L’après IBK: un surplace mortel !

Depuis le 11 juin 2020, date de la remise de la démission du Premier ministre Boubou CISSE et de son gouvernement au Président de la République, Ibrahim Boubacar Keita, soit plus de trois mois, le Mali patauge sans exécutif. La junte militaire des colonels de Kati, malgré les promesses de restauration et de retour rapide dans les casernes, se noie elle aussi, depuis dans ses propres contradictions. Entre temps, les populations cherchent désespérément le diable à plus forte raison de pouvoir le tirer par la queue. Enfermée entre orgueil improductif et jeux politiciens, elle vient d’échouer lamentablement à Accra face aux chefs d’Etat de la CEDEAO alors qu’environ de 75 % du territoire national échappent toujours au contrôle de l’État.

Le Mali est plus que jamais à la croisée des chemins. Toujours sous le poids des sanctions de la CEDEAO, depuis le renversement du régime du Président Ibrahim Boubacar Keita, les militaires putschistes ont de la peine à insuffler la nouvelle dynamique attendue par l’opinion au pays.
L’engagement du CNSP
Presqu’un mois de surplace et de tiraillement, des concertations à n’en pas finir, des conciliabules…, le pays s’enfonce dans le gouffre. Et pourtant, dans ses premières déclarations, particulièrement lors de sa rencontre avec les secrétaires généraux des départements ministériels, le chef de junte militaire le colonel Assimi GOITA, au nom de ses compagnons, avait promis un transfert rapide du pouvoir à une transition civile. Car, disait-il, « on n’a aucune ambition politique ».
« Nous avons intervenu suite à la situation sociopolitique très tendue que le Mali vivait, dont vous êtes tous témoins. On a mis le peuple au-dessus de cette intervention, raison pour laquelle, nous avons décidé qu’aucune personne ne doit être blessée ni tuée au cours de cette intervention. Nous (CNSP), on n’a aucune ambition politique. Nous sommes des soldats, nous avons d’autres prérogatives, d’autres missions qui nous attendent. Notre objectif, c’est de très vite, à travers les différentes rencontres avec les différents groupes sociopolitiques, transférer rapidement le pouvoir à une transition civile. Et l’Etat, c’est une continuité. Et nous sommes tous conscients aujourd’hui de la situation sociopolitique et sécuritaire que le Mali traverse. Donc, c’est pour vous rassurer que vous devez continuer votre travail », a-t-il déclaré.
Cependant, de visite en visite, de rencontre en rencontre, les militaires apprennent très vite et tentent désormais de dribler les vieux briscards de la politique malienne, même les partenaires du Mouvement de contestation du régime défunt, le M5-RFP.
La prise en otage des concertations
La prise en otage des dernières concertations sur la feuille de route de la transition en est une illustration parfaite. En tout cas, l’ex-contestation, le M5-RFP, qui se considérait comme partenaire stratégique du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), reproche à la junte d’avoir tripatouillé les conclusions des concertations, « notamment sur les points suivants : la reconnaissance du rôle du M5-RFP et des martyrs dans la lutte du Peuple malien pour le changement ; le choix majoritaire d’une transition dirigée par une personnalité civile. Aussi, le Mouvement du 5 juin – Rassemblement des Forces patriotiques (M5-RFP) accuse-t-il le Comité national pour le salut du peuple d’avoir, par fait de prince, introduit dans la charte ses propres desiderata qui n’ont jamais été soumis à débats : les prérogatives du Vice-président de la transition ; la composition et le mode de désignation des membres du collège de désignation du Président de la transition ; l’acte fixant la clé de répartition entre les composantes du Conseil National de Transition ».
Au bénéfice de plusieurs observations pertinentes, en tout cas, jusqu’ici incontestées, le M5-RFP dénonce et condamne la volonté d’accaparement et de confiscation du pouvoir de la junte, les intimidations, les pratiques antidémocratiques et déloyales dignes d’une autre époque contre lesquelles la lutte pour le changement et la refondation a été enclenchée.
Les lignes rouges franchies ?
C’est d’ailleurs, le motif pour lequel, selon plusieurs observateurs, que la même junte a échoué, ce 15 septembre 2020, au Ghana, face aux chefs d’État de la CEDEAO, qu’elle devrait convaincre sur le bien- fondé de sa feuille de route. Mais hélas, les hommes forts de Kati ont péché par mauvaise foi, puisqu’aucune des lignes rouges fixées par les chefs d’État de la communauté n’a été respectée. Car, les militaires continuaient de maintenir le suspense sur le choix du Président et du Premier ministre de la transition qui doivent impérativement être des civils.
Voilà donc, la situation désastreuse du pays qui continu de saigner, faute d’une équipe de pilotage pour le bateau Mali.
Selon certaines indiscrétions, certains opérateurs économiques et même des trafiquants de grosses fortunes tentent de transformer déjà les sanctions de la CEDEAO, en atouts, mais à leur faveur.
‘’Les marchandises non dédouanées, qui quittent la Mauritanie pour le Mali, représentent un manque à gagner pour l’État malien, des centaines de Milliards de FCFA de fraude’’, indique-t-on. Pire, au niveau des Douanes, d’autres sources font état d’un peu plus de six milliards de francs CFA de manque à gagner par rapport aux rentrées de sous observées entre janvier et août 2020, à cause de l’embargo. Jusqu’où se poursuivra cette saignée ?
La Transition civile
En tout cas, dans des termes diplomatiques très clairs, le président en exercice de la CEDEAO, le Ghanéen Nana Akufo-Addo a déclaré, ce 15 septembre, lors du mini-sommet d’Accra que la junte militaire devrait rapidement mettre en place un gouvernement conforme aux critères définis lors du sommet 28 août dernier.
« Les terroristes profitent de la situation au Mali pour montrer leurs muscles. Aujourd’hui, est censé être le jour où la junte militaire au Mali doit mettre en place un gouvernement qui devrait répondre aux critères que nous avons définis lors de notre dernier sommet du 28 août 2020. Cela n’a pas été fait. Aujourd’hui, les circonstances de la vie au Mali exigent que l’on mette un terme à cette affaire dès maintenant ‘’ a-t-il tapé du poing sur la table.
En tout cas, trois mois sans gouvernement, sans baromètre de mesure de la température du pays, le poids est énorme pour un pays continental comme le Mali et ses populations.
Il convient de noter que la CEDEAO a aussi réclamé la libération des personnalités civiles et militaires détenues sans base légale, le retrait de l’Acte fondamental du CNSP et l’application intégrale de la Constitution de 1992, la mise en place d’un comité de transition et d’un gouvernement de transition.
La CEDEAO exige la désignation d’un Président de Transition civil. Les sanctions imposées demeurent en vigueur jusqu’au respect par la junte du Mali des demandes ainsi posées.
Le Mali a-t-il suffisamment le dos large pour pouvoir faire face aux sanctions de la CEDEAO ? En tout cas, le nationalisme est une chose, mais face à certaines réalités cruciales, dont la nécessité d’approvisionnement d’un pays continental sans puits pétrolier, tout patriote doit pouvoir lire entre les lignes.
Le Président Ibrahim Boubacar est parti, mais le Mali et les Maliens demeurent. Les militaires ont désormais le choix, transférer le pouvoir à une transition civile ou se préparer à faire face aux conséquences des sanctions de la CEDEAO. En tout cas, que les hommes forts du moment se détrompent rapidement puisqu’en 1991 comme en 2020, le peuple vaillant du Mali reste ‘’un peuple debout, insoumis, qui ne se fera embarquer par aucun aventurier.

Par Sidi DAO

Source: info-matin

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