Amadou Toumani Touré : Que reste-t-il du “héros” du 26 mars ?

Les partisans du Général président Amadou Toumani Touré préparent en grande pompe son retour au bercail pour ce dimanche 24 décembre 2017. Au-delà des tintamarres de ses inconditionnels, que reste-t-il du “héros” du 26 mars ?

Après des tentatives tendant à juger pour haute trahison l’ancien chef de l’Etat, Amadou Toumani Touré, exilé à Dakar depuis sa chute en mars 2012, ses partisans annoncent son retour à Bamako en grande pompe pour ce 24 décembre 2017. Ce retour est présenté comme un acte de réconciliation pouvant aider les fils de la nation à se donner la main. Le général ATT a le droit de vivre au Mali comme tout le monde. Moussa Traoré n’a jamais quitté le pays. Il a affronté avec dignité les épreuves après sa chute. Aujourd’hui, il parade en ville avec respect et considération.

Au-delà des tintamarres de ses inconditionnels, que reste-t-il du “héros” du 26 mars ? Depuis le jour où il a fui sous les canons des mutins de Kati en descendant la colline dans des conditions mystérieuses avant de se cacher quelques jours à Bamako, le Général de corps d’armée ATT est devant le tribunal de l’histoire.

ATT a commis des erreurs dans la gestion des affaires publiques. L’homme ne s’est pas toujours comporté comme le vertueux roi Ambodédjo, dont les qualités lui ont été souvent rappelées non sans risque  par votre journal. Alors que le citoyen apolitique qu’il était à son retour au pouvoir en 2002 bénéficiait d’un réel capital de sympathie auprès de ses compatriotes excédés par les acteurs politiques, lui-même a vite fait de le dilapider en ne prêtant l’oreille qu’aux chants de sirènes. Et ces sirènes avaient surtout pignon sur rue dans le système.

Certes, ATT a doté le pays en infrastructures. Cela est à son actif. Il ne s’agit  pas pour nous de faire l’apologie d’un homme dont nous avons combattu le système de gouvernance à travers nos plumes mais, de regarder l’histoire en face et d’en tirer les meilleurs enseignements afin de  baliser l’avenir de la nation.

Nous sommes à l’aise en défendant une telle position. Car, au moment où certains politiques, devenus aujourd’hui ses principaux pourfendeurs, se couchaient sous ses pieds, histoire de bénéficier des prébendes, « Le Challenger » était là pour tirer sur la sonnette d’alarme face aux dérives qui ont précipité la descente de la nation au fond de l’abîme. Cela nous a coûté ce qu’il nous a coûté.

« ATT, une tragédie pour le Mali »

« Le pouvoir ATT (Amadou Toumani Touré) finit par donner libre cours à tous les instincts, surtout les plus mafieux. On en connaît aujourd’hui les conséquences terribles. Dans toute l’histoire du Mali, le pays n’est jamais tombé aussi bas. Le pouvoir n’a jamais été autant déconsidéré et gangrené par une “médiocratie” politique totalement corrompue. Les conséquences notamment sociales et psychologiques sur les ressources humaines sont d’une extrême gravité. Le matériel humain malien en est durablement affecté », écrivait le philosophe et homme politique, Pr Issa N’Diaye dans sa tribune intitulée « Faut-il désespérer du Mali d’IBK ? », parue en avril 2014.

Dans l’édition spéciale du quotidien dakarois “Le Soleil” consacrée en janvier 2013 à la situation du Mali, on pouvait lire l’écrivain et ancien ministre Seydou Bandian qui déclarait que « ATT est une tragédie pour le Mali ». « ATT était, au fond, un mauvais saltimbanque. Il faisait rire, il mystifiait. C’est lui qui est à la base de cette situation. En vérité, les villes ont commencé à tomber pendant qu’il était encore à la tête du Mali. Certains de ses compagnons disent qu’il a laissé pourrir la situation afin de rester au pouvoir. Il mobilisait ses gens pour laisser entendre qu’avec l’occupation du nord, il n’était pas possible d’organiser des élections……. Amadou Toumani Touré était le chef suprême des armées. Où est cette armée ? Comment a-t-il pu laisser passer la horde armée en provenance de la Libye ? ATT, en vérité, a été un vrai désastre pour le Mali. Comme mystificateur, vous ne trouverez pas deux comme ATT. On s’est laissé prendre à toutes ses histoires, croyant qu’il était l’homme de la situation…. Ce n’était même pas un homme de la taille d’un chef de village….. Il passait son temps à acheter les gens par des médailles, des décorations de toutes sortes, des postes, pour être tranquille et opérer à sa guise ».  Voilà quelques extraits des propos de Seydou Bandian rapportés par le quotidien gouvernemental sénégalais.

ATT est un homme déjà condamné par l’histoire même si l’on veut le présenter comme un messie. « Le soldat de la démocratie », « le médiateur » est sorti par la fenêtre de l’histoire. Déjà sans être un devin, le Président du Parti pour la Renaissance Nationale (PARENA), Tiébilé Dramé, avait prévenu dans un discours prononcé le 18 février 2007, les encenseurs du roi de ne pas détruire le héros du 26 mars 1991. « Je supplie ceux qui incitent le Président de la République à solliciter un second mandat de ne pas détruire le héros du 26 mars 1991 qu’il est…… Je demande à ceux qui incitent le Président à solliciter un 2ème mandat à le laisser sortir par la grande porte », lançait Tiébilé Dramé qui fut le premier homme politique à réclamer le retour d’ATT au bercail.

Ce qui est arrivé à ATT en 2012 est la chose la plus grave qui puisse arriver à un homme comme lui, jadis adulé, célébré et reconnu à travers la planète entière comme un modèle. Une sanction que seul Dieu peut infliger à un homme de son envergure pour lui rappeler qu’il n’est avant tout qu’une créature.

Les partisans d’ATT qui veulent fêter son retour à travers des actions et autres manifestations folkloriques doivent avoir la décence de faire profil bas et de ne pas toucher aux plaies qui sont loin d’être cicatrisées. Ne soyons pas si vite nostalgiques. Et respectons la mémoire de ces victimes civiles et militaires de la tragédie malienne.

Chiaka Doumbia

Par L’Enquêteur

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