Panama Papers 2 : le goût immodéré du Groupe Achcar dans la fuite de capitaux maliens

En 2016, le Groupe Achcar a déplacé une manne financière de plus de 5 Milliards F CFA vers la banque privée monégasque, CFM Monaco.  Un acte de « charité » qui apparait clairement comme une fuite de capitaux du Mali où l’industriel prétend allègrement être « l’un des plus gros contribuables ».

 5 450 573 042 F CFA. C’est la bagatelle que la société Eau Minérale du Mali (EMM) a fait sortir du Mali sur l’exercice 2016. 8 pour cent de cette somme, soit 436 045 843 ont, à titre de commission, été versées à Grieta Consulting, une société écran basée au Panama et appartenant à Gérard Achcar.

Dans le tableau qui fait le point de la facturation au profit de Grieta Consulting, la société EMM attribue 8% de ses transactions à Grieta. Sur le montant colossal sur lequel une probable imposition pouvait relever le niveau de l’assiette fiscale au Mali, Grieta Consulting se frotte les mains.

Entre avril et juin 2016, le Groupe a fait migrer vers son compte offshore monégasque plus de 2 Milliards F CFA, chiffre record jamais atteint sur les autres trimestres de cette année. L’argent est transféré sur les comptes offshores de la famille Achcar chez CFM Monaco, banque à la réputation sulfureuse dans le domaine des capitaux mal acquis…

Grieta Consulting ou la main invisible de Achcar

Les données internes du cabinet d’avocat Mossack Fonseca  (MF) établissent en effet les preuves de l’existence au Panama d’une compagnie offshore estampillée « Grieta Consulting S.A ». Sur cette entité créée le 19 février 2004, le libano-malien, Gérard Achcar, jouit d’« un pouvoir sans limite ».

Le nom et la signature de l’homme d’affaire apparait plusieurs fois dans les mails fuités des machines de MF, au cœur de l’affaire des « Panama Papers ». L’entremise de la firme panaméenne permet ainsi à l’industriel malien de mener ainsi ses affaires à l’abri des regards.

Près de cinq cent e-mails, contrats, factures et feuilles de calcul figurent dans les données internes du cabinet d’avocats. De quoi démontrer que le magnat malien de l’industrie est bien le propriétaire de Grieta Consulting S.A. Une société d’affaires dont les objectifs, selon les termes du Contrat d’assistance technique et financière qui le lie au Groupe AMI, sont précis : « Grieta s’engage à apporter son assistance au bénéficiaire (Groupe AMI) conformément à son objet social : à savoir lui assurer la bonne gestion des achats de matières premières et emballages sur le marché mondial, en particulier le blé ». Aussi la société fournit au Groupe AMI toute assistance dans la recherche des financements, et mettre à disposition un bureau au Luxembourg et à Genève pour assurer le suivi des commandes.

Grieta s’engage à effectuer tout déplacement pour contacter les fournisseurs en Europe et ailleurs et à garantir auprès des banques européennes « le financement des crédits documentaires ».

Le contrat stipule enfin que le prestataire s’engage à fournir au bénéficiaire les services et engagements dans l’accomplissement des activités liées à l’objet social mentionnées ci-dessus, étant donné que cette énumération n’est nullement exhaustive, mais vise plutôt les interventions essentielles.

Plusieurs dizaines de mails reconstituent la nature des activités de la famille Achcar. Notre enquête nous a permis de localiser le siège de Grieta Consulting à Arango-Orillac (East 54th Street Panama).

Entre Grieta et la banque privée monégasque de la famille Achcar, c’est une relation riche en mouvements financiers.  Selon les contrats envoyés à Grieta via MF, Grieta a pris une commission de 8 % sur le chiffre d’affaires de EMM et 4% sur GMM.

L’enrichissement par la fuite massive de capitaux

Depuis plus d’une décennie, le Groupe Achcar Mali Industries (AMI) a mis en place un vaste système de fuite de capitaux à partir de ses entreprises maliennes via sa banque privée, CFM Monaco.

La série noire de la fuite massive de capitaux se poursuit pour l’industriel malien. Après notre enquête titrée « Où la famille Achcar cache sa fortune » dans le cadre de « Panama Papers », nous nous sommes procurés de nouveaux documents datant de 2016. Ces fichiers entremêlés de mails, passeports, signatures…démontrent que la « lune de miel » entre le cabinet panaméen Mossack Fonseca et la famille Achcar a bien continué. Même si elle a faillit s’estomper par un email qui plutôt a sonné comme un avertissement pour les privilégiés de Bamako.

Le groupe familial, hérité du patriarche Gérard mais fortement développé depuis, règne d’une main de fer sur l’agroalimentaire, mais pas seulement. Outre les GMM et une usine de pâtes alimentaires, il produit aussi de l’huile, du sucre, des piles. Il est d’ailleurs sous contrat avec l’armée française pour fournir son eau minérale, Diago, aux soldats combattant les groupes terroristes dans le cadre de l’opération Serval muée en Barkhane à l’été 2014.

Dans l’enquête en date du 19 février 2015 publiée par « Le Monde », « L’intouchable » de Bamako qui a poursuivit ses activités chez son client panaméen MF jusqu’en 2016, se vante d’être « l’un des plus gros contribuables du Mali ».

 

Enquête réalisée par David DEMBELE

Avec le concours technique du Consortium International des journalistes d’Investigation (ICIJ)

Dépêches du Mali

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