Ménaka souffre…

Capitale régionale de la 9ème région administrative du Mali, la ville de Ménaka reste un gros village tamasheq coincé entre des dunes de sable. Une ville sans électricité, sans connexion internet, sans eau, sans banque, sans structure sanitaire digne de ce nom ; aucune agence EDM, aucune agence des sociétés de téléphonie. Seul le gouvernorat fonctionne avec le gouverneur qui est sur place.

 ville region nord mali menaka

Les autorités intérimaires de la région et les groupes armés sont les plus actifs dans la région. Le MSA et la Plateforme sont dans une alliance. C’est grâce à cette alliance qu’il y a des patrouilles dans la ville. De commun accord avec le gouverneur, ils ont décidé d’interdire la circulation à moto à partir de 18 heures et à 22 heures, aucun piéton n’est autorisé. Tout cela pour éviter les attaques dans la ville. Dès le coucher du soleil, aucune personne ne circule à Ménaka.

Et la nuit, tout est noire parce que la ville est sans électricité. Pour certains Ménakois,  il y a une injustice au Mali. Ils ne comprennent pas que l’Etat fasse tout dans la région où le gouverneur est absent, où certains habitants se sont déplacés. Pendant que Ménaka ne bénéficie d’aucun soutien de l’Etat malien, alors que son gouverneur est sur place. Même quand des terroristes sont arrêtés, c’est le gouverneur qui se bat pour les envoyer à Gao. La Minusma refuse de transporter les terroristes arrêtés.

Pas encore

La région de Kidal fait face à une crise cyclique. Certains disent une crise générationnelle. Après chaque crise, les leaders se frottent les mains ; ils ont des postes de responsabilité dans l’administration. De 1956, bien avant l’indépendance, à nos jours, les rebellions à Kidal ont toujours été gérées de la même façon. C’est pourquoi dans les régions de Kidal et Ménaka, beaucoup trouvent que ce n’est pas encore la fin de la crise malienne, surtout dans la région Kidal. Même l’administration de cette région basée à Gao partage le même avis.

Certains individus pensent qu’on n’entrevoit pas encore le bout du tunnel parce qu’il y a une crise intercommunautaire entre Ifoghas et Imghads. Même situation dans la région de Ménaka entre les Daoussaks et les Peulhs, qui sont en train de se tuer à longueur de journée dans les fractions et hameaux. Dans la plupart de ces affrontements, qui mettent en retard la mise en œuvre de l’accord, l’Etat est absent, tout comme Barkhane et la Minusma. Dans les régions de Ménaka et Kidal, certains pensent que la mise en œuvre de l’accord n’est pas une affaire de quelques mois mais d’années. Et les actes doivent être bien réfléchis avant leur application et cela sans précipitation.

Une autre priorité

Le philosophe  a dit : ”L’être social détermine la classe sociale”. Au Mali, c’est la région, pour ne pas la localité, qui détermine les préoccupations ou priorités des Maliens. Au moment où à Bamako une frange de la société civile et des partis politiques préparaient une marche contre la région constitutionnelle. Dans les régions de Gao, Ménaka et Kidal, c’est plutôt la sécurité des personnes et de leurs biens.

Comment aller d’un village à un autre, d’une fraction à une autre, ou même d’une ville à l’autre, sans être inquiété par des bandits armés ou des terroristes ? Dans la ville de Ménaka, la priorité des habitants est de voir les foires hebdomadaires se tenir sans problème ; aller à Gao avec leurs marchandises et autres produits dans la plus grande sécurité. C’est ça leur souci. Il en est de même pour plusieurs zones surtout dans les fractions où il y a des affrontements entre Peuls et Daoussaks. Dans ces zones, personne ne parle de révision constitutionnelle, de Oui ou encore moins de Non.

Zéro véhicule

À Bamako, on crie sur tous les toits que les forces armées du Mali sont dans de bonnes conditions. On dit aussi qu’ils sont bien habillés. Oui, c’est vrai pour ceux qui sont présents aux cérémonies devant les officiels à Bamako. Ceux qui sont dans les écoles militaires sont bien habillés, tout comme ces militaires qui sont à Bamako. Mais la réalité est toute autre sur le terrain. À Bamako, on assiste tous les jours à une distribution de matériels aux policiers et gendarmes. Jusqu’à ce que certains directeurs volent des groupes électrogènes sans être inquiétés.

À l’intérieur du pays, les militaires ne sont pas bien nantis : ni bien habillés ni guère équipés. À Ménaka-ville, il n’y a qu’une seule brigade de gendarmerie avec 7 hommes, sans véhicule. Le seul véhicule en leur possession est tombé en panne. Il n’y a pas de policiers à Ménaka ; les gardes y sont en nombre insuffisant, tout comme les militaires. Alors que la région est très vaste, sans parler de la ville de Ménaka. La seule satisfaction est le fait que ce sont des hommes déterminés que nous avons rencontrés ; ils ont en plus le soutien du gouverneur Daouda B. Maïga. L’unique CB de la ville se bat comme il peut avec ses hommes afin de répondre aux besoins des populations.

Ménaka, un gouverneur sur tous les fronts

Daouda Boureima Maïga est le gouverneur de la région de Ménaka. Il se bat comme un beau diable afin de faire de Ménaka une vraie région. Lui-même a passé une année à dormir dans une chambre avant la construction du gouvernorat, la résidence du gouverneur, le pied-à-terre et les bureaux des membres du gouvernorat. Un joli bâtiment abrite le gouvernorat, et les FAMA veillent au grain pour la sécurité.

