Ce que je pense : Faut-il émuler l’exemple du Burkina Faso?

Il y a quelques jours je lisais dans la presse, avec une pointe d’envie, que le Burkina Faso a mis en ligne, avec succès, le paiement des impôts par les sociétés. Prochainement, il mettra le même système en place pour les particuliers.

 

L’expérience aurait déjà permis de réorienter plus de 50% de transactions vers le règlement en ligne, libérant ainsi des compétences qui seront réaffectées vers d’autres structures en déficit d’effectif.

L’information semble anodine à première vue, mais en fait le Burkina Faso vient de faire un bond de géant  en avant. Ne soyons pas surpris si demain le Burkina Faso creusait l’écart avec les autres pays connaissant les mêmes réalités socio-économiques. Pourquoi? Parce que le Burkina Faso a compris les enjeux de la modernisation de l’administration, du gain de productivité et de la transparence qui en résultent.

Depuis tout le temps que l’on parle de la modernisation de l’Administration et de la lutte contre la corruption au Mali, il est temps que l’on cesse de se cacher derrière le petit doigt. Par expérience, nous avons appris au Mali que ce n’est pas avec la création de structures plus impressionnantes les unes que les autres que l’on réussira à lutter contre la corruption. Ce qu’il faut c’est d’abord la volonté politique, la persévérance. Il faut ensuite de toutes petites mesures, qui ne sont pas spectaculaires, mais suffisamment efficaces pour changer les habitudes et les pratiques. La mesure prise par le Burkina Faso en est une.

La corruption doit plutôt être combattue en amont qu’après la commission du délit. Parce qu’il est plus difficile de prouver un cas de corruption que de prévenir la corruption.

A mon avis, la corruption prend forme à partir du moment où vous investissez un homme ou une femme d’une parcelle d’autorité. Cela peut être le pouvoir d’apposer une signature, un simple cachet ou un paraphe. Le pouvoir hiérarchique de décision est la pire source de corruption.

Comment faire en amont pour réduire la marge de corruption?

– Il faut nécessairement commencer par le bon bout, c’est à dire améliorer sensiblement les conditions de rémunération du travail de l’employé. Un adage dit que “le Mali fait semblant de payer ses fonctionnaires et en retour, les fonctionnaires font semblant de travailler pour l’Etat”. C’est là un jeu de dupes auquel il faut mettre fin. Le travailleur doit pouvoir vivre décemment du fruit de son travail. Ainsi faisant, l’Etat ôte à l’employé toute justification pour les actes délictueux que celui-ci serait tenté de commettre.

– Il faut réduire les intermédiaires. Si un document est présentement visé et signé à travers un circuit comprenant 4 ou 5 personnes, il faut en supprimer 2 ou 3. Cela présente en plus l’avantage d’écourter les délais des formalités, donc un gain en temps et en productivité;

– Il faut renforcer la pratique du guichet unique, pas seulement pour les investissements, mais pour tous les secteurs où cela est possible. Toutes les structures impliquées dans le processus de prise de décision auront leurs représentants regroupés en un seul lieu. Ils ne seront pas en contact direct avec l’usager. Celui-ci n’aura de contact qu’avec l’intendant du guichet, qui met à disposition la liste des conditions à remplir. L’usager dépose son dossier et se fait remettre un accusé de réception avec une date limite pour la réponse de l’Administration n’excédant pas 15 jours ou même une semaine;

– l’informatisation de la procédure et sa mise en ligne, comme le Burkina Faso l’a fait. En plus du gain de productivité, cette approche protège l’usager contre les tracasseries des agents véreux.

– Il est nécessaire de mettre en place des structures bénévoles de conseil qui encadrent les usagers avant qu’ils ne se mettent en rapport avec l’administration. Cela va du conseil juridique au conseil fiscal en passant par la mise à disposition de l’information sur l’état du droit positif concernant le sujet traité.

– Il est important que le mérite soit récompensé à sa juste valeur et que la faute soit sanctionnée à la hauteur de sa gravité. Cela sera un facteur de dissuasion pour les employés peu scrupuleux.

– La pire des conséquences de la corruption vient des hauts cadres  ayant le pouvoir de décision.  En plus de devoir en sacrifier quelques uns pour l’exemple, il conviendrait de renforcer les mécanismes de contrôle en amont. Outre le contrôle financier, il faudrait leur adjoindre quelqu’un du même rang, mais provenant des services financiers, pour signer les décisions d’adjudication.

– Il faut créer une centrale d’achat qui recueillerait les besoins annuels des structures d’Etat d’une part, et ferait appel aux prestataires du même secteur pour qu’ils se mettent ensemble pour faire leur offre.  Les achats seront groupés et le marché serait réparti entre opérateurs du même secteur au prorata de leurs contributions au fisc.

– Il faut repartir les marchés de l’Etat de manière à réserver au moins 15% aux biens et services aux opérateurs locaux, 25% aux biens et services originaires de la Zone UEMOA et le reste serait ouvert au continent et au marché international. Une telle répartition permettrait d’encourager l’investissement et la production locale et préviendrait l’exclusion d’opérateurs maliens ayant une envergure moindre .

-la pratique de la bancarisation des transactions ainsi que de la délivrance obligatoire d’un reçu de paiement pour toute transaction rémunérée doit être prescrite.

– Les personnes accédant aux hautes fonctions administratives et politiques ainsi que ceux responsables de la gestion de deniers publics doivent faire une déclaration obligatoire de leurs biens à leur prise de fonction et la fin de leur mission.

– Des numéros verts doivent être déployés pour la dénonciation pour les cas de concussions.

– Pour un pays enclavé comme le Mali, la création des postes de contrôle conjoints aux postes frontières permet d’harmoniser les pratiques des Etats, d’accélérer les formalités et d’accroître le contrôle sur la transparence des opérations. IL faut généraliser l’utilisation des scanners aux frontières.

-Enfin il faut renforcer les contrôles aux frontières terrestres et aéroportuaires pour détecter et sanctionner l’évasion frauduleuse des fonds illicites.

Voici, à mon avis, quelques idées pour combattre la corruption en amont. Cela va de pair avec la sanction sévère des cas de flagrant délit et d’autres cas de corruption prouvés. Ceux qui ont le pouvoir de décision doivent répondre plus de leurs actes. Les sanctions les concernant doivent être exemplaires et dissuasives.  L’impunité doit cesser de régner en maître.

Quel est votre avis?

La prochaine fois, je traiterai de la modernisation de l’Administration.

A bon entendeur salut!

Cheick Sidi Diarra

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