POUR LE GROUPE D’EXPERTS DES NATIONS UNIES : les groupes armés ne constituent plus des partenaires crédibles pour la paix au Mali

Les membres du Groupe d’experts créé en application de la résolution 2374 (2017) du Conseil de sécurité sur le Mali ont l’honneur de vous faire tenir ci-joint leur rapport final, conformément au paragraphe 4 de la résolution 2432 (2018). Le rapport a été communiqué le 15 juillet 2019 au Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 2374 (2017) concernant le Mali, qui l’a examiné le 26 juillet 2019. Ce rapport est presque passé inaperçu au Mali alors que son analyse rejoint une volonté manifestée par les Maliens à l’issue de la Conférence d’entente nationale (CEN) : négocier avec les extrémistes d’origine malienne afin de les ramener dans le giron de la République. Et cela d’autant plus que les groupes et mouvements armés ne cesse de perdre du terrain face aux réseaux terroristes qui montent en puissance.

 

Les groupes armés ont perdu du terrain face aux terroristes et ne constituent plus un partenaire crédible pour la paix au Mali ! C’est l’une des principales conclusions du rapport final (105 pages) du Groupe d’experts créé en application de la résolution 2374 (2017) du Conseil de sécurité sur le Mali et reconduit par la résolution 2432 (2018) sur les activités troubles de la Coordination des mouvements de l’Azawad et sa collusion avec les groupes terroristes.

Perdant du terrain face aux groupes terroristes armés, les principaux responsables des groupes armés que sont la Plateforme des mouvements du 14 juin 2014 d’Alger et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et la formation dissidente du Mouvement pour le salut de l’Azawad des Daoussak (MSA-D) ont tenté de mettre en place (fin 2018) un mécanisme de coordination qui viendrait leur permettre de faire face à tous les problèmes de sécurité, parallèlement à la mise en œuvre de l’Accord et en attendant le déploiement de l’armée reconstituée dans le nord du pays. Mais, «minée par des rivalités entre groupes, des luttes intestines et la collusion de certains éléments avec les terroristes, cette initiative a fait long feu», souligne le rapport.

Les rivalités internes au Mouvement arabe de l’Azawad (MAA)-Plateforme, viendront compliquer la mise en œuvre de l’Accord et contribuer à l’échec de l’initiative de coordination. Et les experts rapportent que «la collusion entre Jama ’a Nusrat ulIslam wa al-Muslimin et certains éléments du Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), appartenant à la CMA, apparaîtra au grand jour pendant le conflit qui les a opposés au MSA-D à Ménaka en 2018 et à Talataye au premier semestre de 2019».

Les intérêts des chefs de la tribu arabe des Lehmar portent principalement sur le trafic de stupéfiants, qui est pour l’essentiel entre les mains de Mohamed Ben Ahmed Mahri alias «Mohamed Rouggy». Ce dernier appartient à un réseau de trafic de résine de cannabis et de cocaïne d’une valeur estimée à des millions de dollars transitant ou censé transiter par le Mali.

Des éléments de la Plateforme et de la CMA (ou se revendiquant comme tels) convoient des colis de drogue à différentes étapes de l’itinéraire de trafic en territoire malien. «Les intérêts des groupes armés sont d’autant plus enclins à perturber ou freiner la mise en œuvre de l’Accord et, singulièrement des réformes du secteur de la sécurité préalables au déploiement des Forces armées maliennes reconstituées dans le nord du pays qu’ils trouvent leur intérêt dans la criminalité organisée», indique le rapport…

Comme preuve de la montée en puissance des réseaux terroristes, le groupe d’experts a indiqué qu’on a assisté ces dernières années à une forte multiplication des attaques asymétriques dans l’ensemble de la région. Le nombre étant passé de 75 en 2015 à plus de 280 en 2018. Et c’est toujours au Mali que l’on en a dénombré le plus (plus de 200 attaques), devant le Burkina Faso (80 attaques) et le Niger (moins de 20 attaques). Et depuis peu, la menace se propage dans le nord des États côtiers de l’Afrique de l’Ouest, notamment du Bénin, du Ghana et du Togo. On y déplore régulièrement des meurtres de civils, essentiellement au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Selon les dernières estimations (juillet 2019), 2 151 civils auraient été tués en cinq mois, entre novembre 2018 et mars 2019.

Le Groupe d’experts tient également de sources diverses que le retour des réfugiés à Koygouma cadrait avec l’objectif général visé par le HCUA, de s’imposer sur le terrain dans plusieurs régions du nord du Mali en assurant le service public dans les localités.

C’est parce que les autorités maliennes n’ont rien fait pour rendre public le contenu de ce rapport final du comité d’experts des Nations unies que le président en exercice de la CMA Sidi Brahim Ould Sidati, peut encore avoir le courage de dire au monde (Invité d’Afrique du jeudi 17 octobre 2019) que «la CMA n’a jamais collaboré avec les terroristes… La position de la CMA était tout à fait claire. Quand nous avons signé l’accord, nous nous sommes démarqués des mouvements terroristes. Et dans son ensemble, la CMA n’a jamais collaboré avec aucun terroriste. Et nous avons toujours été des victimes des terroristes». La réalité est toute autre sur le terrain.

Cette donne remet en cause l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale signé avec les mouvements armés d’autant plus que ceux-ci n’ont plus un impact réel sur la stabilisation du pays. Ce qui doit encourager les participants au Dialogue politique inclusif à exiger non seulement la relecture de cet accord aujourd’hui caduc, mais de contraindre le gouvernement malien à ouvrir les négociations avec Iyad Ag Ghali et Amadou Kouffa. Et cela malgré l’opposition de la France !

Moussa Bolly

LE MATIN

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