De 06 heures du matin à 20 heures, tous les problèmes de la région sont exposés devant le gouverneur. Dès le matin, le gouvernorat est pris d’assaut par les populations. Aujourd’hui, le combat du gouverneur est multiple. Il se bat pour rendre attrayante la capitale régionale de la 9ème région administrative du Mali, qui n’est, pour l’instant, qu’un gros village tamasheq coincé entre des dunes de sable. Sans ces commodités de la ville moderne : électricité, connexion internet, agence EDM, agence de sociétés de téléphonie, eau potable pour les populations, agences de banques (la BMS est en chantier), structure sanitaire.

Le juge est en route

La région de Ménaka attend son juge. Depuis 5 ans, il n’y a pas de juge à Ménaka. Lors du récent conseil supérieur de la magistrature, un juge de paix a été nommé pour la région de Ménaka. Même si, jusqu’à pressent, il n’a pas pris fonction. Avec la détermination du gouverneur, le juge doit prendre fonction ce mardi 18 juillet. Dans un premier temps, il viendra faire une semaine avec le gouverneur, faire son repérage, voir les locaux du palais de justice qui ont été refaits. Mais il n’y a pas d’équipements pour le moment.

Le juge, pendant son séjour, sera logé au gouverneur, pour des raisons de sécurité. Par ailleurs, l’effectif des forces de sécurité devrait être renforcé avec l’annonce de l’arrivée de 37 policiers à Ménaka. En tout cas, les populations attendent l’installation de la justice. Car, même pour faire des documents pour les différents concours, ils sont oubliés d’aller à Gao, à 300 Km. La prison est fermée faute de juge encore moins de surveillant de prison. Les habitants de la ville de Ménaka se disent prêts à assurer la sécurité du juge.

Des efforts non soutenus

Dès l’annonce de la création de la région de Ménaka, les populations, les groupes proches du Mali, le nouveau gouverneur se sont mobilisés afin de rendre plus opérationnelle leur région. Ils se sont battus pour demander au gouvernement malien d’accélérer la mise en place des services déconcentrés de l’Etat. Des personnes de bonne volonté se sont mobilisées, mais le gouvernement traîne les pieds.

À cette date, beaucoup sont démotivés par le comportement du gouvernement, qui, au lieu d’aider, est en train de courir derrière Kidal ; de mener des actions à Kidal alors que le gouverneur de cette région est toujours basé à Gao. Aucune mission du ministre de la Défense ou de la sécurité n’est arrivée dans la ville de Ménaka. Les Ménakois constatent avec regret que leurs efforts ne sont pas soutenus par le gouvernement du Mali. C’est pourquoi, ils ont salué le réseau ONG APEM, la première ONG nationale, à faire une activité à Ménaka depuis la crise de 2012.

Velléité séparatiste

Les irrédentistes n’ont pas renoncé à leur désir de se séparer du Mali. C’est à Ménaka que nous avons appris que les germes de la division du Mali demeurent toujours. Car les rebelles sont en train de jouer avec l’Etat avec la fermeture de Kidal aux autorités maliennes. Selon nos interlocuteurs, à l’avenir, ils comptent poser le problème au niveau international, sous l’angle du droit international. C’est une revendication toujours d’actualité dans la mesure où il y a des démarches auprès des cadres mécontents de l’Etat. Tous les cadres et hauts fonctionnaires, «qui sont oubliés par l’Etat», sont entrepris par Alghabass.

C’est pour cela que ce denier est à Bamako et y reste le temps d’avoir des cadres. Même à Ménaka, ils sont en train de démarcher certains cadres afin de les utiliser au moment opportun. Selon nos sources, c’est la méthode qui a changé, sinon ils n’ont pas abandonné leur velléité séparatiste. Et c’est la raison pour laquelle la France ne veut pas le retour de l’Etat malien à Kidal. D’après nos interlocuteurs, c’est à l’approche du MOC que la CMA et la Plateforme s’affrontent à Kidal. C’est juste pour mettre les choses en retard. Et une autre source ajoute que le Mali fait trop confiance à la France, alors que celle-ci est pour la division du Mali. Lorsque que Kidal se séparera du Mali, Ménaka lui emboîtera le pas.

Amsterdam n’existe plus !

Au Mali, nos populations ont du plaisir à baptiser leurs rues, quartiers et autres localités. Il n’est pas exclu de voir au Mali des rues qui portent des noms comme Marseille, ”Petit Paris”, Londres, Brésil. Il en est de même pour les noms de clubs de football, surtout en sport de masse. Amsterdam dont on parle n’est pas la capitale des Pays-Bas, mais plutôt le nom d’un quartier d’Aguelhok dans la région de Kidal. Dans la nuit du jeudi 13 au vendredi 14 juillet, il y a eu une grande pluie à Aguelhok.

Les  eaux de pluie ont emporté le petit barrage qui encercle le quartier Amsterdam. Le quartier en question a été inondé, les maisons se sont écroulées. ”L’eau a emporté Amsterdam, mais pas de perte en vie humaine. Nous préférons l’inondation aux explosions des bombes qui font des victimes”, nous a confié un habitant. C’était la première grande pluie dans cette localité. Les populations paniquent à l’idée de revivre ce genre de catastrophe. Mais des dispositions sont en train d’être prises afin de prévenir de futures inondations.

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