qui se passe dans notre pays. J’ai choisi deux personnes avec qui je suis entrain de travailler. L’une a pratiquement relâché, je continue de travailler avec l’autre. Nous travaillons depuis cinq ans, mais surtout les deux dernières années. Je suis arrivé à la conclusion, comme disent les médecins : pour soigner une maladie il faut  d’abord bien le diagnostiquer. J’ai décidé donc d’aller aux sources pour savoir d’où vient cette question de rébellion ? Par ce que tous les arguments qu’on avance…le sous développement, l’abandon des populations du Nord… Cela peut être vrai, mais le fond ce n’est pas ça. J’ai l’habitude dire aux uns et aux autres que la malnutrition sévère ce n’est pas à Gao, ce n’est pas à Kidal, ce n’est pas à Tombouctou. Mais c’est peut être dans les régions de Sikasso, de Kayes… Par exemple, les ressortissants de Kayes qui sont en France, qui passe des jours à souffrir, souvent dix à dormir dans une chambre. Ce qu’ils économisent leur servent à venir construire des centres de santé, des écoles, des forages chez eux. Les ressortissants du Nord qui sont allés par exemple en Libye, qui se sont enrichis. Pourquoi ceux-ci ne viennent pas faire de telles réalisations chez eux ? Pourquoi, ils retournent avec des armes pour venir tuer des Maliens ? Donc ce n’est pas une question de développement.

Tout ce que l’Etat a construit à Kidal et Gao on l’a détruit. Il faut donc qu’on s’assoit pour faire un bon diagnostic. Donc c’est ce diagnostic que j’ai fait dans ce livre.

J’ai pris depuis bien avant la pénétration coloniale, comment la France a géré les relations entre les gens, à l’indépendance qu’est ce qui s’est passé, la première et  la deuxième rébellion…Le dépérissement de l’Etat dans les années 1990  et l’installation des salafistes et jusqu’aujourd’hui, en janvier 2018.

Ce livre est ma contribution dans la réflexion et le diagnostic de la rébellion pour qu’on trouve des solutions. Par ce que personne ne viendra faire notre pays à notre place. Il faut qu’on se comprenne pour se donner la main. Par exemple, quand je vois les défilés militaires, certes je suis de peau noire, mais je ne vois pas beaucoup d’arabes et de touaregs dans les rangs. Pour quelle raison ? Mais cela ne donne pas droit aux arabes et aux touaregs d’aller tuer des personnes pour dire que c’est de cette façon qu’ils pourront avoir gain de cause. Les séparatistes ne vont jamais imposer leur volonté à la majorité des populations, par ce qu’ils sont ultra minoritaires. Les premières victimes de la rébellion, c’est d’abord les touaregs. Qui sont victimes souvent des représailles injustes. Qui sont dans les camps de refugiés, malheureux, alors que ceux qui provoquent la rébellion sont dans des hôtels  à Rabat, à Bamako, à Paris. Ils sont entre les avions. Il faut donc qu’on s’assoit pour regarder toutes ces questions pour en trouver des solutions. Que chaque composante de la nation, la plus petite, se reconnaisse dans le travail, les images et les représentations de l’Etat. Voilà le diagnostic que j’ai eu à faire dans ce livre là. Ce serait bien pour tout le monde d’ailleurs, par ce que notre Etat a manqué d’analyses sociologiques de la situation du Nord pour contrer la propagande des lobbies séparatistes et de leur relais dans tout le monde entier. Ce livre sera publié, s’il plait à Dieu au mois de mai.

Le MPR ira aux élections, si d’aventure elles se tenaient ?

CKM : Nous avons nos deux plans. Mais je ne crois pas que la meilleure formule est d’aller à ces élections là. Et si d’aventure elles se tiennent vous pouvez compter sur nous, on sera présent d’une façon ou d’une autre. Dans une alliance ou seul, on sera présent. Mais, si les Maliens se rendent compte que la tenue de ces élections n’est pas prioritaire pour eux pour eux et pour le pays, en ce moment nous mettrons sur la table nos solutions pour mettre le Mali sur les rails.

Est-ce que vous avez un dernier mot pour les Maliens qui vous suivent ce soir ?

CKM : Je voudrais que les Maliens toutes tendances confondues ne perdent pas espoir. Vous savez l’homme vit d’espoir. Même lorsque vous êtes en phase terminale d’une maladie, gardez toujours l’espoir de vivre. Je suis convaincu que cette minorité soutenue de l’extérieur, le complot qui est ourdi contre notre pays, ne passera pas, par ce que nos populations, les touaregs, les arabes, les sonrhaï, les peuhls, les bambara, les senoufo, les mianka, les bobo… n’accepteront pas que notre pays soit divisé. La majorité des Maliens ne veulent vivre qu’en paix. Tous les responsables qui sont dans la rébellion aujourd’hui je leur demande de comprendre que les manipulations dont ils font objet, que les calculs géostratégiques que d’autres pays les utilisent, c’est pour une courte durée. Ils doivent se mettre ensemble, poser leurs exigences entre nous, qu’on en trouve des solutions pour construire notre pays. Personne ne pourra divisera le Mali. Dans la région de Kidal, quand vous regardez, la population fait environ 70 000 personnes sur les 18 millions de Maliens. Sur ces 70 000 personnes, ce sont à peu près 1000 à 5000 personnes qui sont à la base de toutes les rebellions. Il faut qu’on s’asseye avec eux pour réfléchir sur ce qu’il faut. De toutes les façons, les gens n’accepteront jamais qu’ils imposent leur volonté à la majorité. Par ce que la majorité des touaregs n’est pas d’accord avec la rébellion. Le Gattia, tout le monde sait que c’est le résultat de la frustration de la communauté Imgad. Vous avez les Iknanes, les Ifogas, les Bêlah qui sont majoritaires et les vrais propriétaires de la terre là bas. Donc tout ce monde là, mais une minorité ne peut pas s’imposer à eux. Leur imposer des relations féodales. On est dans un système démocratique, un homme une voix. Maintenant s’il y’a des considérations d’ordre social, ou traditionnel, ou même culturel qu’il faut prendre en compte, il faut en discuter au niveau du Gouvernement, voir comment prendre cela en charge.

Voilà ce que je voulais dire, que les Maliens ne perdent pas espoir. Notre pays ne tombera jamais. Il va trébucher, mais ne tombera jamais.

La Rédaction

 

 

Par Le Sursaut

Suivez-nous sur Facebook sur