Mali: Le massacre d’Ogossagou souligne l’échec de l’opération Barkhane et des accords d’Alger

Comment le Mali en est-il arrivé là? Quelques jours après l’attaque du camp militaire de Dioura, revendiquée par un groupe «djihadiste» lié à al-Qaida, qui s’est soldée par la mort de 26 soldats maliens, plus de 160 personnes ont été massacrées le 23 mars, avec une violence inouïe à Ogossagou dans le centre du Mali. Pour l’heure, les auteurs du massacre ne sont pas identifiés. Certains accusent une milice d’auto-défense, liée à l’ethnie Dogon, employant des mercenaires «dozos», notamment ivoiriens. Ce groupe a été dissout le 24 mars par le président malien Ibrahim Boubakar Keïta. D’autres pointent des groupes terroristes dont l’objectif serait d’attiser les divisions et semer le chaos.

De tels affrontements, liés au départ à des litiges fonciers ou territoriaux, se déroulent entre des populations qui depuis des siècles ont toujours vécu ensemble. Mais depuis un an, des affrontements intercommunautaires ont fait plus de 500 morts dans le centre du pays selon l’ONU.

Cette situation globale chaotique et dangereuse, énième réplique de la désastreuse guerre contre la Libye menée par Nicolas Sarkozy, est un double échec: celui des accords d’Alger signés en 2015, conçus à l’extérieur et imposés au Mali, qui poussent vers une régionalisation à outrance, sans que les populations y soient associées, au risque d’une course vers la partition du pays.

Le deuxième échec est celui de la réponse militaire. L’opération française Barkhane permet sans conteste une domination militaire, politique et économique dans les 5 pays de la zone sahélienne. Mais pour quels résultats? Le scénario redouté au lendemain de l’intervention militaire au Mali en 2013 se confirme : aucune des causes de la déstabilisation du pays n’a été traitée. Les conflits internes, les violences, l’obscurantisme, les trafics et le banditisme se développent à mesure que grandissent la pauvreté, le désespoir d’une jeunesse frappée par le chômage.

Les politiques actuellement menées ne sont en rien un recours pour l’État et pour des services publics anéantis par des années d’ajustement structurel. Le Mali est un pays, un de plus, en train de sombrer dans le chaos libéral. Celui de la prédation des matières premières, des trafics en tout genre, de la corruption comme moyen de gestion et arme de domination.

La primauté de l’action militaire, avec un mélange des genres entre Barkhane (anti-terrorisme), G5 Sahel et Minusma (Maintien de la paix des Nations unies), sur des objectifs non explicités, masque l’absence de réponse politique. «Pour se prémunir autant que possible contre le risque de rejet de la présence militaire étrangère, il faut aussi mener des projets de développement», déclarait récemment la ministre de la Défense, Florence Parly, auditionnée par le Sénat, et dont les propos ont été relayés par le député communiste Jean-Paul Lecoq. Elle ajoutait qu’à cet égard, «nous souhaitons articuler de manière plus efficace l’action de Barkhane et les actions de l’Agence française de développement, pour que le rétablissement de la sécurité bénéficie directement aux populations. C’est ainsi que la présence militaire sera mieux tolérée.» L’aide au développement est conçue comme un instrument complémentaire, destiné à faire accepter une présence militaire étrangère. Qui plus est de la part d’un État français assez mal placé pour apporter des solutions. C’est en effet lui qui, dès les années 50, a façonné des oppositions entre des éléments blancs nomades et les populations africaines sédentaires dans le Soudan français, devenu Mali. Les logiques d’influence dans ce territoire, dont le sous-sol regorge de richesses, se déroulent en terrain miné par des dynamiques conflictuelles.

“Face aux immenses défis, il revient aux Maliens de déjouer les pièges. Des solutions sont possibles.”
La France officielle a-t-elle gardé une certaine grille de lecture polluée par le lourd passif de l’OCRS (Organisation commune des régions sahariennes), projet d’une zone administrée par Paris dans le Sahara, contré par le 1er président malien Modibo Keïta? Rappelons à ce sujet le propos de Michel Debré, à l’époque 1er ministre français: «Il semble que la seule solution efficace et durable résiderait dans la reconnaissance par les gouvernements africains intéressés d’une certaine autonomie de leurs provinces sahariennes blanches dont l’administration pourrait […] rester aux mains de cadres français formés à la politique à suivre à l’égard des nomades.»

Quoi qu’il en soit, face aux immenses défis, il revient aux Maliens de déjouer les pièges. Des solutions sont possibles, dans la réponse aux immenses défis sociaux, économiques, environnementaux, pour donner des perspectives à tous, singulièrement aux jeunes, pour la paix et l’unicité du Mali.

Dominique Josse
Collectif Afrique du PCF
article publié dans CommunisteS du 3 avril 2019

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