Comité de suivi de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale : La paix en sursis

Cela fait très mal à l’entendre. À peine mis en place, le Comité de suivi de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale dévoile qu’il a du fil à retordre. C’est du moins ce qui ressort de la conférence de presse qu’ont donnée le 2 octobre 2015 à la Maison de la presse, les membres de la Compis 15 (Coordination des mouvements prônant l’inclusivité et signataires de l’accord du 15 mai), notamment du Coordinateur de ladite association, Mohamed Ousmane Ag Mahamadoune, et son vice-président, Abouba Ali Maïga.

processus paix negociation nord mali kidal gao tombouctou rebelle sudisteRappelons tout d’abord que depuis le 15 mai dernier, le gouvernement du Mali et les mouvements républicains, la médiation élargie ont enregistré l’adhésion de la Coordination des mouvements de l’Azawad (Cma) au document qu’elle avait alors refusé de parapher, avant de revenir sur sa décision deux mois après. Pour marquer de manière convenue l’adhésion de la Coordination, c’est Sidi Brahim Ould Sidati qui y avait apposé sa signature.  En fait, cette signature de Sidi Brahim, chef du mouvement arabe (Maa), branche intégrante de la Cma, venait après celles du gouvernement de la République du Mali et des dirigeants de la Plate-forme qui avaient apposé leur signature sur le document depuis le 15 mai dernier.

En plus du chef de l’Etat, toutes les personnalités ayant pris la parole, ont exprimé leur satisfaction de parvenir à une signature définitive du document par toutes les parties en conflit. «Maintenant que toutes les parties ont signé le document, il est permis de l’appeler un accord quoique son application est l’étape la plus difficile et qui s’annonce mouvementée tant il prévoit des mesures complexes», avait commenté un observateur. Ajoutant que la phase la plus difficile s’ouvre, c’est-à-dire, «la mise en œuvre des dispositions de l’accord».

Il faut préciser que cet accord, qui vient d’être finalement signé, est un document d’une trentaine de pages. Avec ses 67 articles, le document évoque surtout des questions de développement et de sécurité des régions du Nord. Bien d’actions humanitaires, de projets de reconstruction et de mesures institutionnelles sont, entre autres, les défis à relever pour aller à la vraie paix au Mali. Ainsi signé, «le présent accord entre en vigueur dès sa signature par les parties et la médiation», peut-on lire comme disposition finale.

Encore des tergiversations

Après trois ans de soubresauts, de défiances, de méfiance, de tiraillements et même de guerre, les Maliens du nord comme du sud ont désormais une occasion de se retrouver afin de développer ensemble la terre de leurs ancêtres. Ainsi, si l’on s’en tient aux mesures préalables qui incombent à la responsabilité de l’Etat, tous les moyens seront bientôt déployés dans le but de rapatrier les déplacés de guerre pour rentamer une autre manière de vivre ensemble dans le développement et la sécurité à retrouver. Cela, si et seulement si, la mise en œuvre se concrétise.

Dans la même veine, «la communauté internationale est appelée à accompagner la mise en œuvre de l’Accord, à travers le soutien financier, technique et logistique requis pour le fonctionnement des différents mécanismes prévus par l’Accord, le DDR, la RSS et les efforts de lutte contre le terrorisme et le crime organisé, ainsi qu’en contribuant promptement et généreusement au Fonds fiduciaire envisagé et en saisissant l’occasion de la Conférence d’appel de fonds prévue dans l’Accord pour apporter un concours significatif en vue du développement des régions nord».

Des tractations en cours

Selon nos confrères de Studio Tamani, lors de la deuxième journée consacrée aux rapports des sous-commissions, des propositions pour les questions de défense, sécurité et réconciliation ont été faites. Et le Comité a également débattu la question relative au budget. Cependant, la représentativité des groupes au sein du comité pose toujours problème. Malgré une proposition de la médiation faite aux groupes, des divergences existent toujours sur cette question. Mais selon la médiation, un groupe de contact a été mis en place pour continuer les discussions avec les mouvements concernés.

