La corruption est-elle la véritable cause du sous-développement de l’Afrique ?

En Afrique, nos dirigeants semblent baser essentiellement leur politique sur la lutte contre la corruption. Un choix qu’ils justifient par le sous-développement de leurs pays respectifs à travers l’épuisement des caisses de l’État à cause de cette pratique. Mais ce qu’on semble oublier, à travers ces politiques machiavéliques, c’est que les flux financiers illicites coûtent plus cher aux pays africains que la corruption.

Gouvernants comme gouvernées, tous ont une préoccupation : lutter contre la corruption, le principal fléau dont souffrent nos États. C’est déjà un grand pas si nous arrivions à prendre acte de toute la gravité de la corruption dans nos États. Mais il conviendrait d’aller plus loin.

16 cas de corruption rapportés en 2018 selon le GIABA

À la lecture du rapport 2018 du Groupe intergouvernemental d’action
contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (GIABA), nous nous rendons compte que ce phénomène enregistre 16 cas rapportés aux alentours des années 2018 au même titre que le trafic de stupéfiants.

La corruption est alors une pandémie qui déracine et décime nos démocraties. Selon le Rapport sur la gouvernance en Afrique IV, « Mesurer la corruption en Afrique : prendre en compte la dimension internationale » de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique de l’ouest en 2016, on retrouve trois principales causes de la corruption dans les États africains : la faiblesse des institutions, le recul constant du niveau de vie des fonctionnaires, l’encouragement des pays occidentaux qui en profitent.

En Afrique, si la corruption est en vogue, c’est parce que les autorités sont conscientes qu’il n’existe aucune force capable de les poursuivre. Seuls partenaires occidentaux pourraient faire peur à nos chefs d’Etat. Mais puisqu’ils mènent avec ceux-ci une politique machiavélique dans laquelle ces paternaires étrangers tirent profit, à travers les flux financiers illicites, au détriment des citoyens africains, ils (partenaires occidentaux) préfèrent fermer les yeux.

Le Flux financier illicite encourage la corruption

Encore plus grave que la corruption, le phénomène des   flux financier illicite est pratiqué, en grande partie, par les fonctionnaires de l’État, les membres du gouvernement ou de la présidence, les grandes entreprises, etc., qui partent placer des sommes volées dans les caisses de l’Etat pour les placer dans des comptes à l’étrangers afin d’échapper à toute poursuite.  En effet, par ce terme flux financier illicite, il faudrait entendre « le déplacement d’argent d’origine illicite, au-delà des frontières, dans le cadre de la contrebande, de la corruption, de l’évasion fiscale, etc. »

Selon le Rapport sur la gouvernance en Afrique IV, « Au nombre des activités criminelles pouvant donner lieu à des flux financiers illicites, les plus importantes en Afrique sont la traite des personnes, le trafic de drogues et d’armes et la contrebande, ou encore la fraude dans le secteur financier, sous la forme d’octroi de prêts non autorisés et/ou sans garantie, le blanchiment d’argent, la manipulation des marchés boursiers et l’escroquerie pure et simple (CEA, 2015) ». Ce même document poursuit en notant : « La triste réalité est que les flux financiers illicites répondent au besoin des délinquants de mettre en lieu sûr hors d’Afrique, l’argent de la corruption. »

 En effet, comme le souligne le même rapport, dans nos pays africains, les autorités ont adopté un train de vie qui ne leur permet pas de vivre de leur salaire. Ce qui les pousse à creuser le plus souvent dans les caisses de l’État et à la longue, à  s’adonner à des activités de blanchiment d’argent, de création de sociétés caritatives, etc., qui débouchent à long terme au  dépôt de grosses sommes d’origine illicite dans des paradis fiscaux.

Il convient de faire remarquer que ce phénomène entraîne, sur les économies africaines, des conséquences plus dramatiques. Selon le rapport de la conférence des ministres africains, CEA, en 2012, ce fléau fait perdre à l’Afrique plus de 50 milliards de dollars par an. Une somme qui aurait pu permettre à ce continent de créer des emplois pour ses enfants qui partent mourir dans le désert ou dans la Méditerranée.

Comme mentionner dans le Rapport sur la gouvernance en Afrique IV, les flux financiers illicites se manifestent généralement sur nos territoires, sous différentes formes, dont les plus connues sont le blanchiment d’argent, le produit de vol, les pots-de-vin, la création de sociétés caritatives, les corruptions de fonctionnaires, les produits d’activités criminelles tels que le trafic de drogue et des médicaments illicites, le trafic d’humain à travers le flux migratoire, etc.

Parmi toutes ces pratiques, les plus courantes au Mali sont le blanchiment d’argent. Une pratique que l’on peut constater à travers la prolifération des stations à essence.

Sur le continent africain, comme autre élément, nous avons le financement du terrorisme qui a enregistré 48 déclarations d’opération suspectes, parmi lesquels la part du Mali s’élève à 8 déclarations, selon le résumé du rapport 2018 de la GIABA. Les seuls pays à n’avoir rien enregistré sont les Comores, la Guinée, la Guinée-Bissau, Sao Tomé et Principes et le Ghana.

Quant au trafic d’êtres humains par le biais des flux migratoires, la Fondation Scelles, dans son 5e rapport mondial « Système prostitutionnel : Nouveaux défis, nouvelles réponses », nous explique : « Les hommes et les femmes sont battus, violés, revendus ou servent d’esclaves domestiques et sexuels. La Libye est un point de passage, puis d’ancrage de réseaux de traite à très grande échelle, entraînant une monétisation insensée de la vie humaine. »

Eradiquer la corruption en luttant les flux financiers illicites

Cette pratique de flux financiers illicites semble être négligée sur nos toits pour ne parler que de la corruption. Or, le premier se montre plus dangereux pour nos économies que la seconde. Il est temps que les États africains s’associent afin de trouver une solution rapide à ces flux financiers illicites. Mais pour la bonne réussite de cette lutte il faudrait une union sacrée autour de ce combat. L’Occident doit montrer sa bonne volonté d’aller à bout du combat contre les flux financiers illicites. La réussite de ce combat conduira ipso facto à la diminution du taux de corruption dans les pays africains parce que n’ayant plus où placées les sommes issues d’activités illicites et voulant échapper à des poursuites pénales, les autorités reverront leurs agissements.

Fousseni TOGOLA

 

Source: lepays

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