Mali-Banque mondiale : de réelles difficultés pour le décaissement des fonds

La Banque mondiale alloue des fonds à notre pays, mais il est difficile de mettre la main sur l’argent. En pratique, seulement 18% sont décaissés. Pourquoi un tel blocage ?

Les fonds alloués à notre pays par la Banque mondiale ne sont pas décaissés à hauteur de souhait. Si l’on se réfère aux explications d’un spécialiste des finances, qui affirme que ce faible décaissement est dû aux promotions faites aux cadres incompétents.

Surfacturations, achats d’avions à des coups faramineux, engrais frelatés, insécurité galopante avec assassinats d’hommes, la liste n’est pas exhaustive. Parallèlement à ces pratiques, se dresse la mauvaise gouvernance marquée par le faible décaissement des fonds mis à la disposition du Mali par les institutions internationales.

Le cas de la Banque mondiale est éloquent. Dans l’anonymat, un cadre du monde financier nous confie que le Mali n’a pas dépassé la barre des 18% de décaissement des fonds de cette institution financière mondiale. Ce qui fait que, précise-t-il, les fonds restants sont retournés à la source automatiquement. De quoi susciter de réelles interrogations : Qu’est-ce qui est à la base de ce faible décaissement ? Est-ce par manque de projets d’investissements ou la non-maîtrise des procédures de décaissement ?

Sur ces questions, notre interlocuteur est clair : «C’est l’incompétence avérée de ceux-là chargés de décaisser ces fonds. Nommés à ces postes par affinités politiques, sociales, ces cadres manquent de compétences requises pour faire bouger les lignes. Ils n’ont aucune maîtrise de la finance et des procédures de décaissement… Une fois le délai dépassé, l’argent retourne à son expéditeur. Le peu décaissé ne couvre pas les besoins des Maliens d’où la conjoncture économique difficile.»

Le seul fautif de cette situation est le premier responsable du pays, pointe-t-il, le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita, qui a fait des nominations de complaisance. Ces cadres promus viennent pour la plupart du parti présidentiel et des partis alliés. Ces cadres ont accompagné le chef de l’Etat à accéder à la magistrature suprême, en compensation de leur soutien.

«On les place dans les structures de l’Etat. Peu importe leur compétence professionnelle. Ce sont des nominations par complaisance qui ont eu raison du Mali sous IBK», a-t-il martelé. Avant d’ajouter : «Lui qui disait qu’il n’y aura pas de partage de gâteau, au lendemain de son élection en 2013, a foulé aux pieds toutes les règles d’éthique en matière de nomination. On a vu toutes sortes de nominations. La pléthore des membres du gouvernement nous en dit plus sur ces nominations par complaisance.

Dans l’équipe gouvernementale, on y trouve des départements ministériels sans services centraux. Ces ministres ne gèrent que le département. Au lieu de former une équipe réduite avec une feuille de route, le président préfère multiplier les ministères, histoire de donner satisfaction à ses proches, amis politiques».

Un autre mal à la base de la mauvaise gouvernance est l’instabilité gouvernementale. De 2013 à aujourd’hui, il y a 6 Premiers ministres, sans compter les nombreux réaménagements. À chaque nomination de PM, on met en place une nouvelle équipe gouvernementale. Des ministres sont remerciés en l’espace de 3 mois, 6 mois. Or, ces pratiques sont à la base de la dévalorisation de la fonction ministérielle. IBK a usé plus de 100 ministres. Un chiffre record dans l’histoire de la démocratie malienne.

Il en est de même pour les autres fonctions administratives. Partout, on voit des cadres incompétents, de véritables amateurs au détriment du professionnalisme, relayé au second plan. À ce rythme, le pays risque de rompre avec certains investisseurs qui jugent les actions gouvernementales sur la base des compétences avec obligation de résultats. C’est dommage qu’il en soit ainsi.

L’ex-ambassadeur d’Allemagne, avant de quitter le Mali, a mis le pied dans le plat : «Je n’encouragerai aucun Allemand à investir au Mali vu l’état de la corruption de la justice». Une pique qui donne à réfléchir.

Moumouni Sacko 

Source : Nouvelle Libération

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