Chéaka Abdou Touré est le représentant spécial de la Cédéao au Mali, membre de la médiation. «Dans le règlement intérieur, il est accordé six places à la Cma, six places à la Plate-forme et c’est exactement six places aussi qui sont réservées à l’ensemble des groupes qui sont là. Maintenant il appartiendra à ces groupes de se repartir les six places, dont deux places au niveau du Csa et quatre places au niveau des sous-groupes. Donc c’est cette proposition qui a été soumise. Mais ils ont voulu que les réflexions soient approfondies pour voir s’il y a d’autres paramètres qui devaient être pris en compte. Mais le groupe de contact conduit par le président Buyoya reste disposé pour poursuivre les discussions à ce niveau», indique Sékou Gadjigo, membre influent de la Compis 15.

Pour les mouvements signataires du 15 mai, regroupés au sein de la Compis 15, cette proposition de la médiation est inacceptable. Le coordinateur de la Compis 15 estime que toutes les parties doivent bénéficier du même nombre de places au sein du comité. Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune souligne : «Nous avons accepté en premier point d’intégrer une des parties ensemble, la Cma ou la Plate-forme. Mais notre quota de représentativité, on devait le discuter directement avec la médiation et l’autre partie, le gouvernement. Et que ce n’était pas un problème pour la Cma et la Plate-forme.

Malheureusement il est sorti une proposition qui prétend être une offre faite par la Cma et la Plate-forme malgré qu’on ait eu un compromis ensemble. On a dit qu’on n’est pas d’accord. Imaginez la Compis 15 avec sept mouvements, des armes, des combattants. On leur demande de se faire représenter par six personnes dans le comité de suivi contre vingt-deux pour la Plate-forme et vingt-deux pour la Cma. Voyez vous-même la disparité. Pourquoi ce déséquilibre ? Sept mouvements suffisamment représentatifs qui ont une légitimité assez énorme et importante sur tous les plans. On leur dit contentez-vous de six personnes contre vingt-deux pour la Cma et vingt-deux pour la Plate-forme, voyez vous-même le déséquilibre. On ne saurait l’accepter».

Face à cette situation, certains observateurs craignent «une alliance de la Cma et la Plate-forme contre le gouvernement». Ces analystes estiment que «les deux mouvements armés veulent maintenant une crise qui va mettre le gouvernement malien en position de forfaiture par rapport aux engagements qu’il a pris dans le cadre de l’accord d’Alger». Abdoulaye Niang, Directeur du Centre de recherche et d’étude stratégique, estime que la situation que nous vivons est une étape, dans la série de crises. «À partir du moment où on élaborait l’accord, on a fait une bonne analyse des causes profondes. On n’a pas identifié les relations sur le fond.

Il est évident qu’au fur à mesure que nous allons progresser dans la mise en œuvre, on ira d’une crise à une autre crise. Et puis le plus important, c’est qu’ils utilisent cette phase de la crise pour être unis dans l’action, je veux dire la Plate-forme et la Cma. Et d’exclure d’autres groupes sociaux de la communauté des localités du nord. On peut le prendre dans sa globalité en regroupant Kidal, Gao et Tombouctou. Ce qu’il faut comprendre dans ça, c’est qu’ils vont se rallier contre maintenant le gouvernement de la République du Mali. C’est-à-dire qu’il faut savoir que le seul blocage, la seule crise qu’ils sont en train de viser, c’est la crise qui permet de mettre le gouvernement du Mali en position de forfaiture par rapport aux engagements qu’il a pris dans le stade de l’accord issu du processus d’Alger», a-t-il précisé.

La Compis sur pied de guerre

Lors de cette conférence de presse du 2 octobre dernier, le président de la Commission défense de la Compis 15 n’est pas allé avec le dos de la cuillère. «Nous sommes pour l’inclusivité de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale. Nous n’avons jamais coupé des mains, violé des femmes et des jeunes filles ; profané les mausolées… Nous sommes Maliens et non pro-Maliens. Nous nous sommes battus et nous nous battons pour la paix et l’intégrité du Mali, Un et Indivisible. Chaque matin, on crie dans les journaux, Cma, Cma, Cma… C’est du banditisme. Si les éléments de la Cma sont des garçons, ils n’ont qu’à venir nous attaquer sur nos positions… La paix, c’est sur le terrain…».

Autant dire que le Comité de suivi a du pain sur la planche et que la paix au Mali n’est pas pour demain.

Bruno E. LOMA

Source: Le Reporter

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