Zhu Liying, ambassadeur de Chine au Mali l’a affirmé hier à l’Indépendant: » Après deux mois d’efforts considérables, la Chine a bien réussi à contrôler l’épidémie «

L’Ambassadeur de la République populaire de Chine au Mali, Zhu Liying est revenu, hier jeudi, dans une interview exclusive accordée à L’Indépendant, sur l’origine du coronavirus, les mesures prises par les autorités chinoises pour le freiner et appuyer les autres pays du monde. Selon le diplomate chinois, son pays, après deux mois d’intense travail, a réussi à contrôler le Covid-19, qui a contaminé 191.128 personnes à travers le monde dont 7 807 cas de décès.

L’Indépendant : Le nouveau virus appelé Covid-19 est apparu en Chine en fin décembre 2019, tuant quelques milliers de Chinois. D’où vient-il et quelles en sont les sources?

ZHU Liying : Apparemment le Covid19 a fait sa première apparition à Wuhan. Mais rien ne prouve que sa première origine se trouve à Wuhan. Cette position scientifique a été réaffirmée à maintes reprises par l’OMS, l’Organisation mondiale de la Santé. Il est vrai qu’on a trouvé des souches pathogènes en Chine. Mais des souches ont été trouvées également sur d’autres continents. Le CDC américain a même avoué récemment que la grippe qui sévit aux USA à partir d’octobre 2019 (note: avant Wuhan) et qui a fait plus de 14 000 morts dans le pays, porte les mêmes propriétés du Covide-19, mais faute de dépistage…

Sur ce nouveau virus, l’humanité connaît peu. La politisation d’une telle question scientifique n’est certainement pas constructive. Or, des politiciens américains se sont précipités à désigner ce virus « Wuhan virus » et même « Chinese virus ». Ces propos racistes, xénophobes et discriminatoires ont été condamnés fermement par la Chine et par l’OMS. N’oublions pas que l’épidémie N1H1 éclatée aux USA en 2009 avait infecté 60 millions de personnes et causé 300 000 morts dans le monde entier. Cependant ce virus n’avait pas été désigné avec le nom du pays. N’oublions pas non plus que la fameuse « grippe espagnole » d’il y a un siècle était venue, en effet, de l’autre côté de l’Atlantique.

Mais je ne suis pas là pour identifier le coupable. Non ! Il n’y a pas de coupable. Tout virus est l’ennemi de l’Humanité entière. Devant toutes les épidémies, nous sommes tous victimes et sommes tous sur le même bateau. Ainsi la seule chose qu’il faut faire est de bâtir la solidarité mondiale pour gagner ensemble le combat. Par contre, l’égoïsme, la discrimination et le racisme ne serviront qu’à d’anéantir nos efforts pour la cause commune de l’Humanité.

L’Indépendant: Plus de deux mois après son apparition, comment la situation se présente-t-elle actuellement en Chine, notamment à Wuhan, épicentre de la maladie?

 Z.L : Après deux mois d’efforts considérables, la Chine a bien réussi à contrôler la situation. Sur l’ensemble du territoire (sauf la province du Hubei), l’augmentation des nouveaux cas confirmés est restée zéro depuis plus d’une semaine, sauf une dizaine de cas « importés » par des voyageurs internationaux et contrôlés à l’arrivée. Dans la province même du Hubei, l’épicentre de l’épidémie, le nombre de nouvelles contaminations a chuté depuis ces derniers jours. Certes nous avons payé très cher dans cette épidémie. Je me permets de vous donner les derniers chiffres datés du 17 mars : 80 894 cas confirmés, 69 601 guéris, 3 237 morts. Mais le peuple chinois a fait preuve d’une grande résilience. La vie reprend vite. L’économie également. Le gouvernement a pris des mesures exceptionnelles pour aider les entreprises à se redresser.

Depuis une semaine déjà, les régions les plus développées du pays ont repris leur activité économique à 100%. C’est ainsi que, comme vous le voyez, après la pénurie de masques pendant l’arrêt quasi total de l’économie, l’augmentation accélérée de la production de masques permet non seulement à satisfaire le besoin domestique, mais aussi à exporter vers d’autres pays.

Ici je tiens à souligner que la nation chinoise est une nation qui s’en sort toujours plus forte après chaque épreuve. Dans l’expression en chinois, la crise (??) signifie « danger + opportunité ». Il faut toujours voir les choses de façon positive. Durant le pire moment de l’épidémie, à cause du confinement de toute la population, on a su développer rapidement l’économie numérique : télétravail, commerce en ligne, éducation en ligne, robot, drone, 5G… Après la crise, l’économie chinoise obtiendra une vitesse supérieure sur un niveau plus élevé. Ceci donnera une confiance, par le poids de notre économie, à l’économie mondiale qui est confrontée à une crise majeure.

L’Indépendant: Quelles sont les grandes mesures que les autorités chinoises ont prises pour freiner la propagation du virus à travers le pays?

Z.L: En clair le gouvernement chinois a mis de grands moyens : le confinement de la ville de Wuhan (10 millions d’habitants) d’abord, de la province du Hubei (60 millions d’habitants) ensuite, et de tout le pays (1,4 milliard d’habitants) finalement. Ça a été beaucoup critiqué par des politiciens et des médias occidentaux pour « le manque de liberté et de droits de l’homme ». Mais ces mesures se sont avérées efficaces en Chine hier et dans le monde aujourd’hui. Vous voyez, on n’a pas besoin de l’arrogance ni du préjugé pour faire face à une crise exceptionnelle. Seule la vie humaine compte. Les experts de l’OMS ont estimé que ce qu’a fait la Chine dans sa lutte anti-coronavirus a ouvert une fenêtre d’opportunité de préparation pour le reste du monde qui n’a plus besoin de partir de zéro.

