POEME – RENAISSANCE

La lune a jeté sur le désert une nuit d’éclipse
Vêtue de vents de sable de l’apocalypse.
Son voile de deuil a sournoisement tétanisé
La peur du nord dans des frontières balisées.
Les orages fouettent le sud des trois caïmans
Et sur le delta vénitien pèse un siège alarmant.

Le Tata éprouvé par de quotidiens déboires
Agonise à la lisière du pays de l’ivoire
Victime collatérale de tempêtes étrangères
Soufflant du lointain septentrion en colère.
Et l’angoisse s’épaissit, et la sourde peur
Achève d’introniser son pouvoir vainqueur.

Des créatures de l’ombre vêtues d’horribles oripeaux
Profanent dans un état second les tombeaux.
Les assauts qui défigurent la vitrine des hôtels
Les mines qui jonchent des itinéraires mortels
L’exercice ubuesque de la sainte religion
Sont autant de crimes qui se comptent par légions.

Quels démons aux desseins funestes
Sans que nul jamais ne proteste
Et quels mauvais oracles sortis des ténèbres
Ont pu ainsi envelopper d’un manteau funèbre
La terre du soleil et des grands espaces
Contrée gratifiée du bonheur en dédicace ?

Et toi, frêle roseau éclos d’un long délire
Que le hasard maudit a fait atterrir
Dans le labyrinthe du monde lunaire
Pièce en plusieurs actes aux accents de binaire
Quels malheurs joués à la roulette affolée
Ô enfant éperdu, t’ont pris dans leurs filets ?

Sombre tableau injure jetée à la face
De nos héros défunts giflés de disgrâce
Fiers guerriers au courage jamais démenti
Braves d’entre les braves jamais soumis
Qui du fond de leurs tombes ensommeillées
Crient leur désespoir de n’être plus réveillés.

Ombre d’un pays dont les fabuleux récits
De conquêtes ont convaincu bien d’indécis
Et charmé les têtes couronnées d’Arabie
Par les caravanes d’or s’étirant à l’infini
Est-ce l’acte final de tous les apogées
L’enseigne fatale où toute destinée est logée ?

Se peut-il que les souvenirs d’enfance
Ceux des jeux de la belle insouciance
Kermesses, bals, longues randonnées
Qui fleurissaient dans toutes les contrées
Aient déserté subitement fraternité et amour
En interrompant de chaque chose le cours ?

Cauchemars, soyez dans le néant enfouis !
Que l’aube naissante chasse donc la nuit !
Que tout ce qu’on a comploté à la perdition
Se ressoude par la force de notre obstination !
Que ce qui rythme depuis la nuit des temps
Recouvre plus forte sa vigueur pour longtemps !

De la sève culturelle revivra le cousinage
Enraciné dans le labyrinthe des âges
Entre Bambara Sonrhaï DogonTouareg et Peulh.
De l’espoir d’une nouvelle aurore encore veule
De nouveau, taɣelmust bleus, chapeaux et bonnets
S’emmêleront aux Melhfa noirs et boubous amidonnés.

La féminine complicité peuhle et soninké
Émergera revigorée d’une paix tronquée
Afin que se réunissent de plus belle
Lèvres pilées et cicatrices temporelles
Que revive la coutume des temps anciens
Qu’entre les ethnies se ressoudent les liens.

Oui ! Nous nous voulons coupe-coupe acérés
Trancheurs de lianes d’entrave invétérés
Non pas résignés mais farouchement déterminés
À assécher toutes les haines ruminées !
Nous serons obstinés conjureurs de sorts
Pour briser de tous les maléfices les ressorts !

Oui ! Nous serons puissants Bulldozers
Redoutables avions de chasse, panzers
Essaim d’engins destructeurs, brûlots
Pour perpétrer l’infanticide du complot !
Alors la délivrance de la dignité retrouvée
Effacera à tout jamais l’intrigue réprouvée.

Oui ! Mère nourricière, pays plein d’allant
La généreuse providence comme avant
Te rendra ta fierté et ta noblesse d’antan
Redressera le front de ton peuple vaillant
Et exhibera ta gloire ressuscitée à tout-venant
Ô Mali bien aimé débarrasser de tous les tyrans.

SOULEYMANE YACOUBA SIDIBÉ

Source: Le Pays

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