Un semblant de souveraineté monétaire

Le gouvernement français a adopté, mercredi 20 mai, un projet de loi entérinant la fin du franc CFA Uemoa. Ce texte devra être voté par les parlementaires hexagonaux, avant d’être promulgué par le président Emmanuel Macron. En attendant la fin de ces deux phases, nécessaires pour se faire une religion sur les intentions réelles de l’ancienne puissance colonisatrice, certains trouvent que l’Eco souffrirait d’un problème de légitimité. Pour d’autres, il sonnerait comme un semblant de souveraineté monétaire pour donner le change aux mouvements anti-français qui pullulent partout sur le continent pour décrier la mainmise de la France sur nos pays à travers la zone franc.

En effet, au regard des informations communiquées mercredi par la porte-parole du gouvernement français et celles contenues dans l’Accord de coopération entre les gouvernements des États membres de l’Uemao et la République française (signé le 21 décembre 2019 à Abidjan), plusieurs analystes sont aujourd’hui confortés dans l’idée qu’il s’agit «d’une fin symbolique» du Fcfa qui changera seulement de nom pour devenir l’Eco, future monnaie des États membres de la Cedeao.

Cette appellation, décidée sans concerter les représentants de nos populations, rendrait cette future monnaie illégitime, à en croire Kouassi Kouamé, ex-directeur et ex-administrateur de la BCEAO. «La France soumet à son Parlement la transformation en Eco du franc CFA des pays de l’UMOA et les dispositions de l’accord de coopération monétaire modifié signé récemment, alors que ceux-ci n’ont pas daigné saisir leurs parlements pour faire approuver cette transformation et les nouvelles dispositions conclues avec la France», déplore l’ingénieur statisticien-économiste.

De même, les deux autres évolutions majeures : la fin de la centralisation des réserves de change de la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) au Trésor français et le retrait de la France des instances de gouvernance dans lesquelles elle était présente, ressemblent à faire la politique de l’autruche. Le rôle de la France est transformé en celui de garant financier. Cette garantie apportée par la France et dont «les modalités d’activation» devront faire l’objet d’une convention (article 2, alinéa 2 de l’Accord), fonctionnera sur le même principe qu’actuellement.

Ainsi, si la BCEAO fait face à un manque de disponibilités pour couvrir ses engagements en devises, elle pourra se procurer les euros nécessaires auprès de la France. Afin de permettre au garant de suivre l’évolution du risque qu’il couvre, stipule l’article 5 de l’Accord monétaire, la BCEAO transmettra régulièrement au garant des informations dont le contenu et les modalités de transmission seront précisés par échange de lettre entre eux. Cette convention pourrait, estime Kouassi Kouamé, donner à la France les moyens de renforcer son pouvoir de contrôle sur nos économies. La souveraineté monétaire tant recherchée se trouverait alors hypothéquée.

Cheick M. TRAORÉ

Source: Journal l’Essor- Mali

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