L’expérience de la Chine, c’est la vitesse. Cette vitesse se traduit en quatre « au plus tôt » : découvrir au plus tôt, alerter au plus tôt, isoler au plus tôt, et traiter au plus tôt. Même les hôpitaux ont été construits au plus tôt. La force de la Chine, c’est la direction forte du parti et du gouvernement, le sens de discipline et de sacrifice de la population.

L’avantage de la Chine, c’est la solidarité nationale : quand une région est touchée par une catastrophe, toutes les autres régions viennent au secours, avec le personnel médical, l’armée, et d’innombrables bénévoles. Beaucoup d’infirmières et de bénévoles sont nés en effet après l’an 2000. Ces jeunes filles et garçons disent être fiers de faire quelque chose d’utile pour la nation. Être patriote, c’est de rendre service.

L’Indépendant : L’épidémie se propage dangereusement dans d’autres pays, notamment en Europe. Qu’estce que la Chine est en train de faire pour appuyer ces pays?

Z.L : Pour combattre le Covid-19 partout dans le monde, la Chine fait preuve d’humanisme et de solidarité. Avec l’Italie, nous avons envoyé il y a dix jours une équipe des experts, qui ont à peine repris leur souffle dans le combat à Wuhan, pour travailler ensemble avec leurs homologues italiens. Une autre équipe vient de partir pour la Serbie. Des matériaux de protection sont partis comme aide d’urgence à l’Italie, à l’Espagne et à la France. Des visio-conférences s’organisent régulièrement entre la Chine et des pays européens pour partager les expériences professionnelles. Dans son combat anticoronavirus, la Chine a su cumuler sans cesse ses carnets d’expériences jusqu’à la 7ème édition aujourd’hui. Ces expériences sont livrées instantanément et sans réserve à l’OMS, à l’Europe et à tout le monde.

Les Chinois ont un sens fort de reconnaissance. Un proverbe ancien dit : « Il faut récompenser une goutte d’eau par une source d’eau. » Pendant la période la plus difficile en Chine, des pays européens nous ont envoyé des aides matérielles et morales. Aujourd’hui, à peine convalescente, la Chine commence déjà à donner son soutien matériel, humain et moral à l’Europe. C’est ça l’expression vivante de la communauté de destin de l’Humanité.

L’Indépendant : Face à une telle menace sur la santé mondiale, que doivent faire les Etats en termes de coopération ?

Z.L : Vous avez bien souligné l’importance de la coopération internationale. Devant une crise sanitaire aussi grave qui touche l’Humanité tout entière, seule la coopération internationale s’avère primordiale. Dans un monde globalisé, aucun pays ne peut résoudre tout seul un tel problème d’une telle dimension. Comme ce fut le cas pour les problèmes du climat, de l’environnement, du développement et du terrorisme. Encore une fois nous préconisons un système multilatéraliste renforcé sous la coordination des organisations de l’ONU.

Avec l’OMS, nous avons fait venir à chaque moment des experts de cette organisation pour évaluer la situation. Et nous avons contribué 20 millions de dollars à cette organisation dans la recherche scientifique et la démarche en faveur des pays démunis. A la demande des pays gravement touchés comme le Pakistan, l’Iran et l’Irak, nous avons envoyé immédiatement des équipes d’experts avec des matériaux pour travailler sur le terrain. Hier même, nous avons organisé une visio-conférence entre les experts chinois d’une part, et les experts des 24 pays africains de l’autre, dont le Mali, pour partager et échanger des expériences professionnelles.

Avec le Mali, le gouvernement chinois a décidé d’envoyer une aide d’urgence de matériaux : masques, équipements de protection individuelle, appareils de prise de température et autres. Mon ambassade a fait réhabiliter, par une entreprise chinoise de BTP, le centre d’observation et d’isolation dans l’Hôpital dermatologie de Bamako. Les associations des ressortissants chinois au Mali sont aussi mobilisées pour faire des dons matériels à la population malienne. Le président du groupe Alibaba, M. Jack Ma, a envoyé une aide importante à l’Union africaine pour que cette dernière fasse la distribution à tous les 54 pays africains.

L’Indépendant : Pour le moment, le Mali est épargné. Que conseillez-vous au gouvernement et au peuple malien en termes de prévention?

Z.L : Je tiens à saluer vivement les dernières décisions prises le 17 mars par le président de la République et le gouvernement malien. Même si, pour le moment, le Mali est épargné, la menace est à la porte. La sagesse chinoise et malienne dit dans le même sens : « Mieux vaut prévenir que guérir. » Il est impérativement important de prendre des mesures drastiques de prévention et de sensibiliser la population de façon optimale. Depuis deux mois, je travaille constamment avec le Ministère de la santé et des affaires sociales.

Le ministre est un grand expert de la santé publique et son équipe travaille jour et nuit avec responsabilité et professionnalisme. Quand le Mali a pris l’initiative d’organiser la réunion des ministres de la santé de la CEDEAO, le 14 février à Bamako, je disais que les autorités du pays ont vraiment un sens fort de prévention et de coordination. Quand le Premier ministre a visité les installations médicales samedi dernier, je disais que le pays a tout fait pour préparer la guerre. Bien entendu le Mali n’est pas tout seul pour faire la guerre. La Chine, votre amie traditionnelle, se trouve à vos côtés.

Le seul message que j’aimerais faire passer à la population malienne, à travers vous, la presse, c’est de respecter scrupuleusement les consignes des autorités. On ne plaisante pas avec le virus. Il y a déjà trop d’exemples dans le reste du monde. Ensemble, nous gagnerons le combat. Réalisée par

Moussa Sayon CAMARA

Source : l’Indépendant

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